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Peut-on se passer de mines pour soutenir l’essor des véhicules électriques en Europe ?


L’Union Européenne s’est clairement engagée en faveur d’une économie verte avec l’interdiction de la commercialisation de véhicules à moteurs essence ou diesel après 2035 et la neutralité carbone en 2050. Ces décisions s’accompagnent de mesures fortes pour renforcer l’autonomie européenne dans les matériaux critiques, indispensables à la transition énergétique. Elles...

Entreprendre - Peut-on se passer de mines pour soutenir l’essor des véhicules électriques en Europe ?

L’Union Européenne s’est clairement engagée en faveur d’une économie verte avec l’interdiction de la commercialisation de véhicules à moteurs essence ou diesel après 2035 et la neutralité carbone en 2050. Ces décisions s’accompagnent de mesures fortes pour renforcer l’autonomie européenne dans les matériaux critiques, indispensables à la transition énergétique. Elles soulèvent aussi de nombreuses questions sur les conséquences de l’électrification du parc automobile mondial sur l’environnement, la gestion des ressources naturelles et les conditions d’exploitation des mines de lithium, pour citer un exemple. Alors qu’en penser ? Nous essayons d’apporter un éclairage dans cet article.

Devant la hausse de la demande de véhicules électriques, les regards se tournent maintenant vers la phase amont de la chaîne de valeur, c’est-à-dire l’industrie extractive, qui est logiquement amenée à se développer[1] pour permettre la hausse de la production des batteries de véhicules électriques. En mai 2021, l’IEA a publié un rapport expliquant que la demande en minéraux critiques pour les véhicules électriques sera multiplié par 30 en 2040[2]. Or la production de lithium, par exemple, est aujourd’hui largement dominée[3] par l’Australie, le Chili et la Chine, ce qui incite l’Union Européenne à favoriser l’émergence d’une filière européenne d’approvisionnement sûre et durable afin de réduire sa dépendance stratégique à ces pays producteurs.  

En Europe comme ailleurs, cette tendance majeure en fait un sujet politique et se traduit par l’étroite attention que l’Union Européenne porte aux métaux rares, comme l’illustre le Critical Material Act dévoilé le 16 mars 2023. Ursula Von Leyen (présidente de la Commission européenne) a expliqué[4] que « cette législation nous rapprochera de nos ambitions en matière climatique. Elle améliorera significativement le raffinage, la transformation et le recyclage des matières premières ici en Europe. Les matières premières sont indispensables à la fabrication de technologies clés pour notre double transition, telles que la production d’énergie éolienne, le stockage de l’hydrogène ou les batteries ».

A cet égard, des critiques s’élèvent (notamment sur les réseaux sociaux) au sujet de la pollution causée par les mines et de l’impact de l’extraction du lithium sur la ressource en eau[5]. Il faut garder en tête que les gisements de métaux critiques existent sous différentes formes et que les techniques d’extractions utilisées peuvent varier d’un site à l’autre. La confusion du public autour de certaines spécificités de l’extraction du lithium s’explique par la relative nouveauté du sujet dans l’espace public.[6]

Si les interrogations du public au sujet des mines de minéraux et métaux critiques sont légitimes, il convient de rappeler que les projets extractifs dans l’hexagone présentent des caractéristiques qui diffèrent de beaucoup d’autres exploitations opérées sur la planète (notamment en Amérique latine). L’extraction du lithium dans les salars d’Uyuni et d’Atacama (immenses déserts de sel situés en Bolivie et au Chili) est particulièrement gourmande en eau. La méthode utilisée pour extraire le lithium dans les salars consiste en effet à faire s’évaporer l’eau avec laquelle les sels de lithium sont mêlés. La méthode utilisée par les entreprises qui opèrent des mines de lithium en Europe est différente (dans la mesure où il s’agit de roches dures) et beaucoup moins consommatrice d’eau (entre 5 et 15 fois moins).

Par ailleurs, il n’est pas inutile de rappeler que les besoins en eau de l’industrie extractive sont en général bien inférieurs à ceux de l’agriculture ou des particuliers, et comparables à beaucoup d’autres industries de transformation. Par exemple, en France, au niveau national, l’agriculture est la première activité consommatrice d’eau avec 57 % du total, devant l’eau potable (26 %), le refroidissement des centrales électriques (12 %), et les usages industriels (5 %).[7]

La France, qui s’est récemment dotée d’un tout nouveau code minier, dispose également de normes techniques et environnementales particulièrement exigeantes, ce qui n’est pas forcément le cas partout ailleurs. Le projet d’exploitation de lithium[8] lancé par la société Imerys dans l’Allier répondra ainsi aux standards IRMA 1 (Initiative for Responsible Mining Assurance, une référence de l’exploitation minière responsable) qui nécessite la certification d’un tiers indépendant et un engagement poussé auprès des parties prenantes. L’entreprise a en outre opté pour une mine  souterraine afin de limiter au maximum les impacts environnementaux et met en avant des solutions techniques (transport hydraulique et par rail pour éviter le transport par camion, et utilisation de l’eau en circuit fermé pour limiter les prélèvements sur le milieu naturel) permettant de réduire significativement son empreinte environnementale. L’empreinte carbone du projet sera donc plus réduite que les opérations existantes d’extraction de roches lithinifères connues. D’une manière générale, les opérateurs miniers ont désormais intériorisé la nécessité de respecter au maximum l’environnement et d’agir concrètement en ce sens.

Etant donné la course à l’électrification actée à l’échelle du continent, l’enjeu autour de l’industrie extractive en Europe est immense : l’UE peut-elle se permettre de rester dépendante des approvisionnements étrangers (australiens et chinois notamment) en métaux rares ?


[1] https://reporterre.net/Batteries-la-ruee-vers-le-lithium-a-commence-23992      

[2] https://www.iea.org/reports/the-role-of-critical-minerals-in-clean-energy-transitions/executive-summary

[3] https://www.weforum.org/agenda/2023/01/chart-countries-produce-lithium-world/#:~:text=The%20three%20largest%20producers%20of,3%20million%20tonnes%20by%202030.

[4] https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_23_1661 

[5] https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/lithium-une-extraction-nefaste-pour-l-environnement-gourmande-en-energie-et-en-eau-938067.html#:~:text=Car%20le%20lithium%2C%20m%C3%A9tal%20alcalin,’eau%20et%20de%20sels).          

[6] https://www.latribune.fr/opinions/blogs/commodities-influence/les-dirty-little-secrets-de-l-infox-sur-la-voiture-electrique-863757.html 

[7] https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/leau-en-france-ressource-et-utilisation-synthese-des-connaissances-en-2021#:~:text=L’agriculture%20est%20la%20premi%C3%A8re,les%20usages%20industriels%20(5%20%25)

[8] https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/allier/lithium-l-un-des-plus-gros-gisements-d-europe-bientot-exploite-en-auvergne-2641592.html  

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