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Pauline Laigneau (Gemmyo) : « Il faut toujours viser la réussite, avoir de l’ambition et ne pas se restreindre à cause des risques »


Bardée de diplômes, Pauline Laigneau a pris un jour conscience d’avoir suivi un parcours qui n'était pas le sien. Elle décide donc de reprendre sa vie en main en lançant Gemmyo en 2011. Pétillante et aventurière dans l’âme, l'entrepreneure est en train de révolutionner le monde de la joaillerie.

Entreprendre - Pauline Laigneau (Gemmyo) : « Il faut toujours viser la réussite, avoir de l’ambition et ne pas se restreindre à cause des risques »

Bardée de diplômes, Pauline Laigneau a pris un jour conscience d’avoir suivi un parcours qui n’était pas le sien. Elle décide donc de reprendre sa vie en main en lançant Gemmyo en 2011. Pétillante et aventurière dans l’âme, l’entrepreneure est en train de révolutionner le monde de la joaillerie.

Quel est votre parcours ?

Mon parcours initial n’avait pas pour vocation de m’orienter naturellement vers l’entrepreneuriat. Mes études littéraires me prédestinaient à un métier  dans l’enseignement, le journalisme ou la recherche mais comme beaucoup de jeunes, je n’avais pas véritablement réfléchi à ce que je souhaitais faire plus tard.

J’adorais la littérature, j’aimais lire et étudier ces univers uniques dans chaque ouvrage découvert. Après deux années de classe préparatoire littéraire, j’ai eu la chance d’intégrer l’ENS en Lettres modernes. Je considère que c’est une chance car même si j’ai évidemment beaucoup travaillé, ce concours est tellement difficile et sélectif que la chance joue un rôle.   

Aimant relever des défis, je me suis focalisée sur le fait de réussir le concours. Je souhaitais me prouver à moi-même ainsi qu’à mon entourage que j’en étais capable. Lorsque j’ai intégré Normal Sup, je me suis pas rendu compte immédiatement que j’y étais rentrée pour de mauvaises raisons. C’était d’autant plus dommage que j’y ai rencontré des gens brillants mais cela ne me correspondait pas en termes de voie de sortie, il s’agissait pour moi d’une sorte de fuite en avant.

J’étais devenue en quelque sorte une bête à concours. J’ai apprécié cette période mais je sentais une épée Damoclès poindre au-dessus de ma tête concernant mon avenir. Je savais au fond de moi que je ne souhaitais ni enseigner ni faire de la recherche et j’ai commencé à le formaliser au terme de la seconde année. 

Après de brillantes études (ENS et HEC), vous avez traversé des périodes un peu complexes. Quels enseignements en avez-vous tiré ? 

Ce fut difficile pour moi d’assumer ce constat car tous mes camarades étaient en parfaite adéquation avec leur projet d’avenir mais cela a fini par sortir. J’étais un peu perdue et le système du concours m’a semblé présenter l’avantage d’offrir une voie toute tracée qu’il suffisait de suivre en franchissant successivement les étapes sans trop avoir à réfléchir. 

J’ai pris conscience qu’il me manquait une dimension opérationnelle à l’ENS. J’éprouvais une certaine frustration et je ressentais l’envie de voir les effets de mes actions et de produire des choses. Je prenais plaisir à produire dans le cadre des dissertations mais je souhaitais que cela soit utile et que des gens en tirent profit et je ne me voyais pas non plus enseigner. Evoluant déjà dans le secteur public et aimant les études, j’ai décidé de passer le concours de l’ENA car j’avais le sentiment que cela serait plus opérationnel.

J’ai préparé le concours en travaillant comme une forcenée car je ne connaissais rien à l’économie ni au droit. J’avais à l’esprit de me mettre sur un rail pour ne pas trop avoir à réfléchir. Après le concours, je n’aurais pas véritablement eu à choisir, on m’aurait affecté un poste et j’aurais suivi ce cheminement en me laissant porter. Mon échec à l’oral de l’ENA m’a conduit à m’interroger sur ce que je souhaitais faire de ma vie et ce que j’aimais vraiment.

Comment avez-vous réussi à vous réapproprier une vie que d’autres avaient imaginé pour vous selon vos propres termes ?

Je suis issue d’une famille d’entrepreneurs et mes parents n’ont pas fait beaucoup d’études. J’ai une profonde admiration pour mes parents et j’avais donc d’autant plus envie de les rendre fiers. C’est également une des raisons pour lesquelles je me suis lancée à corps perdu dans les études aussi prestigieuses qui finalement m’ont pris beaucoup de temps sans pour autant me faire avancer significativement en termes de carrière.

J’encourage vivement les jeunes à s’écouter et à s’interroger sur ce qu’ils souhaitent faire sans essayer de juste faire plaisir aux autres. C’est particulièrement vrai pour les jeunes femmes qui n’aiment pas le conflit et ne souhaitent pas faire de vagues, elles ne suivent pas leur parcours mais le parcours que l’on a imaginé et rêvé pour elles. 

Quelles sont vos passions ?

J’aime l’aventure, le risque, les surprises et j’adore produire. Je suis rentrée à HEC suite à mon échec au concours de l’ENA. J’avais pris conscience que je voulais créer, produire et vivre une aventure. L’entreprenariat m’est apparu comme le métier le plus proche de mes aspirations mais j’ignorais comment l’appréhender. Après mon échec à l’ENA et quelques mois de remise en question, j’ai accusé le coup très violemment en me rendant compte que depuis 10 ans je travaillais sur de choses qui ne me convenaient pas.

J’avais essayé de faire plaisir à mes parents mais non seulement je ne leur ai pas fait plaisir, mais en plus je ne m’étais pas épanouie et je m’étais fourvoyée. Cette période de remise en cause fut assez difficile mais j’ai eu cette lumière au bout du tunnel qui s’est allumée en prenant conscience que la création d’entreprise me plairait vraisemblablement. Ayant déjà fait beaucoup d’études, je me suis dit que quelques années de plus ne me feraient pas de mal !

J’ai donc passé le concours de HEC pour rentrer en 2ème année. J’ignorais ce qu’était un bilan et un compte de résultats… En rentrant à HEC, ce fut donc une succession d’ouvertures de portes et d’ouvertures d’esprit qui se sont présentées à moi. J’ai commencé à comprendre les journaux lorsque je les lisais.

J’ai eu le sentiment de vivre une période de grande ouverture  alors que jusqu’à présent, je m’étais embringuée dans une voie assez étroite. J’ai suivi ma dernière année à HEC entrepreneur, la majeure spécialisée dans l’entrepreneuriat. Ce fut une expérience encore plus formidable car cette majeure est particulièrement actionnable et met le pied à l’étrier sans prendre de risque avec des professeurs qui vous apprennent et vous évaluent.

Quelle est votre philosophie de vie ?

Je suis en quête d’aventure et de surprise. J’aime devoir innover et trouver des solutions à des problèmes que je ne n’avais pas même envisagés. L’ennui est un mal dans ce siècle dont on parle trop peu. Pour ma part, je préfère les ennuis à l’ennui. Après des années passées à être « castrée », j’ai eu envie d’ouvrir des portes et de faire mes propres choix. L’aventure est une thématique qui me parle beaucoup.

Quelles valeurs portez-vous ?

J’ai une vision assez méritocratique de la vie, il n’y a pas de secret : il faut travailler pour réussir. Lorsque je suis rentrée à Normal Sup, j’étais devant une feuille blanche avec des élèves dont les parents avaient également fait l’ENS mais d’autres dont le père était agriculteur. Je trouve cette vision de la vie et de l’effort assez belle, elle correspond assez bien à la vision que j’ai de l’entreprise.

A l’occasion d’un stage que j’ai réalisé dans le service public, je me suis heurtée à une vision de la vie où l’on suit des chemins qui sont déjà prédéfinis. Dans la vision méritocratique, on est maître de son propre destin et on se donne les clés pour réussir en travaillant. Je pense que lorsqu’on veut, on peut.  

Quel rêve souhaiteriez-vous voir se réaliser ?

Mon premier rêve était de créer une entreprise qui permette d’en vivre et d’en faire vivre aussi des personnes que j’aime et que j’admire, employés ou associés. Depuis un an, Gemmyo s’autofinance et autofinance la vie de 30 personnes. Je trouve également assez génial de tout fabriquer en France. Nous avons 5 ateliers partenaires implantés un peu partout en France, plus particulièrement dans des régions peu favorisées par l’emploi comme les Vosges ou la Drôme.

J’ai vu ces ateliers grandir avec nous, certains sont passés de 20 à 50-60 salariés. Nous avons largement contribué à leur développement et aujourd’hui, plus de 150 personnes travaillent dans ses ateliers, notamment pour le compte de Gemmyo. C’est assez formidable de se dire que nous contribuons à travers notre activité, notre passion et notre énergie à faire vivre des personnes et à redynamiser des lieux qui ne sont pas nécessairement très gâtés. En créant Gemmyo, je souhaitais matérialiser les effets de mes actions. Quoi de plus concert que d’arriver chaque matin au bureau en voyant 30 personnes qui travaillent et sont heureuses d’être là ?

Mon second rêve pour l’avenir correspond à mon côté « frenchy ». J’ai envie de montrer que la France est un beau pays et j’aimerais donc que Gemmyo devienne un succès à l’international. Cela m’a fait quelque chose lorsque nous avons eu une pleine page dans le Financial Times. Aujourd’hui, nous ne nous sommes pas lancés en dehors de l’Hexagone faute de moyens financiers et car nous estimions que c’était un peu tôt dans notre histoire.

Je rêve que Gemmyo devienne une marque de joaillerie référente dans un pays européen, au Japon ou aux États-Unis, peu m’importe. Nous avons réussi à construire une véritable notoriété en France et à développer notre chiffre d’affaires. Pourquoi ne pas penser que d’autres marchés seront aussi conquis ?

Quel type d’entrepreneur êtes-vous ?

Il existe différents types d’entrepreneurs : certains fonctionnement à l’instinct, sont créateurs, d’autres sont des plus des gestionnaires ou des développeurs. Je me situe plus tôt du côté de l’entrepreneur créateur – j’aime produire et créer même si la gestion est fondamentale. J’aime avoir des instincts, les tester, me planter dans bon nombre de cas et lorsque cela marche, développer réellement l’idée. Pour moi la clé est qu’il faut toujours viser la réussite, avoir de l’ambition et ne pas se restreindre à cause des risques… il faut simplement les border au maximum quelle que soit l’action prise. Etre courageux ne veut pas dire être inconscient !

Comment vivez-vous le fait d’être une femme dans le monde des affaires ? Existe-t-il un entrepreneuriat au féminin ?

J’ai créé la société Gemmyo avec mon mari et mon beau-frère à la sortie de l’école, je n’ai donc jamais travaillé dans un grand groupe où la moyenne d’âge est de 45 ans et où je suis la seule jeune femme. Je ne souhaite donc pas parler de ce que je ne connais pas.

Je suis toujours mal à l’aise avec le conflit qui peut exister entre les hommes et les femmes, et malheureusement les hommes ne sont pas les seuls fautifs. J’ai observé beaucoup d’agressivité de femmes envers des hommes, je trouve cela très dommage car cela nous polarise les uns contre les autres alors que j’ai envie d’encourager l’entraide.

Nous devons également nous aider entre femmes. J’appartiens au groupe d’entraide dédié aux femmes « 52 % » (en référence au pourcentage de femmes en France, NDLR), dont je suis la marraine. Les femmes s’échangent des conseils entre elles sur des choses assez concrètes… et les hommes sont les bienvenus !

Mon rôle de chef d’entreprise est de montrer de l’assurance en présence d’hommes d’âges plus murs. Il arrive parfois que certaines femmes s’auto-excluent car elles se sentent mal à l’aise et se mettent en retrait. J’aime créer une surprise agréable chez les personnes qui ne me connaissent pas : leur faire dépasser une première barrière mentale et démontrer que l’on est légitime.

Quelles sont les spécificités d’une aventure entrepreneuriale en famille ?

C’est arrivé un peu par hasard. Je n’avais pas prévu de travailler en famille mais il se trouve que les personnes avec qui j’ai eu l’idée étaient mon mari dans un premier temps et mon beau-frère dans un second temps.

En créant une société en famille, vous mettez nécessairement tous les œufs dans le même panier. Il est vrai qu’il existe de nombreux inconvénients sur le plan rationnel et que cela ne correspond pas à une bonne diversification des risques sur le plan financier.

Il existe cependant de nombreux avantages  car ce sont des personnes avec qui vous avez généralement un alignement dans la vision long terme. Je suis mariée avec mon associé, et belle-sœur du deuxième, les décisions sont donc prises de façon concertée à tous les niveaux. Il est extrêmement riche de travailler en famille sur le plan de la confiance. Nous avons une honnêteté les uns vis-à-vis des autres assez forte pour faire progresser l’entreprise.

Les clés du succès consistent à définir des règles claires, en ne faisant jamais de passe-droit sous prétexte que la personne est un membre de sa famille, il faut être encore plus exemplaire. Il est essentiel de réfléchir à quelques grands principes qui sont différents selon chacun qui posent les grandes règles de votre vie de couple et de votre vie d’entreprise.

À un certain moment, nous avions une fâcheuse tendance avec mon mari à ne parler que de travail à longueur de journée et de soirée. Nous avons estimé que c’était excessif car nous souhaitions avoir une vie en dehors du travail, nous avons donc établi une règle selon laquelle, nous faisions un dîner une fois par semaine où nous n’avions pas le droit de parler de travail. Il est essentiel de se fixer des règles et des barrières car en travaillant en famille, il existe inévitablement une porosité sur tous les sujets.

Quelle est votre philosophie de l’échec ?

Je pense qu’il existe un réel enjeu au niveau de l’éducation. La peur de l’échec en France résulte de toute une scolarité où vous êtes notés selon une logique très binaire. Lorsque l’on rate un examen dans les petites classes, on se contente de vous dire que nous n’êtes pas bon et qu’il faut travailler sans expliquer les enseignements que vous en tirez. C’est à mon sens très dommageable sur le plan psychologique car cela enferme dans un système où l’échec est stigmatisant et honteux.

Il est essentiel de réaliser que l’échec représente plusieurs choses. La réussite n’est qu’une succession d’échecs qui finissent au bout d’un moment par déboucher sur une réussite. Il n’est pas possible de toujours réussir, on fait une multitude de choses qui ne fonctionneront pas mais qui permettront de s’améliorer et de se corriger.

Si on prend la métaphore du sport, la philosophie de la France consiste à dire que l’on devient spontanément champion sans avoir appris la discipline et s’être entrainé. Cela ne se passe pas ainsi. L’échec est assez positif car il est porteur de sens, nous devons donc apprendre à ne pas le stigmatiser mais à en tirer des conclusions positives. A chaque échec ou difficulté, il impératif d’en tirer des conclusions. Le vrai et seul échec est de ne pas apprendre de ses erreurs !

Le plus difficile pour moi fut de comprendre que j’avais projeté un rêve qui n’était pas le mien, cela m’a permis d’avoir une sorte d’épiphanie. Les vrais échecs que l’on assume sont tellement durs qu’ils vous forcent à apprendre des choses sur vous-même ou sur ce que vous avez mal fait et vous permettent donc de progresser.

Il faudrait faire comprendre aux enfants dès la petite école que la mauvaise note n’est pas une sanction et leur expliquer comment en tirer des enseignements afin de s’améliorer, il faut leur faire prendre conscience que seule la progression est intéressante. Nous avons une vision très pessimiste en France et assez fataliste.

Je connais bien le fondateur du site Made.com. Quelques années avant de lancer ce site, il avait créé la société MYfab qui s’est plantée. Il a lancé Made.com immédiatement derrière en ne commettant pas les mêmes erreurs. C’est à présent un beau succès et personne ne pense plus au premier échec qu’il a essuyé. C’est finalement cet échec qui lui a permis de réussir ensuite. Nous devons désacraliser l’échec et faire valoir le droit à la seconde chance dans le regard des autres et le regard que nous portons sur nous-même, c’est fondamental.

Quel est la genèse du projet Gemmyo lancé en 2011 ?

En juin 2011, lorsque mon mari m’a demandé en mariage, nous avons fait le tour de nombreuses de bijouteries afin de trouver nos bagues de fiançailles et nous nous sommes interrogés sur l’expérience que nous trouvions parfois vieillotte et peu agréable. Il y avait des bijoux magnifiques mais qui ne nous correspondaient pas nécessairement. Nous avions été Place Vendôme pour rêver mais également chez des bijoutiers de quartier mais ce n’était pas à la hauteur de nos espérances.

Nous avons échangé avec nos amis sur le sujet et nous nous sommes rendu compte que cette déception était assez récurrente. Rien ne correspondait à notre vision de la joaillerie qui se voulait résolument plus moderne, plus complice, un peu ludique et joueuse, où le couple est au cœur de la réflexion. Nous avons alors réalisé qu’il existait un créneau et nous nous sommes lancés. Le premier site internet Gemmyo a vu le jour en l’espace de 3 mois, nous souhaitions nous tester et voir si nous étions capables de vendre des bijoux sur le Web.

Comment décrire Gemmyo à ses débuts ?

C’était moins une marque que la possibilité d’acheter sur Internet des bijoux uniques, de qualité, fabriqués en France, sur-mesure, personnalisable et avec un large choix de pierres. De fil en aiguille, nous nous sommes rendu compte que quelque chose de beaucoup plus fort était en train de se jouer, nos clients commençaient à adhérer véritablement à la marque.

Nous avions un profil de client qui revenait, des jeunes CSP+ trentenaires qui se sentaient plus à l’aise en matière d’état d’esprit avec Gemmyo, ce côté ludique leur correspondait et ils avaient perçu la possibilité de faire de ce moment unique un moment de plaisir. Nous avons donc décidé de repenser les choses et de créer une marque et non seulement une plateforme Web. Nous avons lancé notre campagne avec le célèbre chat rose en novembre 2014 – ce fut une explosion en matière de notoriété et de ventes.

Avez-vous immédiatement cru au succès du projet ?

Pour être franche, je n’étais pas certaine que cela fonctionnerait. Nous avons réussi à faire un pied de nez à la panthère de Cartier et à faire passer ce message de bienveillance, de complicité et de joie que nous souhaitions porter. Gemmyo est le contraire des marques de luxe traditionnelles qui essaient de créer de la distance pour susciter du rêve et du désir. Nous essayons de créer de la proximité et de la complicité, de comprendre nos clients, de leur apporter un service sur mesure à travers des conseils personnalisés. Ce chat était un excellent moyen de créer ce lien.

Quels ont été les moments charnières depuis la création de GEMMYO ?

Le premier moment fort de l’entreprise correspond au lancement du chat rose et à l’explosion de la marque. Le second moment clé est marqué par le passage du 100 % digital au retail. Nous avons mis 4-5 ans à le faire. Dans un premier temps, nous n’avons pas écouté nos clients qui nous le demandaient arguant que les bijoux sont beaucoup plus beaux en vrai et qu’il est difficile de se projeter. Mais au bout d’un moment, je me suis dit qu’il valait mieux vivre avec des remords que des regrets et que nous devions innover.

Nous étions sollicités quotidiennement afin d’ouvrir des boutiques physiques et nous avons donc décidé de nous tester. Nous avons beaucoup réfléchi à la manière de procéder. Plutôt que d’avoir une boutique classique, nous nous sommes orientés vers des showrooms digitaux dans lequel les clients venaient essayer des bijoux dans un esprit très détendu avec une bande son spotify, des Dragibus à disposition et des couleurs acidulées en toile de fond.

Nous proposions un univers très différent de ce qui est proposé dans la joaillerie traditionnelle avec des conseillères qui ne sont pas incentivées sur les ventes mais qui sont là pour vous et pour vous faire passer un agréable moment.

Comment avez-vous imaginé et structuré le passage d’un modèle 100% digital au retail ?

Peu importe qu’une personne passe commande sur notre site ou dans notre showroom, nous avons la possibilité de tracker chaque vente. Nous expliquons à nos vendeurs que le but n’est pas forcément que les personnes passent commande sur place. Cela ne nous pose aucun problème du moment que le client est pleinement satisfait et que cela correspond à son parcours. Nous nous inscrivons dans une vision assez moderne de la vente qui consiste à laisser plus de choix au client que ce que l’on fait traditionnellement. Il importe d’apprendre à personnaliser les parcours client.

Nous avons mis beaucoup de temps avant d’ouvrir ces boutiques, la première a vu le jour en juin 2015. Ce fut un succès phénoménal, nous avons enregistré une croissance avoisinant les 200 % sur ce mois-là, alors que nous étions plutôt sur des trend de 100 %. Nous avons agrandi la boutique en doublant sa superficie (de 45m2 à 100m2), puis nous avons ouvert une seconde boutique à Lyon en juin 2017.

Nous venons d’ouvrir au Printemps Haussmann à Paris afin de proposer quelque chose de différent et adresser une clientèle qui nous connait un peu moins. Nous ciblons des clients qui soit nous découvrent, soit nous connaissent de nom à travers nos publicités mais n’ont pas encore franchi le pas de se rendre en boutique. Pour l’heure, nous sommes plutôt satisfaits.

Ressentez-vous une certaine forme de routine ?

À ce stade, j’ai tellement de projets dans le cadre de Gemmyo, qu’il s’agisse de l’ouverture de nouvelles boutiques ou du développement à l’international, que je ne me lasse absolument pas. Je sens que j’ai de belles années devant moi avec Gemmyo mais cela ne m’empêche pas d’avoir des projets en parallèle sur le plan professionnel ou même semi-professionnel. J’ai lancé le podcast Crème de la Crème il y a peu qui n’est pas directement lié à Gemmyo et à la joaillerie, même si je reste sur la thématique de l’entrepreneuriat !

J’y invite des hommes et des femmes ayant connu le succès dans différents domaines afin de partager les clés de leur réussite. Je le produis moi-même le soir et week-end et je suis ravie car cela fonctionne très bien. Je suis convaincue que lorsque l’on aime créer, on ne se cantonne pas forcément à créer une seule entreprise mais ce n’est pas pour autant, loin s’en faut, que j’ai envie de laisser tomber Gemmyo.

Mes autres activités m’enrichissent et m’apportent des idées pour Gemmyo. Je rencontre des personnes passionnantes qui me parlent de leur parcours et j’en tire des enseignements – c’est un peu comme avoir du mentoring à distance. Cela me permet de me poser des questions pour Gemmyo et de m’en servir pour continuer à faire progresser l’entreprise. Cette ouverture d’esprit est clé car lorsque l’on est entrepreneur, on peut avoir tendance à s’enfermer sur son projet. À force d’être en vase clos, on tourne en rond et on ne produit plus rien de nouveau. Je sens bien que le podcast me donne encore plus d’énergie pour Gemmyo.

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