Le fondateur du Puy du Fou, cofondateur du Vendée Globe et écrivain à succès n’a jamais pratiqué la langue de bois, même quand il était ministre. Rencontre sans fards avec Philippe de Villiers.
Que répondez-vous à ceux qui voient dans votre dernier livre l’apologie de thèses complotistes ?
Philippe de Villiers : Le complotisme est, le plus souvent, le fait de ceux qui imaginent des choses parce qu’ils ne savent pas. Ils sont dans l’ignorance, alors ils échafaudent. Ce n’est pas mon cas. Moi, je sais. Et donc je ne suis pas complotiste. Le discours complotiste prospère sur la fuite du réel – il s’auto-nourrit – mais il s’alimente aussi des billevesées du « mentir-vrai » des cercles officiels qui entretiennent avec la vérité une relation intermittente et trouble. Ce qui m’a mis en alerte, c’est une séquence filmée sur le web. Cette séquence m’a convaincu : ce que nous avons vécu a déjà été joué.
Quel est ce fait réel dont vous parlez ?
P.d.V. : C’était le 18 octobre 2019, à New-York, plusieurs mois avant l’arrivée du Covid. Il y eut un exercice de simulation d’une pandémie de coronavirus, au cours duquel un conseil de gestion de crise improvisé réunit des représentants de puissances privées – comme Johnson & Johnson, à l’initiative du Forum économique mondial de Davos et la Fondation Bill Gates. Ils apportèrent leur expertise à partir d’un foyer initial qui était un élevage de porcs au Brésil. J’en ai conclu qu’il y avait donc des gens qui savaient que le monde sans cloisons était dangereux, à cause de la circulation des milliards de bactéries.
Puis j’ai découvert un livre, paru le 2 juin, un manifeste du Forum de Davos qui s’appelle : « Covid 19 : la grande réinitialisation » et dans lequel l’auteur et président de la plateforme culminante du « Village Global » affirme : « La pandémie nous donne cette chance : elle représente une fenêtre d’opportunité rare mais étroite pour réfléchir, réimaginer et réinitialiser notre monde ». Et ainsi tout remettre sur la touche zéro. La réinitialisation, c’est la digitalisation du monde et l’intrusion dans le for intime pour aller vers le contrôle total.
Quelles conclusions en tirez-vous ?
P.d.V. : La leçon de cet enchaînement est la suivante : les grands acteurs de la mondialisation voulaient, en 1994, lors de la création de l’OMC – l’Organisation commerciale du monde – un monde sans frontières. Les uns, par intérêt, pour favoriser l’éclosion d’un marché planétaire de masse ; les autres, par idéologie, au nom de la fraternité cosmique, pour remplacer les murs par des ponts. Ils connaissaient le risque inhérent à ce monde sans cloisons ni protections : un monde hautement pathogène. Ils le savaient, ils s’y préparaient. Je ne dis pas qu’ils ont inventé le virus. Mais ils attendaient la pandémie et la voyaient venir. Ils l’attendaient comme une aubaine, « une fenêtre d’opportunité ».
Pour tout changer : changer la société, changer de société. J’ai découvert également qu’il y avait un lien, idéologique et militant, entre le Great Reset et la Cancel Culture ; ce sont deux assauts éradicateurs de l’ancien monde. Ils entendent annuler, proscrire, « déplateformer » les anciens équilibres, ce qu’ils appellent « l’ancienne économie ». Ils veulent faire la place à « l’inclusion », « l’équité », c’est-à-dire les minorités et le climat ; leur feuille de route est d’ouvrir le paradis diversitaire.
Vous n’êtes pas tendre avec Emmanuel Macron à qui vous reprochez notamment son amateurisme et, plus grave, de pousser la France à la guerre civile…
P.d.V. : Face au Covid, la macronie a commis trois fautes : le confinement de masse, qui est mortifère, la translation du Pouvoir vers le Biopouvoir, c’est la fin du Politique. Et enfin la distinction entre les essentiels et les non-essentiels. Au nom du Tout-Sanitaire, on sacrifie la jeunesse, l’avenir, les actifs. Au nom du Tout-Numérique, on sacrifie la société de voisinage. Au nom du Transhumanisme, on dénature l’espèce humaine. Emmanuel Macron regarde notre pays comme un espace expérimental, il ne croit pas à « l’assimilation » des étrangers, à la francisation. Il laisse la France s’abîmer dans la repentance et l’expiation d’un passé glorieux qu’il appelle à « déconstruire », il laisse s’effondrer les murs porteurs.
Que pensez-vous des deux tribunes publiées par d’anciens généraux et divers militaires « pour la survie de notre pays » ?
P.d.V. : Tout commence par le choix des mots. Il faut « voir ce que l’on voit » comme disait Péguy. Et que voit-on ? On voit que les mots de la grande Soumission cherchent à nous endormir, à nous rassurer : « incivilités », « violences », « zones sensibles », « bandes de jeunes », « délinquance de rue ». Non, les vrais mots sont : « guérilla » et « djihad » Le grand écrivain algérien, Boualem Sansal, nous avait prévenus et nous y voilà : il y aura, avait-il prévenu, des égorgements, des décapitations et puis les caillassages et puis le Djihad. L’ennemi ne cherche pas à se séparer de nous. Il veut nous conquérir. Déjà se répand le sentiment d’être étranger chez soi.
Les deux tribunes tirent la sonnette d’alarme. Au lieu de regarder le feu qui brûle, nos élites vitupèrent contre les sonneurs de tocsin. On les appelle des « factieux ». Mon père, la main sur sa « Croix du combattant de la Résistance », me disait souvent : « N’oublie jamais que, au début de la Guerre de 40, les collabos appelaient les premiers résistants des « factieux ». Je suis fier d’avoir signé la tribune ouverte au public. Les sondages ont d’ailleurs montré que les Français sont à l’unisson.
Faut-il un « moratoire » de 3 à 5 ans sur l’immigration en Europe, comme le suggère Michel Barnier ?
P.d.V. : Quel chemin de Damas ! L’homme de Schengen, l’homme de l’Europe sans frontières, l’homme qui a provoqué le Brexit et morigéné Orban et sa clôture salvatrice face à l’invasion est devenu, en un clin d’œil, face aux électeurs, pour aller chercher un picotin de popularité, l’homme du rempart. Ce n’est pas un moratoire qu’il nous faut, c’est un arrêt définitif de la « migration-colonisation ».
La France doit-elle quitter l’Europe ?
P.d.V. : Oui. Cette Europe-là. Qui n’est pas l’Europe, la vraie, la grande, l’Europe de l’Atlantique à l’Oural. Je préconise un Bruxellit, il faut sortir Bruxelles et ses commissaires de la véritable Europe. Il faut dénoncer les traités et ouvrir la voie à la grande Confédération européenne des nations.
Que répondez-vous à celles et ceux qui souhaitent votre candidature à la présidentielle de 2022 ?
P.d.V. : Si ma circonscription électorale devenait majoritaire, j’y réfléchirais. Mais ce n’est pas encore le cas. Il y a déjà trop de monde dans le bourg, il y a trop de bateleurs. C’est la foire aux balivernes. On cache aux Français le drame à venir : la France peut disparaître. Il faut la décoloniser, la refranciser, fabriquer à nouveau des Français de désir.
Qui est d’après vous le meilleur candidat pour redresser et relancer la France ?
P.d.V. : L’enjeu de la présidentielle, c’est la mise en œuvre d’une politique de civilisation. Imposer, en France, notre histoire, notre art de vivre, notre langue. Et imposer la remigration à ceux qui ne veulent pas vivre avec nous et à la française.
À quelles conditions pourriez-vous voter pour Marine Le Pen ? Un candidat hors-système peut-il ?
P.d.V. : Tant que le pays reste congelé, la seule question qui tienne est celle de l’enjeu. Celle du choix viendra quand les masques seront tombés, que les Français auront retrouvé la liberté, la parole, le sourire, et qu’ils pourront montrer les mâchoires serrées du ressentiment et de l’amertume aux bonimenteurs et aux premiers violons du Titanic.
Êtes-vous pour le Référendum d’initiative populaire et pourquoi ?
P.d.V. : Je suis pour le référendum sur les questions de souveraineté et d’identité. Mais je me méfie du référendum pétitionnaire, réclamé par les antispécistes, les néoféministes, les décolonialistes et les indigénistes. Car, le jour où ils seront plus nombreux, « l’initiative populaire » desservira et détruira l’identité, l’autorité, la sécurité et ce qui reste de la famille et de la société de voisinage.
Écoute-t-on suffisamment les entrepreneurs dans notre pays ?
P.d.V. : Hélas, non. L’entrepreneur français, c’est Gulliver empêtré. On ne peut plus se mouvoir, on ne peut plus créer. Big Brother nous administre et nous interdit toutes les libertés d’agir, d’aller et venir, de travailler et bien sûr et d’abord la liberté d’entreprendre. Les trois mantras du macronisme sont la mondialisation heureuse qui tue notre industrie, la souveraineté européenne qui laisse partir nos fleurons et nous soumet à la suzeraineté numérique des Gafas, et enfin la « start-up nation » financiarisée, diversitaire, globaliste et digitalisée, qui est aujourd’hui sous perfusion.
Quelles sont les mesures économiques prioritaires que vous appelez de tous vos vœux : l’abaissement des charges sur la production, des aides à la réindustrialisation et à la relocalisation, la baisse des droits de succession…
P.d.V. : Tout cela à la fois… Quand Giscard est arrivé, les prélèvements obligatoires étaient de 40%. Quand il est parti, ils étaient de 44%. Aujourd’hui, nous atteignons des sommets. L’ancienne Albanie en avait rêvé, Macron l’a fait. Il faut rétablir la liberté de transmission, pour la survie de nos PME, il faut une douane protectrice pour la relocalisation de nos industries, il faut remettre la puissance publique sur la voie du régalien. Et enseigner aux enfants que les deux richesses d’un pays de haute vitalité, ce sont les créateurs de valeurs et les créateurs de valeur ajoutée.
Quelle est la solution pour replacer la France dans le TOP 5 mondial ?
P.d.V. : Il faut refaire du peuple français un peuple fier et créateur – je parle d’expérience avec le Vendée-Globe -. Pour qu’un peuple se tourne vers la création, il faut d’abord qu’il fasse le plein de ses fidélités… On crée ce dont on rêve. On rêve de ce qu’on aime. Une nation est un lien amoureux. Il faut refaire un peuple amoureux. Les enfants de France redeviendront créatifs s’ils redeviennent des Français de désir. Donnez-leur quelque chose à aimer, et vous verrez qu’ils créeront. Donnez-leur à aimer la France…
Propos recueillis par Valérie Loctin