« Il faut passer du “on va faire” à “on fait” ». En grand industriel qu’il est, Didier Lombard est lassé du discours gouvernemental devenu essentiellement de la com’ (voir son entretien choc sur EntreprendreTV). Celui qui a fait de France Télécom (dont les dettes représentaient en 2002 6 fois les revenus quand il en a pris la présidence en lieu et place de son ami Thierry Breton) un géant des télécoms en Europe s’inquiète de voir que la relance du nucléaire n’est toujours pas actée.
« On en parle, mais il n’y a ni plan, ni objectifs, ni moyens… » Cela promet, d’autant qu’on aurait la faculté d’agir vite : « Il suffirait de ramener exceptionnellement par décret ministériel les délais de maintenance des centrales à un mois, au lieu d’appels d’offres qui durent six mois ! » Des propos qui rejoignent ceux de l’ancien président de l’assemblée nationale, Bernard Accoyer, qui fulmine de voir « une idéologie anti-nucléaire s’être infiltrée dans les services de l’État ! ». Ou ceux d’Anne Lauvergeon, ancienne présidente d’Orano (ex-Areva), qui demande « la réouverture de Fessenheim, toujours possible à condition de récupérer les pièces détachées ».
À propos de délestage, Lombard, perfide, de rajouter : « A-t-on même pensé à ce qui passerait en cas de coupures avec les passages à niveau de la SNCF ? » Réalisme oblige de celui sans qui ST Microelectronics, le géant franco-italien des semi-conducteurs, 12,8 milliards d’euros de chiffre d’affaires, n’existerait pas. Et qui s’est opposé en son temps, en tant que président de l’Agence française des investissements internationaux avec l’appui d’Edith Cresson, à la fusion Renault-Volvo (« Si on l’avait faite, Renault serait en faillite… »), et qui a poussé la firme au losange dans les bras de Nissan, avec un accord bien plus prometteur.
« Il faut remettre des hommes de métier dans les postes de commandement », conclut cet esprit si lucide. Le conseil, semble-t-il, vaut autant pour les entreprises que pour l’État.
Robert Lafont