Il a comme un air de Stéphane Bancel, le génial entrepreneur marseillais de Moderna, inventeur du vaccin ARN Messager, et obligé de s’exiler aux Amériques pour trouver l’argent nécessaire. La différence avec Reginald Allouche, c’est qu’il est moins riche, mais surtout qu’il cherche à maintenir et préserver son invention et son exploitation prioritairement sur le territoire de France : « J’ai été éduqué dans cet amour du pays, et il n’est pas question que je ne lui redonne pas en retour tout ce qu’il m’a donné : éducation, environnement ou culture ! »
On est loin du discours anti-patriotique de beaucoup. Reginald est comme cela. Il a beau être né à Tunis, ville qu’il a quittée à l’âge de 5 ans, il n‘oublie rien. Son père, importateur de thés, l’a élevé dans cette belle lignée. Et franchement, cela fait du bien avec tout ce que l’on entend. Élevé dans le IXe arrondissement de Paris, rue Faubourg Montmartre, entre le fameux restaurant Bouillon Chartier (aujourd’hui propriété du groupe familial Joulie – Congrès, DAB, Sébillon, …) et le siège du journal L’Équipe du temps de Jacques Goddet et Félix Levitan, Allouche ne renie rien non plus de ses origines juives : « On nous reproche parfois d’être commerçants, mais nous étions obligés de l’être, nous qui n’avions jamais eu de terre (avant 1948) … »
Aujourd’hui, dans le domaine de la santé, l’invention de ce médecin nutritionniste, ingénieur biomédical de renom, pourrait s’avérer être l’une des plus essentielles du moment. Allié au médecin vétérinaire Charles-Henri Malbert, ils sont sur le point de pouvoir venir à bout à terme de 90 % des diabètes de type 2. Un mal qui touche plus de 800 millions d’individus dans le monde et qui se développe beaucoup avec l’essor de l’obésité et du sucre. Allouche vient de publier « Sucre : l’ennemi public n°1 » chez Albin Michel.
Avec leur jeune pousse Paltech, déjà 2,8 M€ de levée et bientôt 10 M€ avec Bpifrance, ces deux médecins hors-normes ont identifié des molécules qui, via des opérations chirurgicales (cœlioscopies), peuvent permettre de reconstituer des capteurs, précisément ceux qui manquent sur la paroi de la veine porte reliant le foie, et qui permettent justement de sécréter l’insuline propre à réguler le taux de glucose (glycémie) dans le sang.
Depuis 2021, les deux entrepreneurs ont mis au point un test effectué grandeur nature sur 18 cochons (le seul animal omnivore ayant un tube digestif proche de celui de l’homme) à l’INRAE de Rennes. Et les résultats s’avèrent très positifs. Les cochons diabétiques, en récupérant des capteurs, retrouvent leur état normal en matière de glycémie. Reste à garantir que les effets seront bien les mêmes sur l’homme. C’est tout l’objet des études qui vont être prolongées. Les essais cliniques sur l’homme pourraient démarrer dès 2025. Jean-Pierre Marguaritte, le célèbre ostéopathe, président du réseau Europromesteo, qui nous accompagne au cours de ce déjeuner chez Max & Nico (excellent bistrot gastronomique à Boulogne-Billancourt), se montre confiant.
Rappelons que les complications liées à ces diabètes de type 2 sont particulièrement invalidantes (insuffisance rénale, cécité, infarctus ou neuropathie…). D’autant que la plupart des traitements proposés par les grands labos (Eli Lilly, Sanofi ou Novo Nordisk…) perdent de leur efficacité avec le temps. Et c’est là que Paltech prend tout son sens. L’avocat fiscaliste Bruno Belouis propose un partenariat au Big Pharma. En cas de succès, Paltech pourrait décrocher le jackpot : « Raison pour laquelle je me bats pour que cela reste en France » rajoute Reginald Allouche, qui a rencontré récemment le Directeur de cabinet de Roland Lescure au ministère de l’Industrie : « Rendez-vous compte cher Robert Lafont, plus de 100 emplois peuvent être créés dans notre pays mais surtout quelle vitrine d’excellence pour la recherche et la santé, cela pourrait constituer ! »
On le croit sur parole. Ne manquez pas son interview sur EntreprendreTV, et quand on le qualifie de « bienfaiteur de l’humanité », Allouche de répliquer : « Ce n’est pas moi qui compte, c’est ce que je vais laisser ! » Et puis en partant, encore cette recommandation : « La France a perdu de son poids en géopolitique, elle aurait dû être l’interlocuteur des pays indépendants entre les grands blocs. » On dirait du Villepin. Et puis ce conseil en forme de bouquet final : « Nous avons encore une belle carte à jouer en dehors du médical, c’est celle de la protection et de l’entretien des océans. Nous avons le deuxième domaine maritime du monde : c’est là que nous aurions tout intérêt à investir des milliards … »
Le génie et l’intuition n’ont décidément pas de limites. Un déjeuner qui marque !
Robert Lafont
