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Galiena Capital : pour Pascal Noguera, Benoit Panhard et Anne-Laure Mougenot, « les PME jouent un rôle crucial dans la revitalisation industrielle de nos territoires »


Spécialiste du Private equity pour les PME françaises, Galiena Capital est un acteur phare de l’investissement auprès d’entreprises industrielles évoluant dans des secteurs stratégiques.

Entreprendre - Galiena Capital : pour Pascal Noguera, Benoit Panhard et Anne-Laure Mougenot, « les PME jouent un rôle crucial dans la revitalisation industrielle de nos territoires »

La société de gestion peut se prévaloir d’avoir levé 500 millions d’euros depuis sa création il y a 15 ans, d’avoir investi dans 25 petites et moyennes entreprises et les avoir accompagnées dans la réalisation d’autant d’opérations de croissance externe. Rencontre avec Pascal Noguera, Benoit Panhard et Anne-Laure Mougenot, les trois associés de Galiena Capital, qui évoquent avec nous la façon dont ils accompagnent les PME investies, leur contribution pour préserver et renforcer le savoir-faire industriel tricolore, ou encore l’aide à la mise en place d’une véritable politique RSE.

Vous avez accompagné la croissance de plus d’une vingtaine d’entreprises. Quels sont les facteurs qui guident vos choix d’investissement et qu’attendez-vous des candidats qui viennent vous voir avec un besoin de financement ?

Benoit Panhard : Nous investissons prioritairement dans des projets porteurs de sens, générant performances et valeur ajoutée pour nos investisseurs. Les PME affrontent des défis majeurs – numériques, écologiques et démographiques (question de la succession) – auxquels Galiena Capital apporte une réponse. Au-delà du simple apport de capital financier, nous nous impliquons pleinement dans le projet de l’entreprise.
En tant qu’actionnaires professionnels, nous agissons comme de réels partenaires aux cotés des équipes dirigeantes, en parlant leur langage et en contribuant à évaluer et anticiper les risques et saisir les opportunités. Notre approche est très pragmatique : nous déterminons rapidement si nous sommes le bon partenaire pour une entreprise. Notre modèle d’investissement repose sur un actionnariat majoritaire, aligné avec le rythme biologique des entreprises. Nous favorisons une relation forte entre dirigeants et actionnaires, sans chercher à remplacer la direction ni nous immiscer dans ses décisions quotidiennes. Notre rôle consiste à fournir un accompagnement expert, dans le cadre d’un comité de surveillance, pour la conduite des réflexions et décisions stratégiques. Autrement dit, si un dirigeant ne souhaite pas les partager, notre approche ne lui conviendra pas et nous n’investirons pas.

Vous revendiquez concentrer vos investissements dans les PME françaises. Pourquoi ce choix géographique, là où la plupart des fonds d’investissement adoptent -et promeuvent- une approche internationale, notamment après plusieurs années d’existence ?

Anne-Laure Mougenot : C’est essentiellement lié à la taille des entreprises que nous accompagnons, avec un vivier très large d’opportunités sur ce segment en France. La proximité physique, culturelle et linguistique revêt une importance cruciale. Nous planifions une réunion mensuelle structurée avec les dirigeants de chacune, et maintenons une interaction très régulière pour favoriser les échanges et la compréhension mutuelle. Nous comptons systématiquement parmi nos investisseurs des entrepreneurs et/ou dirigeants, qui ont fondé ou développé des entreprises, animés par un fort attachement patriotique et une volonté d’investir dans leur pays. Cependant, cela ne signifie pas que les entreprises que nous ciblons n’ont pas de dimension internationale. En effet, plusieurs entreprises de notre portefeuille, comme Clufix ou Extruflex, sont des leaders de leur marché mondial de niche, via une présence internationale directe et/ou via l’export, souvent dans la roue de grands groupes européens, si bien que l’international peut représenter une très grande majorité de leur production.

La réindustrialisation est une thématique désormais présente partout, qu’il s’agisse des politiques ou des médias. En tant qu’acteur spécialisé dans l’accompagnement et la croissance des PME, notamment industrielles, quel rôle accordez-vous aux PME pour atteindre cet objectif ?

Pascal Noguera : Nous avons le privilège de travailler avec de nombreuses PME remarquables qui proposent des produits et services de niche. Cependant, en raison de leur taille parfois modeste, ces entreprises demeurent fragiles. Notre rôle consiste à les renforcer à un moment clé de leur évolution, par le biais d’investissements stratégiques. Il est essentiel de préserver leur spécialisation, car elles répondent ainsi aux besoins d’externalisation et de maintien de compétences des grands groupes.

Par exemple, nous avons récemment acquis le groupe Domusa dans le secteur aéronautique. Ce groupe possède un éventail de compétences en maintenance aéronautique, allant de l’électronique embarquée à l’hydraulique en passant par la maintenance d’hélices, de trains d’atterrissage et même des « boites noires ». De plus, il opère une activité OEM spécialisée dans l’horlogerie et l’instrumentation de bord mécanique pour avions. Notre objectif est de créer des synergies entre les clients, d’acquérir des sites industriels dotés de compétences complémentaires et de favoriser une collaboration étroite au sein de cette filière. Cette approche est l’une des clés pour préserver et renforcer le savoir-faire industriel du pays dans ce secteur stratégique.

Quels sont les secteurs que vous considérez comme les plus stratégiques pour la « reconquête industrielle » des territoires ?

Benoit Panhard : La France se distingue par quatre secteurs clés particulièrement attractifs pour les investissements et stratégiques en matière d’industrie. Tout d’abord, l’aéronautique, un domaine dans lequel le pays a toujours excellé. Ensuite, le secteur de la santé, qui est en pleine expansion en raison du vieillissement de la population et de la nécessité de solutions innovantes pour relever ce défi majeur. Le troisième secteur est celui de la défense, où des sociétés comme Galiena Capital investissent dans des acteurs tels que I-4S, spécialisé dans les campements militaires clés-en main pour répondre aux besoins logistiques des armées de l’OTAN sur les théâtres d’opérations. Ce secteur connaît une demande croissante, comme en témoigne la récente expansion du site industriel d’I-4S en Moselle. Enfin, la e-mobilité, adressée par des entreprises comme Clufix, est un marché en plein essor, notamment dans les domaines des voitures et des vélos électriques. La France encourage activement la transition vers des modes de transport plus durables, faisant de ce secteur un domaine d’investissement majeur.

En entrant au capital de vos participations, vous déployez une vision et un parti-pris sur leurs choix stratégiques. Quel doit être l’accompagnement stratégique d’un investisseur pour ne pas uniquement être en situation de « rente » face à sa participation ?

Pascal Noguera : Notre approche est radicalement différente de la situation de « rente » que vous décrivez. Au contraire, nous travaillons en étroite collaboration avec les équipes dirigeantes des sociétés que nous accompagnons pour élaborer une feuille de route stratégique. Celle-ci est constamment adaptée en fonction des opportunités et des défis rencontrés, mais nous ne restons jamais les bras croisés. Notre rôle est de stimuler les équipes, , de les pousser à se structurer – par exemple à travers le recrutement de cadres clés (DAF, directeur industriel, directeur du développement, …) et la mise en place de Comités de Direction, l’investissement dans les outils qui leur permettront d’accélérer leur croissance (ERP, contrôle de gestion et reporting, …) – et de les accompagner dans la réalisation de leur stratégie de croissance externe pour renforcer leur positionnement (identification, étude et montage des opérations).

Benoit Panhard : Oui, nous sommes là pour les aider, pour leur ouvrir des portes ou des réflexions dans différents secteurs, pour les mettre en relation avec les bons partenaires. Notre mission est de les pousser à accélérer, à aller plus loin, plus vite. Il arrive régulièrement que des dirigeants que nous avons accompagnés deviennent nos investisseurs, car nous avons contribué à leur succès. A leur tour, ils souhaitent rejoindre notre démarche pour contribuer à en aider d’autres. Nous y voyons une véritable consécration de nos efforts et de notre positionnement d’investisseur actif et entreprenant.

Les fonds d’investissements sont de plus en plus scrutés pour l’intégration d’une politique RSE volontariste. Quelle est votre vision de cet enjeu ?

Anne-Laure Mougenot : De nombreuses PME n’étaient pas familières avec la notion de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) par le passé. Bien que la sensibilisation aux enjeux de la RSE ait été améliorée grâce aux efforts politiques, nombre de ces entreprises ne savent toujours pas comment procéder concrètement. Dans la PME, ce sont souvent les présidents ou les directeurs financiers qui portent cette responsabilité, sans disposer des mêmes ressources (homme et temps) que les grandes entreprises dotées d’équipes dédiées. L’enjeu principal est donc de leur proposer un accompagnement adapté aux PME, en mettant en place des démarches progressives, en fonction de leur maturité et pragmatiques quant à leur réalité opérationnelle (deux à trois actions jugées prioritaires par an).

Dès les premiers rendez-vous avec les dirigeants, nous abordons ce sujet en leur proposant notre aide. Nous cherchons à comprendre ce qui est matériel pour eux, en fonction de leur secteur et état d’avancement et nous nous concentrons là-dessus. Ce qui est moins crucial est mis de côté. Nous les accompagnons ensuite sur un plan de priorités annuelles sur une période de plusieurs années. Nous les aidons à comprendre et à formaliser leurs démarches, en leur recommandant par exemple de réaliser un bilan carbone pour identifier les domaines où l’entreprise peut progresser. Nous recevons un retour très positif de la part des équipes, car notre soutien leur permet de gagner du temps et en efficacité, par exemple via la mise en place d’indicateurs RH ou de feuilles de route de décarbonation.

Cette montée en puissance RSE s’est-elle matérialisée par des labels ou des indicateurs vous permettant de juger vraiment de la bonne intégration de ces problématiques ?

Anne-Laure Mougenot : Plusieurs initiatives spécifiques ont été lancées, telles que la création de labels environnementaux et territoriaux, l’établissement de fondations ou le déploiement de démarches de labellisation. Tout cela ne découle pas d’une contrainte imposée à l’équipe de direction, mais résulte d’un accompagnement proposé lorsque nous les invitons à s’engager dans ces démarches.

Benoit Panhard : Contrairement à de nombreuses plateformes d’investissement qui mettent en place des équipes dédiées, lesquelles parlent également à des équipes dédiées des grandes entreprises, nous attachons une grande importance à ce que les problématiques et enjeux de RSE soient portés par l’équipe d’investissement elle-même, dès lors qu’elle est au contact direct des équipes de direction des PME investies. Autrement dit, nous ne souhaitons pas simplement sous-traiter ces responsabilités « à monsieur ou madame RSE ». Nous préférons que les professionnels de l’investissement que nous sommes s’impliquent eux-mêmes dans ces sujets, afin qu’ils aient une chance de prospérer et ne reposent pas uniquement sur les épaules d’interlocuteurs qui fonctionnent dans le « vase clos de la RSE ».

Alexandre Bodkine

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