Vous avez passé la moitié de votre vie chez Draeger, la succession était-elle une évidence ?
Olivier Draeger. Je n’ai pas été élevé dans une logique de succession, même si le sujet de l’entreprise revenait souvent dans les conversations familiales. J’ai d’abord travaillé dans un grand groupe pharmaceutique. Suite à son rachat, mes parents m’ont proposé de renforcer l’équipe Draeger, j’ai accepté sans vraiment penser y rester. Ce fut un choc des cultures passionnant, car à l’époque, nous n’étions que 70 personnes pour un chiffre d’affaires de 9 millions. Je me suis senti investi d’une responsabilité.
Les difficultés récentes sont-elles surmontées ?
Oui, la procédure de sauvegarde a été levée en décembre dernier. Il y a eu un cumul de problèmes : fermetures liées au Covid, hyperinflation de nos matières premières, jusqu’à 42 % ! Des hausses compliquées à répercuter. Cette année, l’explosion des coûts de transport à la suite de la guerre au Moyen-Orient impacte nos importations d’Asie (1/3 de nos produits, le reste est fabriqué en Europe). Nous poursuivons la bataille du quotidien sur tous les fronts.
En 2015, en quoi votre coming out était-il devenu nécessaire ?
À titre personnel, je voulais instaurer une simplicité, une clarté dans les relations. Je suis papa, et dans une société familiale, les enfants viennent parfois ici et là. Je voulais que, comme les autres, ma fille parle librement sans qu’il y ait d’arrière-pensée ou de questionnement de part et d’autre.
D’un point de vue professionnel, j’avais évoqué le fait que j’étais gay au détour de conversations impromptues avec certains collaborateurs tandis que d’autres n’étaient pas informés. Je souhaitais en parler à tous pour installer un alignement souhaitable. Il s’agissait aussi d’une façon de participer à la création d’un monde d’inclusion.
Ceci explique le choix d’être Role Model pour l’Autre Cercle ?
L’équité de traitement est l’un des fondements du fonctionnement de Draeger depuis toujours. En revanche, il est compliqué d’incarner véritablement l’idée de diversité. Adopter un comportement préventif d’inclusion est plus difficile que la correction de dysfonctionnements a posteriori. Nous avions déjà invité des personnalités lors d’événements internes pour évoquer ces sujets ouvertement, mais signer la Charte de l’inclusion et de la diversité, puis être Role Model ont constitué un message clair de tolérance, d’ouverture et de bienveillance. Ces valeurs sont, à mon avis, encore plus nécessaires aujourd’hui qu’il y a dix ans.
Il y a pourtant eu des progrès ces dernières décennies ?
L’environnement est plus protecteur qu’il y a vingt ans, mais je ne suis pas certain que le futur sera identique. En tant que gay et père d’une fille, je me suis aperçu que les droits des femmes et des LGBT+ vont de pair, or il y a une montée extrémiste partout dans le monde qui penche pour un retour en arrière. Si les acquis sont fragilisés, il faudra peut-être revenir à un certain militantisme.