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Objectif du milliard d’arbres plantés vs coupes rases : où en sont les forêts françaises ?


De nombreuses idées reçues circulent à propos de la gestion forestière. Alors que les uns critiquent les coupes rases, les autres s’attaquent à l’objectif de planter un milliard d’arbres d’ici à 2032. Dans les deux cas de figure pourtant – planter et récolter –, il s’agit d’opérations on ne peut...

Entreprendre - Objectif du milliard d’arbres plantés vs coupes rases : où en sont les forêts françaises ?

De nombreuses idées reçues circulent à propos de la gestion forestière. Alors que les uns critiquent les coupes rases, les autres s’attaquent à l’objectif de planter un milliard d’arbres d’ici à 2032. Dans les deux cas de figure pourtant – planter et récolter –, il s’agit d’opérations on ne peut plus classiques pour les forestiers et indispensables pour le renouvellement des forêts, qui s’inscrivent toujours dans une vision à long terme de la forêt. 

Planter d’un côté ; couper de l’autre. À l’heure où le dérèglement climatique s’emballe, jamais la forêt – et, surtout, la manière dont celle-ci est gérée – ne semble avoir fait l’objet de tant d’attention – médiatique, politique, économique, citoyenne, etc. Si ce regain d’intérêt pour le rôle absolument fondamental de la forêt est encourageant, la profusion d’informations – parfois contradictoires –, d’opinions – souvent politiquement orientées – et d’initiatives, publiques comme privées, complexifie la lecture et la compréhension de ces enjeux pourtant cruciaux pour l’avenir de la planète.

D’une part, les Français entendent le président de la République promettre, au lendemain des terribles incendies de l’été 2022, de planter « un milliard d’arbres » en une décennie. De l’autre, ils s’émeuvent, quand ils passent ou habitent à côté d’une parcelle de bois entièrement récoltée, de ces « coupes rases » si décriées ; comme ces habitants du plateau de Millevaches qui, le 14 février dernier, s’opposaient à un chantier de coupe rase de 6 000 mètres carrés en Corrèze. Au-delà de l’impact visuel, paysager et même « psychologique » de ces coupes à blanc, c’est le bon sens qui semble vaciller : pourquoi planter d’un côté pour mieux couper de l’autre ?

Récolter: une étape indispensable de la gestion forestière 

Spectaculaires d’un point de vue paysager, les coupes rases suscitent, dans une société française de plus en plus sensible aux questions environnementales, incompréhension et indignation. Un rejet bien davantage dû au nouveau regard que portent les citoyens sur la nature qu’à une quelconque évolution des pratiques sylvicoles : si les coupes rases choquent le grand public, elles font, depuis toujours, partie du vaste registre des techniques employées par les forestiers. Le plus souvent – comme pour les chênes ou certains résineux –, il s’agit d’une simple coupe de régénération, pleinement inscrite dans l’itinéraire sylvicole, qui a lieu quand les arbres ne poussent plus et que les jeunes plants ont besoin de la lumière que leur cachent les sujets adultes.

Mais une coupe rase peut aussi être nécessaire suite à des évènements climatiques d’ampleur (tempête, grêle), des incendies ou pour des raisons sanitaires (si des arbres sont malades ou attaqués par des ravageurs) afin de protéger les arbres voisins et de valoriser le bois avant qu’il ne se dégrade. Enfin, la coupe rase peut être choisie pour remplacer certaines essences d’arbres par d’autres, plus résistantes aux effets du changement climatique : sécheresse, incendies, hausse des températures, etc. En résumé, la coupe rase ne procède jamais d’une décision irréfléchie ou purement motivée par l’appât du gain, mais toujours, au contraire, d’une réflexion longuement mûrie et, par définition, inscrite dans le temps long de la gestion forestière. Enfin, si elles sont très médiatisées, les coupes rases ne concernent pourtant qu’une faible partie de la surface forestière française. Selon l’IGN « Les coupes fortes, d’au moins 50 % du couvert, concernent ainsi en moyenne 85 000 ha par an, soit 0,5 % de la forêt de production ».

Planter : un acte habituel pour les forestiers

Le constat est sensiblement le même en ce qui concerne les arbres plantés. « Alors qu’on espérait voir la forêt s’agrandir, découvrir des terres à l’abandon devenir des bois, on s’est rendu compte que, très souvent, les arbres plantés remplaçaient des arbres coupés », devrait déplorer le journaliste Hugo Clément dans la prochaine édition de son émission Sur Le Front. Un raisonnement émotionnel et en partie inexact, ou biaisé. Premièrement, la surface boisée française ne cesse bien d’augmenter : elle est en hausse de +20 % depuis 1985. Deuxièmement, planter des arbres – et même un milliard d’arbres – n’a jamais signifié qu’il fallait, parallèlement, totalement arrêter d’en couper. Le cycle plantation-entretien-coupe est aux fondations mêmes de la gestion forestière, et ce depuis la nuit des temps. 

Troisièmement enfin, planter des arbres, même en telle quantité, n’a rien d’une nouveauté ; et le chiffre d’un milliard n’a rien d’insurmontable. Comme nous le rappelait dans le magazine Entreprendre Tancrède Neveu, responsable au service Forêt Carbone de la coopérative forestière Alliance Forêts Bois, « un milliard d’arbres en dix ans, c’est 100 millions d’arbres par an. En France, aujourd’hui, de manière usuelle, nous plantons déjà 70 millions d’arbres. Pour atteindre cet objectif, il suffit d’augmenter la capacité de plantation de toute la filière de 40 %. Il n’y a vraiment pas matière à polémiquer », tranchait le spécialiste. Qu’il s’agisse de la coupe, ou de la plantation, il s’agit donc toujours, pour les forestiers, d’actions quotidiennes, bien éloignées des visions simplistes et sensationnalistes qui en sont parfois rapportées. 

Alexandre Bodkine

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