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Musique : la célèbre rue de Rome, à Paris, se bat pour sauver ses luthiers


Le business de la lutherie face à la crise : la célèbre rue de Rome à deux pas du conservatoire de musique résiste ! La lutherie Cordes et Ame est un symbole fort de cette lutte.

Entreprendre - Musique : la célèbre rue de Rome, à Paris, se bat pour sauver ses luthiers

Le business de la lutherie face à la crise : la célèbre rue de Rome à deux pas du conservatoire de musique résiste ! La lutherie Cordes et Ame est un symbole fort de cette lutte.

 Magali Barthe, vous gérez la lutherie Cordes et Ame, comment êtes-vous arrivée rue de Rome ?

Avant de me lancer dans la reprise de Cordes et Ame, je tenais déjà la comptabilité de mon mari, Christian Barthe, Luthier spécialisé dans l’archeterie, à la fois facteur, réparateur et expert. Et cela me prenait un temps considérable, vous ne pouvez pas imaginer ce que notre système a pu inventer de difficultés et de complications incessantes tant comptables, juridiques, fiscales, que sociales pour une si petite activité artisanale.

Et puis en 2014, je me suis lancé dans la reprise de cette boutique du 46 de la rue Rome. L’indépendance est un rêve, il faut y croire quand même.

On parle beaucoup des banques, vous-ont elles  aidé dans la reprise de cette boutique ?

Oui j’ai pu emprunter 75 % de mon besoin pour reprendre cette boutique. Là aussi un parcours du combattant. Je pense qu’en France, comme ailleurs, en tous cas sur le plan administratif, il plus facile d’emprunter un milliard d’euros que 200 000 pour  financer l’acquisition d’une boutique….

Vous avez dû réduire le nombre de vos salariés ?

Oui dans un premier temps. Aujourd’hui j’ai un luthier à temps plein, et tout se passe pour le mieux, Marc BOYADJIAN, luthier et violoniste. Il a été formé au canada à l’Ecole Nationale de Lutherie du Québec, un passionné et un vrai bon luthier, il aime son travail et prend le temps nécessaire à chaque réparation. Vitesse et art sont des mots qui ne vont pas très bien ensemble. J’apprécie beaucoup ses qualités.

Où fabrique-t-on des violons en France ?

Historiquement les luthiers de la ville de Mirecourt mais aussi les luthiers des grandes villes françaises (Paris, Lyon, Lille, Toulouse…) fournissaient les revendeurs, puis naturellement le « suicide économique » a fait son œuvre. Aujourd’hui 90 % des violons pour enfants viennent de Chine ou de Corée. Pour un prix de vente en France de l’ordre de 450 euros ! Aucun luthier français ne peut produire en France et vendre un violon neuf pour enfant à moins de 3000 euros !!!!

 

Pourquoi parlez-vous de suicide économique ?

Parce que je pense que l’artisanat devrait être exonéré de charges sociales et être déclaré d’utilité publique, cela permettrait de sauver des centaines de milliers d’emploi. Il vaudrait mieux que nos violons soient toujours faits en France plutôt que de les faire venir de chine et de payer des chômeurs à rester chez eux !

Sans compter que notre savoir-faire risque de disparaître… Peut-être aurait-il fallu créer une TVA spéciale à l’importation en provenance de Chine pour que nos luthiers restent compétitifs.

Comment qualifieriez-vous l’évolution de l’activité de la rue de Rome ?

La rue de Rome résiste mais les budgets des acheteurs sont en baisse. Et puis il faut ajouter que comme les conservatoires de musique sont de moins en moins subventionnés par des collectivités territoriales qui se désengagent de plus en plus, le prix des cotisations supportées par les musiciens augmente considérablement.

En conséquence, ils ont moins de fonds disponibles à investir dans leurs instruments. On ressent vivement cette tendance.

Et puis il faut citer la nouvelle procédure de l’impôt à la source voulu par Bercy, qui fait désormais supporter à l’employeur le travail du percepteur et est finalement un frein supplémentaire à l’embauche. Je ne sais pas si en Chine on demande autant aux entreprises…

En outre la hausse du dollar nous pénalise, beaucoup de nos fournisseurs nous ont répercuté des hausses de prix du fait qu’eux-mêmes s’approvisionnent en dollars. Donc dans un contexte de hausse des prix des accessoires, de baisse des budgets des acheteurs, du désengagement des collectivités et de hausse de l’euro, nous ne sommes pas dans un contexte hyper favorable. Mais on tient bon quand même.

Et le marché des archets, comment se porte-t-il ?

Nous diffusons les archets fabriqués par Christian Barthe, mon mari. Des archets de grande qualité, (autour de 4 000 euros pièce). Christian Barthe assure aussi en tant que sous-traitant l’activité réparation et entretien des archets qui nous sont confiés. Là encore la Chine produits des archets pas chers, et cela n’aide pas nos archetiers…. Encore que leur qualité reste bien en deçà même si elle s’améliore.

Pour en savoir plus : cordesetame.com

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