Depuis le 17 octobre, les casinos français se trouvant dans les zones de couvre-feu sont fermés sur décisions préfectorales. « Une injustice », selon Fabrice Paire, président du directoire du groupe Partouche, numéro deux français du secteur, qui a dû fermer six établissements.
Six casinos du groupe Partouche sont fermés depuis le 17 octobre (Aix-en-Provence, La Ciotat, Lyon, La Tour de Salvagny, Palavas-les-Flots et Saint-Galmier). Que vous inspire cette décision ?
On est en colère car nous vivons une situation d’injustice. Nous avons fermé six casinos. A Palavas, c’est le préfet qui, par extension de la zone de la métropole de Montpellier, a estimé que certaines villes environnantes relevaient du couvre-feu… De manière manifeste, il y a une mauvaise appréciation de la qualité des protocoles sanitaires mis en place au sein de nos établissements. Par ailleurs, si l’on regarde froidement les faits, depuis quatre mois, aucun casino n’a été un cluster et aucune situation de cas de propagation par contamination du virus au sein d’un établissement n’a été constatée.
Les casinos situés dans des zones de couvre-feu doivent fermer, mais, dans le même temps, d’autres établissements recevant du public (cinémas, restaurants, théâtres…) peuvent rester ouverts, en dehors de la période de couvre-feu. Nous sommes donc face à une situation d’injustice majeure, une iniquité flagrante, compte tenu des protocoles beaucoup plus stricts que nous avons mis en place par rapport à d’autres activités.
C’est-à-dire ?
Au sein de nos établissements, le port du masque est vraiment obligatoire. Dans un restaurant, les clients l’enlèvent pour manger et les enfants ne sont obligés de le porter. Idem en ce qui concerne la distanciation sociale. Au casino, les gens viennent pour jouer sur un appareil de jeu, il n’y a donc pas de phénomène de regroupement, comme il peut y avoir dans un restaurant ou un cinéma.
Je vais même aller plus loin. Si le gouvernement décidait de fermer à nouveau les restaurants, je n’aurais aucun problème à demander à ce qu’on laisse mes casinos ouverts. Pourquoi ? Parce que mes mesures sanitaires sont beaucoup plus strictes que celles des restaurants.
« Mes mesures sanitaires sont beaucoup plus strictes que celles des restaurants »
Vous attendez désormais que Conseil d’État statue sur votre cas. Etes-vous certain qu’il rendra une décision favorable ?
Nous avons déposé une requête en référé. Elle devrait être reçue, nous devrions donc pouvoir plaider notre cause. Cela devrait être relativement rapide. Quand j’observe les décisions des tribunaux administratifs à Marseille, Lille et Toulouse, qui ont autorisé les casinos à rouvrir, je ne vois pas comment le Conseil d’État pourrait ne pas affirmer qu’il y a une disproportion dans la mesure prise.
Lorsque vous regardez la réalité en face, il est absolument indéniable que les conditions sanitaires d’exploitation chez nous permettent de considérer qu’il n’y a pas de risque. Il n’y a pas de raison de fermer nos casinos. C’est ce que l’on va essayer de faire valoir devant le Conseil d’État. Les seules considérations avancées pour justifier une fermeture — le fait, par exemple, qu’il y ait plus de personnes âgées dans nos casinos que dans un restaurant, ce qui est faux — sont des vues de l’esprit.
Comment expliquez-vous ces décisions ?
Le gouvernement fait face à une situation exceptionnelle. Ils ont une masse considérable d’informations à traiter en même temps, ils ne peuvent donc pas tout passer en revue dans le détail. Je comprends donc que, par manque de temps, de telles décisions puissent être prises. Raison pour laquelle nous avons saisi la justice.
Nous avons beaucoup documenté notre requête : photos, audits sanitaires… Notre protocole sanitaire n’a pas de faille. Il n’y a donc pas de raison de ne pas nous laisser exercer notre métier. À Marseille, Lille et Toulouse, les juges ont estimé qu’il y avait une disproportion entre les décisions des préfets et la nature du risque. On espère que le Conseil d’État suivra le même raisonnement.
Avez-vous des interlocuteurs à l’Élysée ou à Matignon susceptibles de plaider votre cause ?
Nos deux ministères de tutelle, l’Intérieur et Bercy, sont nos interlocuteurs naturels. Mais ces ministères ne sont pas à la manœuvre pour gérer l’épidémie. Tout se passe entre l’Élysée et Matignon. En temps normal, nous n’avons pas l’habitude de discuter avec le cabinet du Premier ministre, il semble donc logique qu’en temps de crise, ils ne trouvent pas le temps de prendre de nouveaux interlocuteurs…
« Il n’y a pas de raison de fermer nos casinos »
Quelles sont les conséquences de ces fermetures pour Partouche ?
Avant même ces fermetures, la situation n’était déjà pas facile. La fréquentation était plus faible, car nos clients avaient des craintes légitimes vis-à-vis de cette épidémie. Avec ces fermetures, tout le monde doit prendre conscience que les enjeux sont conséquents. La filière représente 15 000 emplois directs et 50 000 emplois indirects en France. Rien que chez Partouche, la fermeture de nos six casinos implique le placement en activité partielle totale de 800 salariés, et donc de 800 familles. Ces six établissements représentent 30 % du volume d’activité du produit des jeux des 38 casinos que nous détenons.
Mais la question ne se limite pas seulement à notre activité. En France, les casinos apportent chaque année 1,3 milliard de prélèvements au budget de l’État et des collectivités territoriales. C’est donc aussi une ressource en moins pour l’État.
Envisagez-vous des licenciements ?
Nous n’en sommes pas à envisager des mesures de cet ordre. Pour une raison : il y aura un après. On a été l’un des secteurs les plus touchés pendant et après le confinement. Nous avons eu 79 jours de fermeture entre le mois de mars et début juin. Si j’avais pris des mesures de licenciement pendant le confinement, je me serais retrouvé démuni lors de la reprise d’activité. J’apporte une prestation de services, un divertissement. Si je n’ai pas le staff nécessaire — croupiers, caissiers, contrôleurs, techniciens —, je ne peux pas rouvrir un établissement. Et comme on rouvrira un jour ou l’autre…