Les robots autonomes de la start-up toulousaine (1,5 M€ de CA) permettent aux agriculteurs de se passer de produits phytosanitaires. L’un de ses fondateurs, Aymeric Barthes, nous explique comment il a construit en 6 ans l’un des leaders mondiaux de la robotique agricole.
Nous sommes en mai 2011. La Fête de l’asperge à Pontonx-sur-l’Adour bat son plein, tandis que Gaétan Séverac rencontre des producteurs d’asperges. Ces derniers lui font part de leurs difficultés à trouver de la main d’oeuvre, notamment pour les tâches de désherbage.
L’ingénieur en robotique a alors une idée : concevoir un robot agricole qui le ferait à leur place. Il soumet sa trouvaille à Aymeric Barthes qui souhaite lui aussi se lancer dans l’entrepreneuriat. Les deux ingénieurs qui se sont rencontrés sur les bancs de l’école IMERIR (Institut Méditerranéen d’Etude et Recherche en Informatique et Robotique) à Perpignan se lancent. Naïo Technologies est créée en novembre 2011.
En deux ans, les deux entrepreneurs posent les bases technologiques de leur premier robot. En 2013, ils vendent leur premier modèle, Oz, qui désherbe et nettoie les cultures de façon autonome.
Aujourd’hui, une centaine de robots étiquetés Naïo arpentent les parcelles à travers la France (90 % des robots) et l’Europe. Oz a été suivi par Dino, qui s’attaque aux cultures industrielles, et Ted, spécialiste des vignes. Ces petits concentrés de technologies bardés de capteurs et de caméras sont totalement autonome sur la parcelle. En effectuant l’action de désherbage mécanique, ces machines apportent une solution alternative à l’utilisation de produits phytosanitaires ou au désherbage manuel.
Quand les robots de Naïo faisaient rire les agriculteurs…
Si les clients affluent aujourd’hui, il n’en pas toujours été ainsi. « L’état d’esprit a changé », glisse l’ingénieur. De fait, en 2013, lorsque les deux entrepreneurs font leurs premières présentations, la majorité des agriculteurs sourient en voyant les robots Naïo à l’oeuvre. « Même si cela représentait déjà l’avenir pour eux, c’était encore beaucoup trop tôt. En 2018, tout a changé. Les questions tournent désormais autour du prix et des modalités pour réaliser un test. »
Entre-temps, la robotique est passée du statut de gadget à celui de véritable outil agricole au même titre que les tracteurs.
D’ici la fin de l’année, la start-up basée à Escalquens (Haute-Garonne) devra trancher la question de son positionnement. Naïo pourrait-il étendre son périmètre de vente au-delà du monde strictement agricole, aux collectivités par exemple ? « Nous y réfléchissons », précise Aymeric Barthes.
Les clients de la jeune entreprise sont pour l’heure exclusivement des agriculteurs individuels. Aucune coopérative ou groupement d’agriculteurs n’a pour l’heure franchi le pas. « Le désherbage étant dépendant de fenêtres climatiques précises, avance Aymeric Barthes, les agriculteurs ont souvent besoin du robot en même temps. » Et rechigne donc à investir dans un seul et même robot.
Doubler de taille chaque année
En 2018, Naïo compte étendre son réseau de distribution et rester parmi les leaders mondiaux du secteur de la robotique agricole. Avec un objectif de chiffre d’affaires se situant à 3 M€, soit le double de celui enregistré en 2017. La jeune pousse espère vendre plus de 70 robots en 2018.
L’an dernier, elle s’est ouverte les portes du marché japonais en signant avec un distributeur. Mais si Naïo est actuellement la première entreprise de robotique agricole en termes de robots commercialisés, la situation pourrait évoluer rapidement car de nombreux projets concurrents sont en cours de finalisation et devraient voir le jour en 2018. Rien qu’en France, on peut déjà citer ecoRobotix, Carré, Vitibot ou encore PUMAgri. A l’étranger, plusieurs projets sont eux aussi en passe de voir le jour.
Mais dans ce combat de robots qui s’ouvre, l’un des atouts de Naïo est d’avoir déjà assuré la dimension financière de l’aventure grâce à quatre levées de fonds successives. Réalisées par ses investisseurs historiques (Capagro, Demeter Vetures, Wiseed), les quatre précédentes levées de fonds ont permis à Naïo de recueillir un peu plus de 5,8 M€.
« Leur finalité était de développer l’entreprise et de l’aider à trouver ses business model. La dernière en date, fin 2017, était plus poussée : elle devait nous permettre de structurer l’entreprise et préparer le développement à l’international. » En 2019, les deux ingénieurs ont prévu de réaliser un cinquième tour de table, plus spécifique celui-ci : sa vocation sera d’accélérer le développement à l’international.
Un bémol toutefois : ces tours de table successifs ont fini par diluer le capital de l’entreprise, ne laissant que 20 % aux deux fondateurs. Ce qui n’inquiète pas outre mesure Aymeric Barthes. « La dilution a eu lieu dès notre première levée de fonds, ce fut un choix, assure-t-il. Il était ensuite difficile de redresser la barre… Quoi qu’il en soit, notre objectif principal reste de développer Naïo et d’en faire un leader mondial. »