Chef d’entreprise d’une PME aux Mureaux (Yvelines), Michel Sapranides partage dans son ouvrage Leader Sociétal sa vision du leadership.
En quoi l’éviction d’Emmanuel Faber marque-t-elle un tournant dans la culture managériale en France ?
Emmanuel Faber a été évincé de Danone parce que les résultats financiers attendus par les actionnaires n’étaient pas au rendez-vous, en partie à cause de la crise économique actuelle.
À noter, une réorganisation récente, privilégiant les pays aux métiers, a créé des fortes tensions en interne, d’importants dirigeants perdants leurs prérogatives.
Ensuite, la mutation de Danone, des activités traditionnelles que sont les produits laitiers et l’eau vers l’alimentation spécialisée dite « l’alimencation » doit encore produire ses effets.
Pour finir, en terme de gouvernance d’entreprise, Emmanuel Faber cumulait les postes de Président et de Directeur Général, schéma dépassé selon moi aujourd’hui.
Vous écrivez, dans votre livre Leader Sociétal : « Celui qui n’aurait jamais échoué serait comme dépourvu de système immunitaire ». Quelles leçons tirer de l’exemple de Danone ?
De l’extérieur, il semblerait que la principale erreur serait la place importante qu’occupait Emmanuel Faber, par rapport à son équipe rapprochée mais aussi au modèle de gouvernance en place.
Danone est une très belle entreprise française avec une vision, de bons produits et certainement des belles ressources en interne et va, sans nul doute, rebondir plus fort.
Voyez-vous dans l’entreprise a mission et la RSE des réponses appropriées aux enjeux économiques de notre époque ?
Evidemment, il s’agit grâce à un effort commun de sauver notre planète. La prise de conscience est bien là mais il faut maintenant agir de manière coordonnée. L’entreprise à mission et la RSE en entreprise vont devenir incontournables et jouer un rôle déterminant.
L’exemple de Danone pourrait laisser penser que l’entreprise à mission ne serait réellement compatible qu’avec des petites structures. Qu’en pensez-vous ?
Tout commence par la volonté des femmes et des hommes de notre société. Ce n’est pas une question de taille d’entreprise. Nous allons vivre une transition majeure généralisée.
Comment faire comprendre à un investisseur que l’objectif d’une entreprise n’est pas uniquement la quête du profit ?
Même les jeunes dans les grandes écoles spécialisées en Finance ne veulent plus d’un modèle unique tourné vers le profit à tout prix.
Cette année, l’Oréal a nommé sa directrice de la finance durable.
Euronext a lancé le 22 mars 2021 la déclinaison responsable du CAC40. Un nouvel indice ESG regroupe 40 sociétés qui ont démontré les meilleures pratiques d’un point de vue environnemental, sociétal et de gouvernance.
Ce sera lent mais c’est incontournable.
Vous écrivez, dans votre livre Leader Sociétal : « Quand j’ai créé et développé mon groupe, j’ai voulu le marquer d’une forte empreinte sociétale. Mon moteur n’a pas été la course au profit ». Quels sont les coûts et bénéfices d’une telle démarche ?
Les coûts sont en effet importants. Vous mettez, par exemple, tous vos collaborateurs dans les meilleures dispositions et nous parlons bien d’une PME. Cela va de la politique salariale, aux formations, aux outils les plus modernes pour bien faire son travail en passant par un cadre de travail des plus favorables pour le bien-être.
Le bénéfice est le développement sur la durée d’une équipe avec des valeurs fortes et culture d’entreprise à toutes épreuves.
Que la loi Pacte a-t-elle changé dans votre gestion du groupe Sigma Technologies ?
Ce ne sont pas les lois qui nous guident mais nos convictions. Nous n’avons, par exemple, attendu aucune loi pour développer la diversité ou l’apprentissage.
Il est intéressant de noter que le leadership que vous défendez dans votre livre Leader Sociétal se nourrit à la fois de votre parcours, et de l’influence que d’autres dirigeants ont eu sur vous. Voyez-vous le Leader Sociétal comme un idéal à poursuivre, ou bien un compromis entre intérêts divergents ?
Je le vois comme une responsabilité citoyenne. Nous devons faire selon nos convictions encore une fois. Nous devons être des modèles pour les plus jeunes.
Quelles leçons de management tirez-vous de la crise sanitaire ?
Qu’il faut être fort sur ses fondamentaux avant qu’elle arrive. Que la solidarité ça existe, nos clients nous ont alors payés très vite. Que nos collaborateurs peuvent déplacer des montagnes, à condition qu’ils soient respectés.
Le « monde d’après » est-il compatible avec le mode de décision pyramidal ?
Il y aura toujours un Leader mais comme un membre de son équipe. C’est donc le leadership en général qu’il faut étendre au plus grand nombre à travers toute l’entreprise.
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