Présentez-vous-en quelques mots
Je m’appelle Mounia Faure, j’ai 48 ans et je suis née à Rabat au Maroc. Je vis à Paris depuis maintenant 30 ans. Je suis mariée et j’ai une fille de 13 ans (déjà !) et deux chats. J’ai toujours eu la fibre du commerce et une passion pour la culture, et plus particulièrement la pop culture (cinéma, musique, livres et jeux). Et cela fait maintenant 10 ans que je me suis lancée dans l’entreprenariat !
Pouvez-vous nous raconter votre parcours avant de devenir entrepreneur ?
J’ai fait mes études secondaires au lycée français de Rabat et je voulais m’orienter vers un cursus commercial. Mais j’avais déjà l’envie au fond de moi de voir les choses en plus grand, l’envie de bouger, l’envie de faire des rencontres.
La suite logique pour moi a été de partir à Paris pour suivre mes études secondaires. En fin d’étude j’ai trouvé un stage dans un secteur que je n’allais plus quitter. Celui de la vidéo et en particulier l’animation japonaise. Par la suite, j’ai rejoint la société Kazé en tant que responsable, puis directrice commerciale. J’y suis restée plus de 10 ans avant de partir en 2014 pour fonder ma propre entreprise de distribution, MAD.
Quelles expériences de vie vous ont le plus influencé en tant qu’entrepreneur ?
Déjà l’envie de réussir en tant que femme dans un milieu (l’entreprenariat) réputé plutôt masculin, et qui peut être parfois brutal. Comme je n’ai jamais apporté plus d’importance que cela aux origines et au sexe de mes interlocuteurs, j’ai toujours agi comme si cela n’avait pas d’importance pour eux aussi. Je ne me suis donc pas mis de barrières de ce côté-là et cela m’a plutôt donné raison, car je n’ai jamais ou très peu subit de discrimination dans ma carrière. Mais il faut souligner que j’ai eu la chance d’évoluer dans des structures plutôt bienveillantes, presque familiales, ce qui n’est malheureusement pas le cas de tout le monde. Et cette bienveillance, c’est quelque chose que j’ai envie de transmettre à mes collaborateurs.
Et la seconde expérience, c’est celle des petites structures. Des entreprises qui se sont montées sur de bonnes idées, de bons produits et qui ont tout construit « from scratch ». J’y ai appris que si on a la volonté, une bonne capacité de travail et une certaine intelligence, on peut évoluer, gravir les échelons et ce quelque soit son diplôme ou son poste d’origine. Quand vous franchissez les étapes unes à unes, au bout d’un moment cela vous donne confiance. Vous vous dites, je suis arrivée là, pourquoi n’irais-je pas plus loin ?
Avez-vous eu des mentors ou des figures d’inspiration clés dans votre carrière ?
Oui, l’une des personnes qui m’a le plus inspiré est Cédric Littardi. C’est un entrepreneur très reconnu dans le milieu de la pop culture. Je l’ai connu lorsqu’il était le dirigeant de Kazé et qu’il m’a embauché. Nous avons travaillé ensemble plus d’une dizaine d’années et nous continuons actuellement à collaborer sur certains projets dans nos nouvelles structures. C’est un homme qui a toujours eu une vision très intelligente de son marché, qui est un innovateur et qui n’a pas peur d’aller sur de nouveaux terrains. Il a été et reste une source d’inspiration à bien des niveaux.
Quelle a été l’inspiration derrière la création de votre entreprise ?
Je ne sais pas si l’on peut parler vraiment d’inspiration. Je parlerai plutôt d’opportunité. Lorsque j’étais encore salariée, cela faisait un moment que l’idée de prendre mon indépendance me séduisait. Et lorsque Kazé a été racheté par un grand groupe international, les choses ont bien évidement changé. Passé le moment d’excitation de la nouveauté, je me suis rendu compte que dans ce type de structure, certaines portes s’étaient fermées pour moi. Bien entendu, mon profil et les avantages salariaux étaient intéressants mais rester de longues années au même poste, à dérouler le projet des autres ce n’était vraiment pas ce dont j’avais envie. Au même moment, de nouvelles opportunités s’étaient ouvertes dans la distribution de produits culturels et les sociétés en place tardaient ou ne désiraient pas s’y lancer. Ces deux raisons m’ont décidé à franchir le pas : j’ai donc quitté Kazé et j’ai lancé ma société de distribution.
Pouvez-vous décrire les premiers jours de votre entreprise et comment elle a évolué depuis ?
Comme MAD reposait sur une activité et un secteur que je maîtrisais et sur mon savoir-faire métier, les premiers jours ont été plutôt simples, bien que très intenses. Je savais ce que je devais mettre en place et dans quel ordre pour y arriver. Le temps était l’élément le plus important à ce moment-là. Il fallait être efficace très rapidement pour être crédible et gagner de nouveaux clients dès le début de l’activité.
Quels ont été les défis majeurs auxquels vous avez dû faire face et comment les avez-vous surmontés ?
Comme toute personne qui passe du salariat à la direction d’une entreprise, j’avais beau maîtriser mon sujet au niveau de l’activité, il y avait tout un pan de mon nouveau métier à apprendre. Fonder une petite entreprise, c’est gérer les ressources humaines, trouver des locaux, négocier le bail, gérer la finance et la comptabilité. J’ai appris sur le tas, j’ai commis quelques erreurs mais au final cela s’est plutôt bien passé.
Et l’autre défi était qu’à cette période, notre secteur majeur, à savoir la distribution de vidéo sur support physique (Blu-ray, DVD) était un marché en chute libre. Nous n’avions pas l’intention de l’abandonner pour autant (c’est toujours l’un de nos secteurs de cœur) mais il nous fallait rapidement trouver d’autres lignes de business (comme le produit dérivé, ou le jeu de société) pour étendre notre expertise et assurer un avenir à MAD.
Quels sont, selon vous, les moments clés dans l’histoire de votre entreprise ?
Le premier a été de réussir à pivoter assez rapidement dès 2015 pour proposer autre chose que des produits vidéo. La stratégie la plus naturelle était d’anticiper les besoins de nos clients : les détaillants et en particulier la GSS allait devoir combler la perte de CA de leur rayons vidéo. Ces structures, souvent d’une taille considérable, mettent un certain temps à s’adapter au changement. Il fallait donc leur proposer une alternative simple : des produits rentables qui pouvaient trouver leur place à l’intérieur des rayons vidéo et pouvaient être gérés par les mêmes équipes de vente dans les boutiques. En quelques mots : produits dérivés à licence !
Et le second a été d’intégrer à nos compétences la distribution de jeux de société. C’est un univers de produits passionnant et un marché très dynamique qui a eu une croissance à 2 chiffres durant les dix dernières années.
Aujourd’hui MAD est un distributeur reconnu sur ces 3 secteurs : jeux, produits dérivés et vidéo.
Y a-t-il eu des tournants décisifs ou des décisions importantes qui ont façonné le parcours de votre entreprise ?
Oui et je le vis en ce moment. Il y a quelques mois, j’ai décidé de me rapprocher d’une société de distribution qui a une grande expertise sur le produit dérivé à licence mais également sur le gaming et le petit électro-ménager : CLD. Nous venons de fusionner nos forces. J’ai acquis une part de CLD France et pris sa direction générale. Les catalogues de produits dérivés de MAD vont à présent passer sous distribution CLD. MAD va se concentrer sur le développement des secteurs du jeux et de la vidéo. Le rapprochement entre nos deux sociétés nous permet de renforcer nos activités de distribution et d’accroitre notre catalogue en nous ouvrant de nouveaux secteurs. Mais surtout, nous possédons à présent l’une des plus puissantes expertises du secteur du divertissement et de la pop-culture en France.
Quelle est la philosophie ou la mission principale qui guide votre entreprise ?
Deux choses guident mon entreprise depuis le départ : l’humain et le travail intelligent !
Comment voyez-vous l’avenir de votre entreprise dans les 5 à 10 prochaines années ?
Je désire continuer de rapprocher MAD d’autres entreprises du secteur dans les années à venir. Nous devons concentrer nos forces pour continuer à grandir, en particulier sur le marché européen.
Quelle est votre approche de l’innovation et de l’adaptation au changement dans votre secteur ?
J’ai toujours mis un point d’honneur à ce que les équipes de MAD construisent une confiance solide avec nos clients. S’ils réussissent, alors nous réussirons aussi. Je ne vois aucun intérêt à placer des produits à la pelle pour générer rapidement du chiffre. Ça, tous les commerciaux peuvent le faire. Ce qui est important c’est de construire avec les clients des stratégies qui vont les aider à se développer sur le moyen et long terme. C’est un chemin certes plus difficile et c’est plus long mais c’est selon moi la bonne direction à suivre. Nous avons pu le faire car sur nos secteurs, nous avons une vraie vision et une vraie capacité d’innovation. Nous sommes capables de voir l’avenir des produits et du marché de la licence et de la pop culture plus rapidement que nos clients, qui ont la tête dans le guidon ou ne sont pas forcément des experts de ces produits. C’est donc à nous de les guider au mieux dans leurs besoins, aujourd’hui, mais surtout demain.
Pouvez-vous partager une anecdote particulièrement mémorable ou significative liée à votre entreprise ?
En ce qui concerne une anecdote particulièrement mémorable ou significative liée à mon entreprise, je suis confrontée à une réalité où chaque jour apporte son lot d’aventures et de défis uniques. La vie d’une entreprise est une constante évolution, une succession de moments marquants qui contribuent à façonner son parcours. Il serait difficile de choisir une seule anecdote parmi tant d’autres, car chacune d’entre elles joue un rôle essentiel dans la construction de l’histoire de mon entreprise.
Comment équilibrez-vous votre vie professionnelle et personnelle ?
Quant à l’équilibre entre ma vie professionnelle et personnelle, il est indéniable que mon engagement dans mon entreprise absorbe une grande partie de mon temps. C’est pourquoi j’ai pris la décision de fonder une famille avant d’avoir entamé cette aventure entrepreneuriale, consciente des défis qu’implique la conciliation entre les deux sphères de ma vie. Heureusement, je suis soutenue par un partenaire compréhensif, dont le métier lui permet de gérer les situations en mon absence, ce qui me permet de m’absenter en toute confiance, sachant que tout est sous contrôle à la maison.
Quels conseils donneriez-vous à de futurs entrepreneurs ?
Pour les futurs entrepreneurs, je recommande vivement de prendre le temps de souffler et de planifier leur emploi du temps de manière à pouvoir se déconnecter et recharger leurs batteries. Il est essentiel de cultiver une passion pour ce que l’on fait, car cela donne la force nécessaire pour surmonter les obstacles et persévérer dans les moments difficiles. Parfois, partir un moment pour mieux revenir peut s’avérer être la meilleure stratégie pour nourrir sa créativité et sa motivation.
Comment votre entreprise contribue-t-elle à son secteur ou à la société en général ?
J’aime à penser qu’a un tout petit niveau, MAD a permis à nos clients et aux consommateurs de s’ouvrir un peu plus à la culture via un accès facilité à des produits, certes populaires et ludiques, mais tout de même culturels. On commence souvent quand on est très jeune à lire de la BD, puis on s’ouvre aux romans puis à des œuvres plus conséquentes. J’ai la chance de travailler des produits qui donnent le sourire aux gens.
Quels sont vos objectifs à long terme pour votre entreprise ?
Outre la croissance externe qui nous permettra d’être encore plus fort sur les produits kidultes et de s’étendre en dehors de nos frontières, nos objectifs sont de développer nos propres IP, que ce soit au niveau des produits dérivés que du jeu de société. Nous avons également la volonté de développer le secteur vidéo en nous attaquant à des œuvres patrimoniales du cinéma ou du documentaire qui mériteraient des éditions plus travaillées et remasterisées. Nous sommes tous cinéphiles au sein de MAD nous savons que le dématérialisé n’est pas l’unique possibilité qu’offre aujourd’hui ce secteur. L’achat d’un DVD a aujourd’hui une dimension symbolique, voir identitaire qu’il ne faut pas oublier.
Y a-t-il des tendances ou des évolutions dans votre secteur que vous trouvez particulièrement excitantes ou préoccupantes ?
Plusieurs choses sont très excitantes aujourd’hui.
Le marché du jouet par exemple. Il y a une vraie effervescence au niveau du jeu de société en France. Les éditeurs et les créateurs ont su s’exporter, si bien qu’on parle aujourd’hui de French Touch à l’étranger quand on parle du style de nos jeux.
Bien que le marché soit en baisse depuis l’année dernière, le jeu de société résiste et se porte plutôt bien. Nous avons également une belle monté des jouets Kidultes. Ils représentent 30% des jouets vendus en France. Et ça tombe bien, c’est notre domaine de prédilection et nos produits répondent bien à ce besoin comme par exemple la gamme Tubbz de chez CLD que nous venons de lancer et qui s’implante déjà bien.
Niveau préoccupations, c’est bien entendu la nouvelle baisse du marché de la vidéo qui fait malheureusement disparaitre beaucoup d’acteurs indépendant de ce milieu.
Avec le recul, y a-t-il quelque chose que vous auriez fait différemment dans votre parcours entrepreneurial ?
A 90% non. J’aurai fait le même parcours. J’ai commis certaines erreurs mais elles m’ont été instructives et je ne me serais pas construite sans elles. La seule chose que j’aurai pu faire différemment c’est d’ouvrir MAD à une croissance externe un peu plus tôt afin de bénéficier de l’expérience d’autres entrepreneurs qui est pour moi une incroyable source d’inspiration.
Quelles sont les valeurs qui vous tiennent à cœur en tant qu’entrepreneur ?
L’humain, le travail et la passion.
Comment définiriez-vous le succès pour vous-même et pour votre entreprise ?
Le succès pour moi c’est d’avoir une entreprise qui fasse vivre ses collaborateurs et qui les anime dans leur vie professionnelle. Sur le marché, c’est une entreprise dont l’expertise est reconnue et qui a confiance de ses clients.
Enfin, quels seraient vos tips et conseils pour les jeunes futurs entrepreneurs qui nous lisent ?
Croyez en votre projet. Sans pour autant vous mettre des œillères, il faut avoir confiance en ce que vous voulez faire. Vous allez croiser beaucoup de gens qui vous diront que vous allez dans la mauvaise direction. Alors prenez le temps de régler votre boussole, et suivez votre propre chemin, celui qui vous convient n’est pas forcément celui que tout le monde prend.
Propos recueillis par Bernard Chaussegros