Une révolution sur le marché de l’optique et des aides auditives. L’enseigne Zéroptical déboule et propose une franchise très attractive pour toutes les officines pharmaceutiques.
Industriel marseillais de l’optique, comment avez-vous eu l’idée de Zéroptical ?
Marc Lemaire : Effectivement, je préside Novavision, un fabricant de montures qui dispose d’un portefeuille d’un peu plus de 4000 clients en France sur le segment le plus accessible. J’ai eu le temps de comprendre le marché de l’optique, et surtout l’avant-loi Macron et l’après-loi Macron. L’avant, ce sont de très nombreux acteurs et de grands réseaux de franchises, qui proposent des offres classiques, de type 2e paire gratuite. Novavision était un fournisseur de montures leader du marché dit « d’access quality » destiné aux professionnels.
Les produits étaient fabriqués en Chine et leur qualité s’améliorait au fil du temps, avec la proposition de l’incassable, de l’antireflet et de l’anti-rayure. L’entreprise est devenue un acteur majeur avec un chiffre d’affaires de plus de 4 mil-lions d’euros. Puis vint la Covid 19. J’ai dû m’arrêter pendant huit mois du fait que la Chine ne nous fournissait plus, ce qui a causé de gros soucis clientèle, avec parfois l’obligation de faire venir des produits en fret aérien. Heureusement, l’aide du gouvernement français nous a permis de tenir la tête hors de l’eau, car nous avons vraiment été mal-traités par la Chine.
J’ai donc décidé d’arrêter les importations d’Asie. Encore fallait-il trouver une solution de remplacement, avec des montures de bonne qualité à bas prix, à moins de 5 euros. Nous avions une filiale en Pologne qui ne travaillait pas du tout pour la France et c’est finalement là, en Europe, que nous avons décidé de fabriquer.
C’est comme cela que vous êtes devenu industriel ?
Oui, nous avions une usine fabricante, et rapidement, l’opportunité s’est présentée de détenir un brevet pour des montures éco-logiques. Il s’agit d’un processus d’injection de plastique en acétate biodégradable, à base de fleur de coton et de bois, le Bioceta. En résumé, si vous enterrez ces lunettes, elles sont non polluantes pour la planète et disparaissent au bout de 115 jours, à l’exception des petites vis. Nous avons donc commencé à négocier des contrats d’exclusivité avec 9 usines polonaises sur 11, afin de renforcer notre position et construire une nouvelle offre.
En quoi la loi Macron marque-t-elle un tournant dans l’optique ?
La loi Macron est basée sur le 100%santé, on peut la comparer à la CMU, mais dans le secteur des lunettes. J’ai tendance à comparer cette offre à celle des génériques chez les pharmaciens. Or, l’obligation de proposer des génériques a été très mal accueillie par cette profession, sauf qu’aujourd’hui ils représentent 46% du marché et demain 56%. La loi Macron aurait dû, de façon similaire, révolutionner le marché de l’optique pour les Français, sauf qu’elle a été rejetée par les opticiens, qui ont refusé de jouer le jeu.
Pourquoi ce rejet ?
Les professionnels sont dorénavant obligés de détenir une offre minimale de 54 montures sur ce segment du 100%. Ils ont donc fait le strict minimum en offrant une vingtaine de montures enfants (un marché de niche), le reste à 50/50 entre homme et femme, généralement avec 2 coloris seulement. Donc, admet-tons que vous voulez une monture en métal, il vous reste un choix de 4 ou 5 montures et autant dire que ce sont les plus moches. Il se trouve que les opticiens ont été aidés par une série de circonstances dans cette résistance au changement, qui a abouti à ce que les Français ne connaissent pas cette offre lancée en janvier 2019. La raison en est qu’une communication gouvernementale était prévue en mars 2019, des inspecteurs devaient également passer en magasin pour vérifier la mise en place de l’offre. Or, la Covid est arrivée à ce même moment, et à partir de là, tout cela s’est arrêté…
En tant que fournisseur de ce marché, quelle fut votre réaction ?
Même si je comprenais que les opticiens ne soient pas très heureux de cette loi qui avait un impact sur leur marge, j’étais et je suis toujours convaincu que l’on ne peut pas aller contre un marché. Il faut s’adapter et passer le cap en montant une offre véritable et intéressante pour le client sur la base des 30 et 100 euros, 100% remboursés. J’ai appelé tous les multipropriétaires de magasins pour leur demander ce qu’ils allaient faire avec ce 100% santé. Malheureusement, ce fut plutôt une fin de non-recevoir, personne ne voulait jouer le jeu. Et cela m’a considérablement énervé.
Vous avez donc décidé de tout changer ?
Même si cela a été une décision difficile, risquée, je me suis dit, pourquoi ne pas y aller ? Et créer des magasins adaptés au marché de demain, qui dis-poseront d’un large choix dans le 100% remboursé, de l’ordre de 800 montures avec des qualités de verre excellentes et un vrai service. Cela signifiait que nous devions faire une croix sur notre clientèle traditionnelle pour tout réorganiser.
Quelle est l’offre Zéroptical ? Et comment faites-vous pour optimiser votre développement ?
Nous avons basé notre activité sur trois segments. En premier lieu, nous avons créé nos « laboratoires », 7 boutiques en propre de 120 m2 et deux adhérents qui nous ont permis de tes-ter notre offre basée sur des montures au prix fabricant, et des verres fa-briqués par un verrier mondial. L’assortiment disponible sur la plateforme destinée aux adhérents est quasiment de 2500 produits. Ces points de vente se trouvent en région marseillaise, sauf un qui est à Dreux.
En second lieu, suite à une discussion avec un ami ancien propriétaire d’un groupement pharmaceutique, nous avons mis en place une offre optique spécifiquement pour les pharmacies. Notre concept étant d’aller sur le 100% remboursé sécu et mutuelle, la pharmacie est donc une solution logique. D’ailleurs les pharmacies vendaient les produits d’optique avant 1952.
Nous leur proposons, aujourd’hui, un corner optique 100% santé créé et installé par nos soins et avons déjà signé un contrat pour leur installation avec PDA Pharma, d’autres sont en cours de négociation. Seules les pharmacies accueillant au minimum 300 personnes/jour sont concernées. Nous nous chargeons également de recruter l’opticien, qui sera salarié de la pharmacie par obligation légale. Évidemment, cela est dur pour les opticiens, mais après tout, ils n’ont pas démontré d’intérêt pour ce nouveau marché. Monter un magasin prend au minimum six mois, un corner deux jours. Nous avons terminé tous les réglages et prévoyons de 100 à 300 ouvertures d’ici la fin de l’année sur ces deux concepts pour mailler le territoire français.
Enfin, troisième volet de notre action, nous ciblons les pharmacies indépendantes de centre-ville, il y en a environ 6500 en France. Nous leur proposons d’entrer dans notre réseau, sans être une franchise. Nous nous chargeons du relooking et du concept sous enseigne Zéroptical. L’opticien indépendant conserve l’offre qui marche chez lui, et rajoute l’offre 100% santé. Nous créons une dynamique avec un événement mensuel permettant de recréer du tissu social. Ils gardent leur ADN, mais prennent un vrai coup de jeune. Début janvier 2023, avec l’appui d’Entre-prendre Ventures, vous verrez la publicité nationale Zéroptical sur de multiples médias, y compris sur les réseaux. Nous allons investir pour faire connaitre l’offre et créer de la proximité face aux gros réseaux types Atoll, Krys, etc.
Quel est votre modèle économique ?
Notre équipe est actuellement de 28 personnes, en production, formation, com-mercial, et 6 personnes à la communication. Pour les corners, la redevance est de 14%dont 5% sont totalement consacrés à la com-munication. Pour les relookings de pharma-ciens indépendants, il s’agit d’une redevance fixe de 500 euros nets mensuels.
Vos objectifs dans cinq ans ?
Nous avons pour ambition de doubler Afflelou en 5 ans en disposant de 1000 points de vente, même si les CA seront inférieurs, car nous sommes sur le segment le moins cher. Nous développons également une offre sur l’audio, car la loi sur les appareils auditifs a suivi celle sur l’op-tique. Elle a fait passer les remboursements sur les prothèses à 1800 euros début 2020. Nous avons déjà créé une cabine audio, un vrai centre de diagnostic qu’il est possible d’implanter directement avec le recrutement d’un diplômé. Ce sera Zérodio. C’est assez compliqué. Et quand c’est compliqué, cela me plaît. Nous projetons 95 ouvertures sur ce second marché que nous mettons en place actuellement.
Anne Florin