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Maxim’s : Laurent de Gourcuff réinvente le mythe


Certaines adresses résonnent de façon magique. comme Maxim’s, un nom qui évoque immédiatement les années folles, la belle époque, l’art nouveau, un monde de la nuit, fou, fou, fou, luxueux, chic et gourmet.

Laurent de Gourcuff (Photo by Jerome Domine/ABACAPRESS.COM)

Le cinéma et la télévision ont permis de garder l’imaginaire de cette légende, même si la réalité a rattrapé le rêve. Progressivement, le restaurant a fini par perdre de sa superbe en dehors de quelques soirées de rêve où étaient associés de grands noms et pendant lesquelles le champagne coulait à flots. Même si le taux de notoriété est toujours aussi élevé, la multiplication de franchises de plus ou moins bonne qualité a quelque peu écorné l’image.

Il était une fois en 1983

À l’époque, l’endroit est un bistrot, qui prend son nom de son propriétaire, Maxime Gaillard, ancien garçon de café. Le nom de Maxim’s fait immédiatement son petit effet dans ce quartier de la Madeleine et attire quelques célébrités de l’époque. Il n’en faut pas plus pour que la rumeur se répande et que le Tout Paris se précipite en cette fin de XIXème siècle.

Maxime Gaillard n’étant pas un parfait gestionnaire, il vend l’affaire à son maître d’hôtel, Eugène Cornuché qui aura l’idée géniale de rénover tout l’établissement par des artistes de l’époque, spécialistes de l’Art Nouveau.

Il en fait aussi un lieu où le haut du panier de la société peut venir s’encanailler auprès de courtisanes, y compris jusque dans leurs chambres d’amour. Car un léger parfum de scandale a toujours accompagné Maxim’s, une spécificité liée à son succès. Cette première phase du succès est marquée par l’aspect festif et effréné qui caractérise les Années folles en France. Les propriétaires se succèdent, la famille Vaudable reprend l’affaire, Maxim’s aimante toujours autant les célébrités telles que Marcel Proust, Mistinguett, plus tard Sacha Guitry. Il recevra pendant la guerre une clientèle bien différente, celle des officiers de l’armée allemande.

L’après-guerre voit Maxim’s se transformer en un restaurant très haut de gamme grâce à Louis et Maggie Vaudable, qui en font une table d’exception jusqu’à décrocher les trois étoiles du Michelin dès 1957. Le lieu attire la jet set internationale, Charlie Chaplin, Onassis, Cocteau, Christian Dior et bien d’autres. Les années passent, cet apogée prend fin, Pierre Cardin rachète Maxim’s en 1981, multiplie les licences et franchises, la renommée décline, la qualité également. La magnifique verrière est toujours là, mais la réputation en particulier gastronomique s’est fanée. Maxim’s attendait son renouveau.

Le défi de Laurent de Gourcuff

Il n’est pas un inconnu et sa société Paris Society encore moins dans le domaine de la gastronomie et restauration. Cette fois-ci, le pari est à la fois simple grâce à la renommée du lieu, mais aussi difficile à relever pour la même raison. Même si peu nombreuses sont les personnes à avoir fréquenté l’endroit, Maxim’s ne peut plus décevoir par rapport à une image toujours inscrite dans le temps et les mémoires, une page d’histoire parisienne.

La légende serait-elle de retour ? Ou ne s’agit-il que d’un mythe irréel ? Après la fête, après la haute gastronomie, quel sera le nouveau Maxim’s ? Le lieu est toujours aussi enchanteur et l’Art Nouveau est tout sauf démodé. Cette ambiance a été respectée par la directrice artistique du groupe, Cordélia de Castellane. L’autre partie du défi se situe sur la table, personne n’a oublié qu’une fois sorti du Michelin en 1977, la lente descente aux enfers a commencé. L’assiette doit reprendre du peps.

Reste l’ambiance, le côté le plus difficile à appréhender, même si Laurent de Gourcuff est un professionnel du sujet. Tout dépendra de la clientèle, des événements organisés dans l’endroit, qui détermineront le style de l’avenir, qui ne sera évidemment pas celui du passé.

Octobre 2023

L’aventure a redémarré à l’automne dernier et les enjeux sont importants. Il s’agit de faire renaître un monument historique au sens propre du terme puisque Maxim’s est classé depuis 1979. Maxim’s sort d’une période de léthargie, une presque mort depuis celle bien réelle de son propriétaire en 2020. La renaissance n’en est que plus attendue. Laurent de Gourcuff, en tant qu’homme d’affaires avisé, a une stratégie bien précise en tête pour Maxim’s.

Élégance, plaisir des yeux et du palais, un lieu chic sans être exclusif, dans son temps, mais en évitant l’aspect bling-bling qui caractérise certains hauts lieux internationaux. Paris n’est pas Dubaï, la capitale doit garder le cachet qui lui est propre et Maxim’s contribue à l’image parisienne et française. La salle du rez-de-chaussée a gardé sa magie, le premier abrite un bar à cocktail, la terrasse et le fumoir viennent compléter l’offre. Un piano à queue vient rappeler que la musique fait partie intégrante de l’ambiance, jazzy, rétro ou moderne en fonction des heures.

Que Paris retrouve son Maxim’s, tout aussi indispensable que la tour Eiffel, son avenue Montaigne, ou son quartier de Saint-Germain-des-Prés. Comme l’a dit Laurent de Gourcuff, « Maxim’s c’est Hibernatus », et peut renaître aussi jeune qu’à l’époque. Paris vaut bien une messe.

Claudio Flouvat

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