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Octave Klaba (OvH) : les vérités d’un entrepreneur à succès


Octave Klaba parle rarement. Ce fils d’immigrés polonais de 35 ans, ICAM de Lille, est la plus belle réussite du Cloud à la Française avec OVH, devenu le premier hébergeur web en Europe avec 170000 serveurs et un chiffre d’affaires de 350 millions et près de 1000 salariésAlors quand on parle d’économie du futur, on ferait bien de l’écouter un peu plus.

Entreprendre - Octave Klaba (OvH) : les vérités d’un entrepreneur à succès

Octave Klaba parle rarement. Ce fils d’immigrés polonais de 35 ans, ICAM de Lille, est la plus belle réussite du Cloud à la Française avec OVH, devenu le premier hébergeur web en Europe avec 170000 serveurs et un chiffre d’affaires de 350 millions et près de 1000 salariésAlors quand on parle d’économie du futur, on ferait bien de l’écouter un peu plus.

Entreprendre : Comment avez-vous réussi, en partant de zéro, à faire d’OVH un leader européen du Cloud ?

Octave Klaba :

OVH se positionne comme un fournisseur d’infrastructure pour les entreprises, les start-up et les personnes qui ont des idées et souhaitent les développer sur Internet. Typiquement, si vous avez l’idée d’un nouveau service que vous souhaitez développer, vous devez l’héberger, bénéficier de la puissance de calcul, de stockage, de bande passante pour le rendre opérationnel, OVH intervient sur ce créneau. Nous avons des data centers, des réseaux, nous disposons d’équipes 24h sur 24. Nous produisons le savoir et le mettons à la disposition de nos clients. Nous sommes comparables, en quelque sorte, à une usine de l’Internet où il se passe des choses invisibles aux yeux des visiteurs qui ne perçoivent que le site internet final.  

Entreprendre : Comment voyez-vous l’évolution de votre métier ?

 

Octave Klaba :

Il existe toujours de nouvelles opportunités, Internet évolue. Nous sommes une nouvelle usine numérique dans laquelle les services et produits évoluent de façon quasi quotidienne selon les besoins des clients et les innovations que nous imaginons et développons. L’évolution est constante et tend vers une simplification de l’utilisation de toute cette puissance de calcul, de stockage, de la bande passante.  

Entreprendre : Vous semblez miser beaucoup sur l’innovation technologique…

 

Octave Klaba :

D’un côté, nous avons des idées à partir desquelles nous produisons cette technologie. Nous faisons des développements, et ces technologies innovantes deviennent les nouveaux services proposés sur le marché. D’un autre côté, nous travaillons très étroitement avec nos clients pour savoir vers où nous devons aller, comment faire évoluer les systèmes et ce que nous devons développer pour améliorer la technologie mise en place et l’adapter en permanence.  

Entreprendre :  OVH a été nominé, avec Atos , à la tête du plan gouvernemental pour la filière du Cloud en France…

Octave Klaba :

Ces deux dernières années, nous avons beaucoup travaillé afin de nous distinguer et cette nomination est donc l’aboutissement de ce travail. On a reconnu OVH comme une société importante, leader mondial dans certains services, leader européen ou français dans d’autres. OVH est une entreprise française qui réunit 100 personnes, qui évolue constamment et qui a un pied en Europe et en Amérique du Nord. Par ailleurs, à travers notre taille, notre connaissance du métier et notre vision du futur, nous avons souhaité apporter notre regard sur ce plan gouvernemental afin de soutenir le développement de la filière Cloud en France qui nous semble être un axe important. Nous avons donc associé toutes sortes de partenaires autour de la table : des personnes influentes sur Internet qui ont réussi sur des sites français pour essayer de discuter ensemble et faire émerger un plan qui nous paraisse à tous cohérent afin que la France prenne une part importante dans le Cloud au niveau français, et pourquoi pas européen et mondial. L’enjeu pour nous était donc donner une vision de ce qu’il est nécessaire de faire évoluer.

Entreprendre : Etes-vous confiant sur le développement de l’économie numérique en France ?  

Octave Klaba :

Le plan répond globalement à cette question : nous avons mis en place cinq propositions sur l’offre de la demande et cinq autres sur la demande. Je pense qu’il faut ne faut pas opposer les Américains aux Français ou d’autres types de Cloud, chacun à une place à jouer sur la scène du numérique et il faut que chacun crée sa valeur ajoutée. Pour expliciter ce qu’il faut faire, je rependrai un point du plan qui vise à aider les entreprises ayant développé des logiciels. Cela représente aujourd’hui un nombre très conséquent d’emplois en France. Ces entreprises ont conçu des logiciels qui sont actuellement en fonctionnement, ils ont des clients en Europe et dans le monde et doivent relever l’énorme enjeu de faire passer tous ces logiciels dans le Cloud. Cela peut sembler simple mais c’est extrêmement compliqué car il faut tout recoder selon une nouvelle manière de fonctionner pour le rendre disponible à travers le Cloud. Ces entreprises se retrouvent face à un enjeu colossal qui consiste à reprendre tout ce qu’ils ont fait et à faire la bascule dans le Cloud tout en continuant de développer de nouvelles fonctionnalités dans les logiciels actuels. C’est extrêmement complexe et cela nécessite un nombre conséquent d’emplois supplémentaires, soit de l’argent et des investissements. Il n’est pas facile pour les entreprises de le faire, mais elles sont condamnées à mourir si elles ne le font pas. Un des points du plan établi consiste à mettre en évidence une problématique spécifique et de voir comment il est possible d’accompagner les entreprises à relever le défi. OVH va essayer de pousser ces initiatives, de constituer une confédération d’entreprises pour aider tous ces développeurs de logiciels à transférer et à transformer leurs métiers pour qu’ils puissent être compatibles avec le Cloud.

Entreprendre : L’esprit d’entreprendre est un des atouts de l’économie française…  

 

Octave Klaba :

Pour favoriser le développement des entreprises, il faut les laisser les plus libres possibles. Il faut laisser s’exprimer les initiatives. Les gens ont beaucoup d’idées qu’ils souhaiteraient pouvoir réaliser. Moins on va leur mettre des bâtons dans les roues, plus l’évolution de l’entreprenariat au sens global sera libre. Les entrepreneurs ont des idées, ils n’ont pas tant besoin d’aide que cela, mais ils ont avant tout besoin qu’on ne les empêche pas de faire ce qu’ils on envie de réaliser.

Il ne faut pas faire des plans ou des lois qui vont à contre sens des libertés d’entreprendre, des libertés de faire des entreprises, d’avoir des idées et de pouvoir prendre des risques. Entreprendre, c’est prendre des risques, et aujourd’hui toute cette prise de risques est extrêmement encadrée, voire découragée.

Aujourd’hui, le fait que des personnes qui ont dés idées quittent la France pour pouvoir les concrétiser est très fort de sens. Les gens ont besoin de se retrouver dans un écosystème, dans un lieu, un pays où l’on peut librement faire des choses sans qu’ils soient freinés et empêchés dans leur projet. Il faut créer une ambiance mais actuellement il n’est pas facile du tout d’avoir cette bonne ambiance en France.

L’Etat a tendance à considérer ses concitoyens comme des enfants qui ne vont jamais grandir, pourtant, beaucoup d’enfants grandissent et ont envie d’être adultes sans que l’Etat ne les aide. L’Etat infantilise la population en surprotégeant les Français. Je pense que ce n’est pas sain. A un moment ou un autre, la vérité éclate.

Entreprendre : Comment comptez-vous vous développer dans les années qui viennent ?  

Octave Klaba :

Nous avons quatre activités principales: les télécoms (l’accès Internet et la téléphonie), un second axe avec le web (les noms de domaines, l’hébergement des sites internet et les emails), une troisième activité avec les infrastructures (les serveurs dédiés des infrastructures privées pour les clients) et la dernière activité autour du Cloud (infrastructure publique). Concernant les noms de domaine, c’est assez intéressant car nous avons assisté à un nombre très important de demandes d’autorisation de nouvelles extensions qui ont été mises en place.

Cette initiative répondait au souhait que l’extension en .com n’ait pas le monopole et qu’il existe des personnalisations des noms de domaine. Ces nouvelles extensions ont été mises en place trop tardivement par rapport au poids du .com et il n’a donc pas été possible d’inverser la tendance où tout du moins de rééquilibrer.

L’extension .com restera l’extension majeure et dominante sur Internet, toutes les autres extensions en .net, .fr, et toutes celles qui suivront seront nécessairement plus petites et dans l’ombre du .com, l’inversion est impossible. Le succès n’est pas vraiment au rendez-vous, et, pour partie, les clients qui commandent des noms de domaine le font pour prioritairement protéger une marque – ils déposent toutes les extensions. La seconde motivation correspond à la volonté de faire des jeux de mots avec des extensions.

Entreprendre : Quelle place tiendra le net dans l’économie de demain ?  

Octave Klaba :

La transformation qui est en cours touche pratiquement toutes les industries, on se rend bien compte que quelque soit les métiers, ils seront impactés par Internet. La presse et les médias ont été les premiers impactés mais suivront l’automobile, les assurances, etc…

Tous les métiers, d’une façon ou d’une autre, vont devoir passer sur Internet, cette transformation supposant une remise en question et un changement dans la manière de faire. Nous disposerons de brosses à dents connectées, nous évoluerons dans un monde où tous les objets de la maison seront connectés et auront une valeur ajoutée. Le monde dans lequel nous vivons va de plus en plus passer sur cette couche qui est lnternet ave une nécessaire remise en question.

C’est un enjeu et une opportunité énorme pour beaucoup. Pour certaines entreprises établies, il s’agit d’un risque manifeste. Colgate qui fait des brosses à dents redoute les nouveaux challengers et les entreprises qui, à ce jour, ne sont pas identifiés comme leurs concurrents historiques : la menace vient d’acteur qui n’en font pas leur métier aujourd’hui. Ce contexte est porteur d’opportunités pour nous car, à un moment ou à un autre, ces entreprises vont devoir stocker des informations et les transformer avec de la puissance de calcul et les délivrer à travers les réseaux. Ce sont d’énormes enjeux à notre niveau. Nous devons identifier les bons partenaires pour pouvoir toucher les différents marchés qui vont progressivement passer sur Internet.

Entreprendre : Quel entrepreneur êtes-vous ? Comment faire de la France le pays des entrepreneurs et relancer la machine économique ?  

Octave Klaba :

Je suis un optimiste né et je vois beaucoup de solutions là ou les autres voient des problèmes. Dans chaque problème, je vois des opportunités. Les problèmes sont donc pour moi des points sur lesquels il faut s’accrocher pour essayer de rebondir et de créer un service en réponse. Il faut transformer les problèmes qui vous arrivent au quotidien en opportunités.

Entreprendre : Comment peut-on insuffler cet optimisme dans le pays ?  

Octave Klaba :

Je pense que c’est le rôle des politiques d’avoir un discours vrai. Parce qu’avoir des idées, être dans l’idéologie, chercher l’idéal est une bonne chose mais la réalité est juste humaine. Il existe des problèmes, il y a des gens qui sont comme ils sont et il faut être le plus pragmatique possible. Il faut trouver des compromis, se remettre en question, mais cette mise en perspective est complexe et suppose un travail sur soi.

Ceux qui comprennent le concept de remise en question et le mettent en application sont ceux qui réussissent. Il faut faire quelque chose de différent, créer pour solliciter l’intérêt de nouveaux clients sans se contenter de copier et de rester dans le prolongement de services qui ont déjà été proposés. Cette culture n’et pas très familière en France et en Europe mais je l’ai découverte à travers mes séjours au Canada et en Amérique du Nord où les idées nouvelles bouillonnent.

Il faut chercher des idées neuves, en rupture avec l’existant et non pas s’engager dans une voix déjà existante en copiant les bonnes idées. Il faut savoir prendre des risques, apprendre à gérer les échecs et ne pas se contenter de chercher la réussite.[FIN]

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