Le gouvernement a lancé fin octobre 2017 son ambitieux plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) avec, comme objectif, de présenter un projet de loi au parlement au printemps 2018. Ce chantier a débuté de manière très pragmatique par des travaux de binômes ou trinômes de parlementaires et chefs d’entreprises sur six thématiques essentielles dont les restitutions sont prometteuses.
Cette première phase a été suivie par une consultation publique qui a donné lieu à pas moins de 12819 contributions. C’est là une preuve de l’enthousiasme des entrepreneurs et professionnels accompagnant les entreprises à voir naître une grande réforme de la législation et des dispositifs encadrant l’entrepreneuriat.
L’un des thèmes retenus pour ce projet porte sur la simplification notamment la modernisation des prescriptions du droit des société, la prise de mesures visant la cible de 100% des démarches dématérialisées des entreprises en 2022 et la suppression de l’obligation de publication des annonces légales dans des journaux.
De telles propositions à l’apparence simple sont néanmoins osées et radicales lorsqu’on les met en perspective avec la condition administrative actuelle des entrepreneurs.
Des obligations et démarches administratives encore trop chronophages
A ce jour, malgré les nombreux efforts de simplification effectués (interfaces en ligne des différents services administratifs, procédures de plus en plus digitalisées des greffes des tribunaux de commerce et des CFE, etc.), le manque d’harmonisation et de clarté, sans parler des dysfonctionnements techniques de certaines procédures en ligne, ne facilite pas la vie des TPE / PME.
Sur le fond, trop de normes complexes se superposent encore. Les démarches demeurent longues et compliquées et les interlocuteurs administratifs sont nombreux, sans lisibilité sur la répartition de leurs rôles.
De la création de leurs entreprises à l’exécution de leurs obligations juridiques, fiscales et sociales, les dirigeants de TPE consacrent une partie importante de leur temps à remplir des formulaires Cerfa, effectuer des déclarations redondantes auprès d’une multitudes de services et d’organismes administratifs, le plus souvent sans rien n’y comprendre, suivant les indications, qui sonnent comme des incantations, de leurs conseillers experts-comptables ou avocats, quand ils ont les moyens de s’offrir leurs services.
Cette inflation administrative nuit évidemment au développement de l’activité commerciale des entrepreneurs. La capacité de résistance à la paperasse tendrait presque à devenir l’un des critères de survie des jeunes entreprises là où, dans une économie libérale, seule la loi du marché devrait dicter les chances de réussite d’un projet entrepreneurial.
Nous ne pourrons pas citer les nombreuses embuches administratives du parcours de l’entrepreneur, mais le meilleur exemple de ce constat se trouve au départ même du labyrinthe : la création de l’entreprise.
Créer une entreprise, c’est tout d’abord se trouver face à un choix entre de nombreux statuts aussi complexes que peu compréhensibles pour un profane.
Auto-entrepreneur, EIRL, EURL, SARL, SAS, société à l’IS ou à l’IR, etc. : il convient de choisir parmi ces différents régimes et formes lequel sera le mieux adapté au projet entrepreneurial, en anticipant des problématiques encore trop abstraites pour l’entrepreneur non aguerri aux enjeux juridiques et fiscaux qu’il sera amené à rencontrer, tels que le régime fiscal de la taxation des bénéfices, le régime de TVA, le régime social du dirigeant, la taxation des distributions de dividendes, etc. Une fois le statut enfin choisi, les difficultés techniques débutent : il faut procéder à l’immatriculation de l’entreprise. S’immatriculer en tant qu’auto-entrepreneur est supposé être simple.
La réalité est tout autre : le questionnaire en ligne est compliqué pour ceux qui ne maitrisent pas le jargon administratif et sa nomenclature. La moindre erreur peut conduire à un blocage du dossier et repousser l’obtention du numéro SIREN.
Par ailleurs, la multiplication des guichets administratifs et assimilés (CFE, site internet des greffes des tribunaux de commerce, guichet-entreprise) rend peu lisible la procédure à suivre, sans compter que le manque d’harmonisation rend incertain l’enregistrement final du dossier par voie dématérialisée. Immatriculer une société est encore plus complexe : il faut disposer d’une bonne imprimante car les greffes des tribunaux de commerce, si la plupart d’entre eux acceptent désormais les télétransmissions de dossiers, exigent néanmoins des copies de documents signés à la main, à l’heure où la signature électronique authentifiée existe pourtant depuis longtemps.
Et c’est sans compter les étapes et conditions à respecter pour pouvoir constituer un dossier d’immatriculation, dont la finalité de certaines (telle que l’onéreuse publication de la création dans un journal d’annonces légales) n’est, de nos jours, plus comprise de tous.
L’état de l’art technologique actuel permettrait une simplification radicale de la vie de l’entreprise
Il faut admettre qu’il y a eu beaucoup d’avancées vers la simplification ces dernières années et les efforts des différents services (et notamment des greffes des tribunaux de commerce de France) ne manquent pas. Mais il a peut-être manqué une vision globale dictée par un projet pensé en amont. Nous avons surtout vu foisonner des ajustements ponctuels et clairsemés, si bien que les réformes se sont empilées plutôt que de s’imbriquer avec harmonie et intelligence.
Aujourd’hui, la technologie permet pourtant une simplification radicale : il est tout à fait possible de créer un guichet internet, unique interlocuteur administratif des entrepreneurs tout au long de leur parcours, en développant une interface fonctionnelle, ergonomique et intelligente. Il est tout à fait possible, par le biais des procédés de signature électronique sécurisée, de dématérialiser totalement l’ensemble des procédures administratives même lorsqu’il faut authentifier l’identité des administrés, en évitant ainsi les documents papiers ou copies de documents signés à la main.
Il est également possible, notamment grâce à la technologie de la blockchain, de créer un registre unique et sécurisé servant de réceptacle aux nombreux dossiers et documents que les administrations et officiers publics doivent recueillir des entreprises tout au long de leur vie. Au-delà de ces apports technologiques, il serait souhaitable de clarifier les régimes juridiques des différents statuts d’entreprises, en procédant à une grande harmonisation visant à réunir les multiples ramifications de statuts autour, par exemple, de quelques grands axes : entreprises individuelles, sociétés commerciales à l’impôt sur les société et sociétés commerciales à transparence fiscale.
Il faut donc espérer que le PACTE ne se limitera à un énième compromis entre les attentes légitimes des TPE / PME et les habitudes ou reticences des différents intermédiaires publics et assimilés, mais soit à la hauteur des attentes des entrepreneurs en matière de clarification des obligations et de simplification des démarches administratives.