Toute sa vie, Paul-Loup Sulitzer, à sa manière, aura contribué à porter le message de l’enrichissement et de la réussite par le travail et l’investissement. Fils d’un industriel, cet écrivain attachant, même s’il fut aidé par d’autres, aura montré dans ses romans que le monde moderne recèle d’opportunités et d’occasions de monter dans la hiérarchie sociale. Présenté à 21 ans comme le PDG le plus jeune de France avec sa boîte de porte-clés, il ne faisait pas de politique, même s’il était de droite et résolument pour Chirac, qui ne lui rendit guère. Quand ce dernier fut élu président de la République, la première image qui marqua à la télévision fut celle d’un homme seul marchant sur le parvis de l’Hôtel de Ville de Paris.
Paul-Loup Sulitzer venait de sortir du bureau du maire de Paris, et le journaliste ne pouvait s’empêcher de prévoir un beau maroquin pour l’un des Français les plus lus dans le monde. Difficile, quand on a écrit Money ou Fortune, de se faire admettre dans la belle société. En France, on a le droit de s’enrichir, mais à condition de ne pas s’en vanter, de ne pas le montrer et surtout de ne pas faire de prosélytisme.
L’air de rien, notre raconteur d’histoires aura fait beaucoup pour l’émancipation des jeunes et des moins jeunes à l’esprit d’entreprendre. Pour le numéro trois d’Entreprendre en 1984, nous l’avions interviewé avec mon complice de l’époque, journaliste au Figaro, Bernard Amara. Il nous avait reçus avec bonhomie dans son petit bureau huppé près des Champs-Élysées. Sa grande fierté fut de nous montrer les cassettes vidéo des enregistrements de tous ses passages télé qu’il conservait précieusement. Quelques mois après, il me fit cette confidence :
« Robert, quand tu es venu m’interviewer pour le magazine Entreprendre, je n’étais guère rassuré. Car tu pouvais écrire ce que tu voulais et je ne connaissais personne dans ta rédaction. Alors que pour France-Soir, si l’entretien se passait mal avec le journaliste, je pouvais toujours appeler Philippe Bouvard… »
C’est ce qu’on appelle la liberté de la presse.
Ce que j’ai toujours apprécié chez Sulitzer, c’est son côté cash : défendre bec et ongles la réussite, la fortune, l’argent dans un pays qui n’a toujours pas compris que ce sont les riches dont on a le plus besoin. Voir les résultats industriels de notre voisin suisse.
Merci donc à Paul-Loup pour l’ensemble de son œuvre, même si je n’ignore pas qu’au moment de nous quitter, de nombreux médias continueront à le railler. Il n’est pas du bon camp. Et pourtant, il a défendu les riches sans l’être à la fin de sa vie. Il y a quelques années, on le voyait, pathétique, tenter de lancer sa propre marque de champagne pour pouvoir boucler ses fins de mois. Je lui avais confié une sorte de carnet mondain dans le magazine Journal de France. Une chronique qu’il avait prise très à cœur.
Robert Lafont
Editorialiste et fondateur d’Entreprendre