Pascal Rigo est un entrepreneur et restaurateur français installé sur la côte ouest Américaine, d’abord à Los Angeles puis à San Francisco. Il s’est forgé un « empire » constitué d’un conglomérat de restaurants, mais surtout de boulangeries de gros et de détail en Californie… Retour sur le parcours de ce « Frenchy », entrepreneur passionné et authentique qui a vécu et touché le rêve américain…
La Boulangerie de San Francisco, Bay Bread, La Boulange, Cortez, Chez Nous, Gallette… Toutes ces marques appartiennent à Pascal Rigo. Il est désormais également propriétaire de la maison Seguin, la pâtisserie de Captieux célèbre pour ses puits d’amour et à l’initiative de la P’tite Boulangerie et du projet associatif Big Ensemble et Big Nature.
Pascal Rigo est né en 1960 à N’Djamena, au Tchad. Après avoir fait les courses pour acheter quotidiennement deux baguettes pour sa famille, il fait son apprentissage dans la boulangerie de son village. Et dès l’âge de 7 ans il sait déjà réaliser des galettes des rois à la frangipane. Entre le beurre et la farine, il apprend vite et apprécie énormément l’ambiance et l’atmosphère qui y règne puisqu’il considère que : « L’odeur d’une boulangerie relève de la magie ».
Originaire de Paillet, près de Cadillac en Gironde, il lance sa carrière en 1982 par un CAP boulanger, qu’il poursuit par un troisième cycle en commerce international déjà conscient de l’importance du business vu ses ambitions. Il obtient un diplôme de commerce de l’Université de Bordeaux et certifié en tant que boulanger professionnel.
Pour maitriser tout le volet « commercial » d’une société, il s’inscrit à Kedge Business School à Bordeaux. Il y apprend la gestion d’entreprise et parfait son « art » avec Bernard Contraire.
Après des expériences chez Paul ou La Brioche Dorée, Il part aux États-Unis avec son matériel de boulanger pour y vivre et y tenter sa chance. Il déménage en Californie et commence en premier lieu à importer du vin français.
A cette époque, les Américains mangeaient encore du pain très mou. Pour se démarquer de la concurrence avec une approche différenciée, il propose du pain de campagne au levain et une grosse croute, qu’il sert « coupé ».
En 1991, il ouvre sa première boulangerie « Bread Only » à Los Angeles qui ne s’adresse qu’aux professionnels. Ce projet fonctionne tellement bien qu’en moins de 6 mois tous les hôtels et restaurants de sa zone deviennent des fidèles. Malgré ce succès -en appelant d’autres- il revend dans la foulée et passe à la suite.
En 1996, Pascal Rigo fonde Panissimo Group, sa maison mère qui exploite la boulangerie de Pine Street qui devient « Bay Bread ». Il rachète et continue d’exploiter le plus ancien moulin à farine de San Francisco qui est en fait la plus vieille boulangerie bio des États-Unis créée en 1939 et qui était alors à l’abandon. Il choisit d’y vivre et d’y avoir un bureau. Bay Bread l’utilise pour produire de la farine biologique pour ses pains.
Pascal Rigo investit et fait croitre ce projet en s’adressant principalement aux hôtels, restaurants et supermarchés bio.
Il avait initialement l’intention d’exploiter son entreprise en tant que boulangerie en gros, mais a rapidement commencé à vendre des pains, puis des croissants directement au public. Une critique positive du quotidien The San Francisco Examiner a d’abord popularisé sa boulangerie. Qu’il renomme sobrement « Boulangerie », après avoir peint le mot sur l’auvent coloré au-dessus du trottoir, puis a ouvert des boulangeries-restaurants à thème similaire dans toute la ville. L’un, à Cole Valley, est le site de l’ancienne boulangerie Tassajara, où le mouvement moderne du pain artisanal de San Francisco a commencé.
En 1997, il fonde la Boulange et ouvre énormément de boulangeries d’une façon organique et naturelle, tout seul, comme un authentique artisan qui se respecte. La société disposait de deux bras distincts : l’un industriel et l’autre plus traditionnel tourné vers le bio avec vingt-cinq magasins. Au total, il comptait près de 1 500 salariés avec deux unités de production.
En 2000, Pascal Rigo et ses associés investissent et fondent plusieurs restaurants, dont Soleil, Rigolo, Gallette, La Table, Le Petit Robert, Chez Nous, Americano, et Plantanos et Cortez qui obtient une étoile Michelin.
En 2001, lui et ses partenaires rachètent Oh-La-La, l’une des plus anciennes chaînes de cafés de San Francisco. Le groupe a ensuite cédé la majorité de ses restaurants pour se focaliser plutôt sur son cœur de métier : les boulangeries.
En 2009, il devient actionnaire de Miette, une petite chaîne de magasins de bonbons et de boulangers de petits gâteaux.
Le New York Times reconnait Pascal Rigo comme étant « le seul vrai entrepreneur français » aux Etats Unis. Ce qui lui fait éviter toutes publicités pour ne pas encourager des réactions violentes à son encontre.
En 2003, il co-écrit un livre de cuisine, The American Boulangerie : Authentic French Pastries and Breads for the Home Kitchen.
Le 4 juin 2012, Pascal Rigo vend la Boulange Bakery à Starbucks pour un montant de 100 millions de dollars. Son entreprise comptait alors 1000 employés et réalisait 65 millions de dollars de chiffre d’affaires. C’est l’opportunité d’une vie. Un partenariat unique lui donnant accès à plus de 12 000 Starbucks, avec lesquels il pouvait « partager » ses produits avec plus de 45 millions de clients par semaine. Starbucks lui propose en plus de s’occuper du département Food pour la région : Amérique du Nord. Dont il redynamise et « nettoie » la gamme. En trois ans, il réussit a doubler le chiffre d’affaires « Food » de Starbucks en portant le chiffre d’affaires à plus de trois milliards de dollars.
« En France, ce qui ne va pas, c’est le manque de flexibilité. Pourquoi plutôt que de taxer les entreprises à 70 % le gouvernement n’offre-t-il pas des points d’abattement fiscaux à celles qui créent des emplois ? Il y a aussi cette absence d’envie chez les investisseurs à prendre des risques. Sans l’investissement privé, je n’aurais rien pu faire. Aux États-Unis, il y a un état d’esprit exceptionnel, nous ne sommes pas sclérosés par la peur de nous planter. Si on se plante, on peut se refaire. En France, on est la risée de tout le monde. »
Il veille dans la conception de ses produits à toujours utiliser les meilleurs produits possibles. Il achète par exemple la totalité des framboises produites en agriculture raisonnée aux États-Unis. Il fait appel à un maximum de produits locaux.
En juin 2015, Starbucks annonce qu’il ferme tous ses cafés La Boulange d’ici la fin septembre 2015.
Pascal Rigo quitte Starbucks et rouvre six des emplacements de La Boulange, sous le nom de « La Boulangerie de San Francisco » plus une unité de production. (Pour la production d’une farine de qualité).
Il a depuis doublé le nombre de boutiques et recommence à se développer aux États-Unis. Et compte bien accélérer sa croissance. Pour toujours multiplier ses sources de revenus et monétiser son savoir-faire au maximum, Il continue en parallèle le « développement produit » pour Starbucks et Amazon
« On veut remettre l’artisan au cœur du point de vente »
En 2016, il revient en France avec l’intention de lui rendre ce qu’il lui doit et s’offre donc un retour aux sources avec l’ouverture du premier point de vente de La P’tite Boulangerie au Cap Ferret (avec Christophe Prias). Il lance un nouveau modèle et son nouveau concept de micro-boulangeries (27m2 en comprenant la surface de vente, le fournil, les vestiaires et les toilettes…) qui replace le geste du boulanger au cœur des attentions. Ce n’est pas seulement un retour aux sources géographique mais surtout entrepreneurial. Comme lors de son démarrage à Los Angeles dans un exigu local ou malgré tout il a réussi à performer.
Pascal Rigo s’est rendu compte que même sur un tout petit espace en création, le boulanger peut produire et vendre en même temps avec des pics incroyables. L’été, il parvient à réaliser 4 500 euros de chiffre d’affaires quotidien. Il a démontré qu’il peut faire du vrai pain artisanal, fabriqué et cuit sur place, avec de petits investissements en proposant une alternative concrète et opérationnelle tout en accompagnant de jeunes boulangers passionnés.
Son idée : Créer un réseau unique de boulangeries indépendantes uniquement composé de créations, sans de rachat de fonds de commerce. En installant des jeunes boulangers passionnés en leur apportant notre savoir-faire de création d’entreprise. Tous les financements et toutes les recherches d’emplacements sont réalisés en interne.
Il cède 25 % du capital dès la première année aux boulangers qui ont la possibilité, au fur et à mesure du remboursement des emprunts bancaires, de monter au capital chaque année, jusqu’à posséder entre 70 et 80 % de la société. Le reste est conservé pour que la marque ne soit pas galvaudée ou vendue.
Le concept : Ouvrir des petites boulangeries dans des endroits assez atypiques. A l’intérieur d’un marché couvert en France (à Bacalan, du côté de Bordeaux) par exemple.
Leur différence, ils ne vont pas dans les galeries marchandes mais à l’intérieur des supermarchés et des hypers. Ils ont créé un système de fonds de commerce à l’intérieur du magasin, à la place du système de concession le tout en développant la valeur patrimoniale des boulangers.
Les boulangers disposent de la liberté de revendre leur fond, de l’améliorer ou de faire l’assortiment qu’ils désirent. C’est très important. Chacun est libre de s’approvisionner où il le souhaite, de changer les assortiments à condition que les produits restent abordables financièrement et qu’ils passent sous leur contrôle qualité pour maintenir une cohérence. L’autre impératif, c’est que les recettes doivent être partagées avec les autres boulangers.
Avec deux créneaux de croissance très différents : la super-proximité sur des lieux atypiques avec des micro-boulangeries d’un côté. De l’autre, avec la grande distribution, on veut remettre l’artisan là où on ne l’attendait plus. Petit à petit, on arrive à se faire entendre. L’idée est d’arriver très vite à toucher 8000, 15 000 voire 20 000 clients par jour pour mettre le visage de l’artisan au cœur du système. C’est un moyen de créer des vocations et d’échanger avec les boulangers qui transmettent leur passion.
Il fait de la proximité et redynamise les centres et les quartiers. Il a compris que pour avoir un impact quantitatif. Il se charge des tâches administratives, de l’URSSAF, des Assedic et apporte également toute l’approche marketing. Il donne accès à des méthodes de travail et de promotion qui sont adaptées aux attentes des clients. Avec de la communication ou créer des nouveaux produits.
Depuis 2016, La P’tite Boulangerie compte déjà huit points de vente en Gironde et à Paris. En 2018, l’enseigne comptera 11 points de vente. Il mise sur la qualité et le savoir-faire et reste très attentif sur la localisation de ses boulangeries et sur les personnes qui les ouvrent. L’objectif est d’en ouvrir une par semaine à partir de 2020.
En février 2021, il lance Big Ensemble qui est un groupement de plusieurs associations dont l’objectif est de faciliter aux jeunes la découverte et l’accès au monde professionnel, de promouvoir la santé et la protection de l’environnement.
En février 2022, Il crée Big Nature et s’engage à planter des arbres auprès de viticulteurs. Entre souci de l’environnement et de la vocation chez les générations futures, la structure ambitionne de planter 100.000 arbres d’ici à mars 2023.
Il s’est rendu compte que beaucoup de jeunes pousses meurent, quand l’opération n’est pas réalisée par un professionnel. Il s’appuie donc sur des experts de l’agroforesterie, pour assurer la bonne croissance il y a en France, 70.000 viticulteurs en activité. Si chacun plante 100 pousses, cela donne automatiquement 7 millions d’arbres.
Pour financer ce grand projet, Big Nature compte sur tout l’écosystème existant. Pouvoirs publics, associations, entreprises privées… La moitié du budget émane pour l’instant de financements privés mobilisés par l’association, et l’autre moitié provient des viticulteurs eux-mêmes.
En juin 2022, Il fait son entrée dans le capital de Paris FC (Ligue 2) accompagné de Sport Bridges Venture (SBV) est composé d’un consortium d’investisseurs français et américains (David Gandler, un Américain fondateur de la société fuboTV qui a racheté Molotov -plate-forme de streaming- et Mat Hong, un businessman américain) et de la légende brésilienne qui a fait les beaux jours du PSG : Rai.
C’est le Président John Fitzgerald Kennedy qui affirmait que les Etats Unis était une terre d’accueil pour toute personne talentueuse sur terre ayant une valeur à apporter aux pays. L’Amérique restant intrinsèquement une terre d’opportunités. C’est lié à son histoire puisque les nouveaux arrivants sur ces grandes terres avaient tout à construire. C’est ce qui explique surement leur dynamisme entrepreneurial. A force de concentrer les meilleurs du monde au même endroit on devient nécessairement une puissance.
Pascal Rigo personnalise le rêve américain et lorsqu’on l’interroge sur la recette de son succès, il répond : « Je n’en ai pas vraiment… D’abord c’est le côté artisanal de la pâtisserie, la viennoiserie, faites avec les mains. Et puis après, c’est d’essayer d’impliquer les employés au maximum, donner de vraies opportunités aux gens qui travaillent pour nous. Une fois qu’on a réuni tout ça et qu’on a réussi à les motiver, on a l’essentiel. »
Invité pour donner une conférence à l’université de Stanford, il répond à un étudiant qui lui demande ce qu’il faut faire pour être un bon entrepreneur. La solution est simple : passion et compassion : « Il faut être passionné par ce que l’on fait et comprendre ce dont les gens autour de vous ont besoin. Pour moi, c’est ça, la clef ».
On dit parfois qu’il faut être un peu fou pour devenir entrepreneur Il ne faut surtout pas croire dans les statistiques ou dans l’avis de ses proches. En réalité tout est une question d’opportunités. Il faut apprendre à les saisir et apprendre à les créer. Cela demande énormément de dextérité et c’est tout un « art » de savoir être simultanément agile, patient, déterminé et stratège.
Qui aurait misé sur cet apprenti boulanger en 1982 ? Qui aurait pu croire un jour qu’il pourrait s’installer aux Etats Unis ? Qui aurait pu croire qu’il deviendrait multimillionnaire en vendant son entreprise à Starbucks ?
Il faut être un peu fou, irrationnel et très courageux pour réussir. Son parcours, c’est l’histoire d’un homme ordinaire réussissant l’extraordinaire. C’est l’alchimie du banal qui devient exceptionnel. S’imposer au pays de l’oncle Sam n’est pas aisée. Il l’a fait avec brio et modestie. Il revient en plus en France pour partager sa formule et créer des opportunités pour d’autres. Ce qui constitue l’essence même de l’entreprenariat : créer des structures ou des talents pourront exprimer le maximum de leurs potentiels. C’est aussi une manière de donner, de multiplier. Une manière intelligente de croitre. Dans son cœur, dans son esprit. Mais vous le savez bien de toutes les manières : Chez les grands tout est grand.
MEJRI Bassem
Entrepreneur, Professeur en école de commerce et éditeur de Millionaire Next Door et Votre Argent ou Votre Vie