En la rachetant au suisse Calida, la famille d’Annecy remet la main sur son entreprise et relance la PME textile outdoor de 75 M€ de chiffre d’affaires et 750 collaborateurs. Un tour de force.
Les amateurs de sports de montagne connaissent bien la marque Millet, emblématique et historique de cet univers, qui a connu ses heures de gloire en équipant la première expédition dans l’Annapurna en 1951, premier massif de 8000 mètres à être vaincu ; preuve de la qualité et de la réputation de l’entreprise à l’époque. Millet a été rachetée il y a près d’un demi-siècle pour intégrer le groupe Lafuma, autre marque montagnarde emblématique, également basée à Annecy et spécialiste de l’équipement de randonnée et de mobilier depuis sa création dans les années 30.
En décembre 2013, Lafuma finit par devenir propriété du groupe suisse Calida. Jusqu’alors, ce groupe était surtout connu pour son offre de lingerie et de sous-vêtements vendus sous les marques Aubade et Calida. Le Covid est passé par là et cette diversification ne fait plus aujourd’hui partie de la stratégie du groupe qui souhaite se renforcer sur son cœur de métier.
Un repreneur déjà bien connu
L’an dernier, le groupe suisse a annoncé sa volonté de vendre Millet et Lafuma, au détail près qu’il décide de garder Lafuma Mobilier, le secteur le plus rentable financièrement. Le groupe met donc le pôle Millet Mountain Group (MMG) sur le marché, qui regroupe les vêtements et équipements de sport de montagne et exploite les deux marques Millet et Lafuma pour un chiffre d’affaires global de 75 millions d’euros. Le montant de la transaction n’est pas connu à ce jour ; la conclusion finale devant intervenir prochainement, probablement en avril.
Il n’a pas fallu aller bien loin pour trouver le repreneur. Jean-Pierre Millet, petit-fils du fondateur, a en effet procédé au rachat avec l’aide de Inspiring Sport Capital, fonds d’investissement spécialiste du sport dirigé par Laurent Damiani et Lucien Boyer. Facteur facilitateur, le directeur général de PMM depuis décembre 2020 chez Calida n’est autre que Romain Millet, l’un des neveux du repreneur, aujourd’hui confirmé dans ses fonctions au sein de la nouvelle structure.
Une centenaire hors du commun
L’idée du retour aux origines familiales réjouit dans la région Il est un gage de durabilité de l’emploi pour les 750 salariés du pôle et une belle façon de fêter le centenaire de la marque Millet. Les grands axes de la politique à mener ont déjà été définis par Romain Millet. Écoresponsabilité, recyclabilité, vente de produits d’occasion, production locale notamment via un partenariat avec le voisin Chamatex, spécialiste des chaussures de randonnée, sans oublier l’omnicanalité des circuits de distribution sont les chantiers ouverts. Les deux marques bénéficient d’une excellente image parmi les connaisseurs et disposent de forces sur lesquelles il est possible de capitaliser, comme l’export.
Ainsi, Millet et Lafuma ont gardé toute leur aura, en France comme à l’étranger, puisqu’elles réalisent 60% de leur chiffre d’affaires cumulé à l’international, notamment dans les pays alpins, Allemagne, Autriche et Suisse. En Asie, Millet est également une marque particulièrement prisée au Japon.
Jean-Pierre Millet, un investisseur heureux
Le petit-fils du fondateur sait qu’il investit sur un secteur difficile qui a beaucoup souffert dernièrement avec la pandémie suite à la fermeture des commerces et la moindre fréquentation des stations de ski. L’entreprise est néanmoins restée rentable, même si ses résultats ont baissé, un signe de solidité rassurant. L’entrepreneur de 64 ans n’en est pas à ses débuts. Il est un professionnel de la finance et un investisseur reconnu dans son secteur. Jean-Pierre Millet a forcément le cœur qui bat un peu plus pour cette entreprise redevenue familiale, mais il a aussi étudié les potentiels de développement pour Millet et Lafuma.
Un parcours réussi
Après ses études, Jean-Pierre Millet a travaillé pendant six ans au sein du BCG, le célèbre Boston Consulting Group, avant de fonder l’industrie agroalimentaire Artal Europe qu’il dirige pendant dix ans. Il revient à la finance pure en 1997 en créant Carlyle Europe, filiale d’un fonds américain qui a beaucoup fait parler de lui. Il crée seize ans plus tard avec deux associés Primestone, un fonds dédié à des prises de participations amicales dans des entreprises cotées de taille moyenne. L’homme connaît parfaitement l’entreprise qu’il vient de reprendre et dont il a été un membre du conseil d’administration lors de la fusion avec Lafuma en 1996. Il est d’ailleurs resté actionnaire du groupe Lafuma jusqu’en 2018 à hauteur d’environ 7,5%, date à laquelle il avait finalement cédé sa participation. Avant de mieux revenir.