Je m'abonne

Moez-Alexandre Zouari, nouvel empereur du discount


Après les magasins Picard, l’insatiable Moez-Alexandre Zouari met la main, à 51 ans, sur Stokomani pour le fusionner avec Maxi Bazar. Objectif : devenir un leader du discount face à Action et Gifi. Le groupe familial Zouari devrait atteindre le milliard d’euros de chiffres d’affaires. Il s’agit surtout d’une percée...

Entreprendre - Moez-Alexandre Zouari, nouvel empereur du discount

Après les magasins Picard, l’insatiable Moez-Alexandre Zouari met la main, à 51 ans, sur Stokomani pour le fusionner avec Maxi Bazar. Objectif : devenir un leader du discount face à Action et Gifi. Le groupe familial Zouari devrait atteindre le milliard d’euros de chiffres d’affaires.

Il s’agit surtout d’une percée en matière de réputation vis-à-vis du grand public, car l’homme est dans les affaires depuis bien longtemps. Il y a encore trois à quatre ans, Moez-Alexandre Zouari était peu présent dans les médias, hormis pour ceux qui s’intéressaient aux enseignes Casino. Cet homme jusqu’alors discret était surtout connu dans le monde de la grande distribution, grâce à sa belle réussite sous différentes enseignes du groupe Casino, en particulier Franprix en région parisienne.

Il y a peu, il a secoué la planète alimentaire en devenant actionnaire majoritaire et président de Picard. Depuis lors, le nom de Zouari ne cesse d’apparaitre dans les magazines spécialisés, économiques et financiers suite aux rachats d’enseignes de distribution opérant sur différents segments. Pas de chômage en vue pour le family office de l’homme d’affaires qui a fort à faire.

Étape numéro 1 : le rachat au début de cette année de Maxi Bazar et de ses 90 magasins dont une soixantaine en France (le reste en Suisse), pour 250 millions de chiffre d’affaires.

Étape numéro 2 : le rachat annoncé le 21 avril de l’enseigne Stokomani et de ses 130 magasins pour 575 millions d’euros de chiffre d’affaires. Maxi Bazar vend surtout de la décoration, des produits pour la maison, tandis que Stokomani vend essentiellement du déstockage, notamment de prêt-à-porter. L’objectif est déjà donné : 1 milliard d’euros au plus vite, un chiffre d’affaires tout à fait possible sur ce marché.

Un challenger avec qui il faudra compter

En quelques mois, Moez-Alexandre Zouari a donc frappé un grand coup avec ces deux enseignes tombées dans l’escarcelle de son family office et ne cache plus son ambition. Pour ce faire, la stratégie est déjà en place : des ouvertures, des rachats de petites chaînes locales discount, sans pour autant opérer de fusion entre les deux enseignes qui n’ont pas tout à fait le même positionnement.

Un doublement des ventes est attendu chez Maxi Bazar dans les deux ans à venir. Par ailleurs, des sources d’économies organisationnelles sont envisagées, la mutualisation dans le secteur des achats et de la logistique semble s’imposer du moins en partie. Autre axe de travail dans un futur proche, limiter les approvisionnements en provenance de Chine ou d’Inde et trouver des fournisseurs plus proches. L’ambition est élevée, mais certainement atteignable, les deux enseignes se situent en effet sur un marché qui connaît des croissances annuelles de l’ordre de 10% par an.

Le commerce dans le sang

Le père de Moez-Alexandre Zouari vendait des biscuits, son grand-père du sucre, à lui de trouver son produit. Finalement ce sera un peut tout, car le jeune Moez-Alexandre a dans l’idée d’ouvrir un super-marché. Mais pas seul, le jeune homme a rencontré Soraya au lycée, c’est donc ensemble qu’ils ouvrent un Franprix en 1998 à Ménilmontant. Certains s’en seraient contentés, mais il ne s’agissait que de se faire les dents.

Tous deux font une véritable étude de marché des petits commerces bien placés, mais en difficulté à Paris et font savoir aux propriétaires qu’ils sont acheteurs. Le love money est présent, les deux familles contribuent financièrement à l’effort entrepreneurial du jeune couple qui achète 5 Franprix la première année, le début d’une longue histoire pour aller jusqu’à plus de 200 points de vente.

Un manager de terrain

Les pros du marketing de la distribution ont une obsession : l’emplacement. Les pros du commerce, notamment les grands patrons qui ont lancé les enseignes qui performent encore aujourd’hui ont également la leur : le client. Et si le client a peu de moyens, il faut proposer du discount et contenter les besoins sans pour autant rogner sur l’ambiance du lieu. C’est le mantra de l’entrepreneur qui n’a pas attendu pour apporter sa patte aux enseignes. Ce pragmatique connaît le métier sur le bout des doigts et sa réussite ne doit rien au hasard.

Des idées à revendre

Lorsque l’on se préoccupe du client, il est absolument indispensable de s’adapter à sa zone de chalandise, à son quartier, en particulier dans les magasins de proximité, mais pas seulement. Le chef d’entre-prise n’a donc ainsi aucun état d’âme à innover, en installant un bar à sushi ici, un arbre en plein milieu du magasin là, des livres d’or pour obtenir les commentaires de clients…

Après le rachat de Maxi Bazar, les idées du nouveau propriétaire ont déjà été mises en place dans un nouveau magasin à Maurepas. Ce nouveau concept inclut une dizaine de collaborateurs en charge de la clientèle, des mises en avant de produits surprises, une nouvelle gamme en marque propre, un choix important de 15 000 références illustrant la signature de la marque « Mini Prix, Maxi Choix ».

Derrière chaque homme se cache une femme dit le dicton. Ici, il s’avère que cela correspond à une réalité. Car il serait injuste d’oublier la part jouée par sa femme Soraya, pleinement impliquée dans l’entreprise, bien avant que Moez-Alexandre Zouari devienne le premier master franchisé du groupe Casino avec un chiffre d’affaires proche des 1,5 milliard d’euros.

La distribution ralentit ? Ce n’est pas grave. Le couple vend plus d’une centaine de ses magasins à Casino et il part négocier à Londres le rachat de Picard sans même parler anglais. Un rendez-vous de négociations compliqué à obtenir, qui s’est finalement prolongé jusqu’à la finalisation d’un rachat de 45% de l’entreprise pour 156 millions d’euros. A la barbe de LVMH et des Galeries Lafayette qui plus est ! Les rôles sont bien répartis, à Soraya les ressources humaines, l’administratif, les contrats, à Moez le commerce et les achats. Il faut dire que l’homme est sans cesse sur le terrain, exigeant sur la propreté, la ponctualité, la tenue des rayons…

Un manager et patron qui ne laisse rien passer pour que chaque entité devienne (plus) rentable et agréable pour sa clientèle. Le ciment qui unit le family office tient tout particulièrement sur ce couple qui s’est rencontré au lycée. Les deux familles sont d’origine tunisienne, la complémentarité les caractérise. Soraya Zouari a plutôt un profil organisé et scientifique, elle a arrêté ses études de biochimie pour se lancer avec son mari dans la distribution. Moez-Alexandre est quant à lui plus expansif, fin négociateur, et sait où il veut aller. Loin.

L’anti start-up

Le couple Zouari a construit son empire dans un secteur extrêmement difficile, en appliquant des recettes anciennes. Il n’y a pas que des startups dans le monde économique. Un plan en tête, des valeurs, une base familiale solide, les Zouari n’ont pas ménagé leur peine, et c’est leur travail qui a été récompensé au premier chef. En termes de stratégie, ce sont les basiques de la distribution qui ont été appliqués : de bons emplacements et le souci du client, quel que soit son profil.

Aujourd’hui, les magasins, alimentaires ou non, peinent à recruter, le travail, celui du « carrelage » ou du terrain, est considéré comme trop difficile. Alors, les Zouari, une espèce d’entrepreneurs en voie de disparition ? Parions que non, après tout cela laisse plus de place à ceux qui veulent vraiment se lancer à fond dans ce type d’aventures. Chez lez Zouari, les trois filles du couple ont été élevées à bonne école. Elles auront l’embarras du choix pour prendre la suite du nouveau challenger de la distribution, également actionnaire et manager de l’enseigne alimentaire Grand marché Frais d’ici, développée avec Xavier Niel et inVivo. Ça promet.

Claudio Flouvat


À voir aussi