Repetto est devenue une icône de la mode, et non plus seulement de la danse, même si l’imaginaire et le style de la marque restent intimement liés à cet univers d’origine. Une entreprise patrimoniale historique où les changements de style prennent la forme d’évolutions, tout en douceur. La preuve avec l’arrivée de la nouvelle direction générale.
Il est tout à fait impossible de parler du Repetto d’aujourd’hui sans évoquer le Repetto d’hier. Celui lié à Rose Repetto, qui décide d’aider son fils, Roland Petit, en créant des chaussons de danse le faisant moins souffrir pendant ses longues heures d’apprentissage. Rose tient un café, mais est bonne couturière, elle décide de coudre la semelle en cuir des chaussons de son fils et de la retourner ensuite, le fameux « cousu-retourné ».
Cet acte allait conduire à la création de la maison Repetto en 1947, qui voit le jour près de l’Opéra de Paris. L’amour maternel peut aussi provoquer la naissance de belles histoires d’entreprises… La suite est connue, les premières ballerines plaisent, sortent des ballets pour investir la rue et chaussent l’emblématique Brigitte Bardot dans « Et Dieu créa la femme ». Le succès ne se démentira pas jusqu’à la mort de sa fondatrice en 1984, qui marque le début du déclin.
LA REFONDATION
Jean-Marc Gaucher va remettre Repetto au premier plan sur le marché de la chaussure et au-delà. Cet ancien patron de Reebook France rachète la marque en 1999, et lui redonner un nouvel élan attendu des fans de la marque tout en préservant la gamme dédiée à la danse. Pour l’entrepreneur, inutile d’attendre l’idée de génie, mieux vaut chercher la bonne société et ensuite « s’engager à fond et travailler ! ».
C’est ce qu’il a fait, car l’entreprise est quasiment en dépôt de bilan lors de la reprise, mais il réussit à la faire repartir du bon pied en prenant la décision risquée à l’époque de positionner les fameuses ballerines dans le monde du luxe dit abordable. Du prestige qui s’appuie notamment sur l’histoire, et des prix sur le segment bas du haut de gamme, ce qui se traduit très rapidement par une forte croissance de la marque.
Depuis lors, le succès ne s’est plus démenti avec l’élargissement de l’offre à la chaussure homme, au textile et au parfum, sans oublier les succès à l’international via la création de boutiques dans de grandes villes telles que Shanghaï, New York, Sao Paulo, etc. Sur la cinquantaine de millions d’euros de chiffre d’affaires, la moitié sont réalisés à l’étranger.
NOUVELLE ÈRE
Après avoir assumé le difficile passage de la pandémie et des différents confinements, Jean-Marc Gaucher a décidé l’an dernier d’organiser le passage de témoin. Il garde la fonction de président, mais confie l’opérationnel à Laurence Levy nommée au poste de directrice générale de Repetto, sa fille Charlotte Gaucher-Holmann prenant le poste de directrice générale adjointe. La nouvelle dirigeante Laurence Levy n’est pas une inconnue.
À 40 ans, cette diplômée de HEC Paris a démarré sa carrière dans le conseil chez Oliver Wyman, avant d’intégrer de grands groupes. Danone d’abord, puis L’Oréal où elle officie de 2012 à 2022 à différents postes jusqu’à devenir la directrice générale adjointe de la marque Yves Saint Laurent Beauté. Le secteur du luxe l’attire et Repetto représente une opportunité à ne pas manquer.
Charlotte Gaucher a une expérience similaire, à 36 ans, diplômée de l’ESDES Business School, mère de deux enfants, elle a également passé 12 ans dans le groupe L’Oréal, où elle a fait la connaissance de Laurence Levy début 2018, ce qui augure plutôt bien de l’entente de ce duo féminin qui a déjà appris à travailler ensemble.
PLUSIEURS OBJECTIFS PARALLÈLES
Le président a montré lavoie, Laurence Levy doit à présent tracer la sienne en définissant la stratégie de demain. Repetto doit poursuivre sur les voies déjà engagées, telles que le recrutement d’une clientèle plus jeune, les efforts sur le marché français, là tout a commencé et encore premier marché de l’entreprise.
Les États-Unis sont forcément à considérer, car il s’agit de la première clientèle étrangère, même si la boutique a été fermée. L’Asie n’est et ne sera pas oubliée, la Chine restant toujours un pays attrayant pour la clientèle du luxe et de plus, particulièrement sensible à l’univers de la danse, le Japon également.
Bref, il y a fort à faire pour le duo féminin. Le secteur professionnel de la danse n’est pas oublié et reste le filigrane en termes de communication. Laurence Lévy peut s’y sentir à l’aise, elle qui a pratiqué cet art de discipline pendant une quinzaine d’années. La mariée est bien belle, mais présente quelques fragilités. Personne n’a oublié dans l’entreprise les difficultés post pandémie de 2020, ce qui a entrainé un renforcement à marche forcée de la présence de la marque sur le digital, qui atteint 15% du chiffre d’affaires.
Pour rajeunir la cible, la nouvelle direction compte s’appuyer sur la nouvelle gamme textile Athleisure, lancée l’an dernier, un domaine entre sport et style dans lequel Repetto se doit de réussir.
UN MANAGEMENT EN DUO
Les deux dirigeantes auront également un autre défi à relever. Celui de prouver qu’un duo féminin à la tête d’une entreprise est un mode de fonctionnement qui peut être envisagé, loin des poncifs du passé. La partie est bien engagée, puisque les deux femmes ont déjà travaillé ensemble et que leur ego ne semble pas être envahissant à l’image de ce qui a pu être le cas pour certaines stars du monde de la mode. Laurence Levy a d’ailleurs signalé que leurs bureaux sont non seulement l’un à côté de l’autre, mais également communicants.
Il n’y a pas eu que BB et Gainsbourg pour porter les Repetto, Jennifer Lopez vient de céder aux sirènes des chaussures vegan créées par la marque, portant les ballerines Lili Vegan lors de sa lune de miel l’an dernier à Paris. Les attentes sont grandes, au duo à présent de faire ses preuves, notamment pour ses 200 salariés dont 80 en production dans le Périgord à Saint-Médard d’Excideuil.
Anne Florin