Quelles raisons vous ont conduit à créer Valtus en 2001 ?
Philippe Soullier : J’ai été salarié pendant quinze ans dans les directions financières de grands groupes étrangers, dans le cadre de réorganisations, restructurations. J’étais admiratif de l’expertise professionnelle de cadres dirigeants disponibles, il était impossible et surprenant que l’on n’utilise pas leurs compétences dans le cadre de missions. En 2001, l’époque était à la guerre en Irak, à la récession économique, l’opportunité s’est présentée, j’ai décidé de créer Valtus et commencé à téléphoner tous azimuts afin de rencontrer des dirigeants d’entreprise pour tester le concept. Les bases étaient posées.
Qu’est-ce que le management de transition ?
Notre mission est de donner de l’agilité aux ETI et groupes, les aider à se transformer pour rester au sommet dans l’hybridation des compétences. Ces entreprises disposent d’un socle de talents internes, nous sommes là pour proposer des talents externes permettant de passer certains caps, de suppléer ou remplacer en fonction des cas. Le métier de management de transition a démarré avec la restructuration, il s’agissait surtout de fonctions DRH ou de dirigeants de crise dans des entreprises qui devaient se redresser. Cela n’est plus qu’une partie très réduite du métier.
La politique du « quoi qu’il en coûte » a aussi contribué à la réduire. À présent, le manager de transition est sollicité pour les secteurs du digital, de l’international, d’une post-intégration… Il est à chaque fois nécessaire de trouver des managers de haute volée pour remplir ces missions. Les managers auxquels nous recourons sont, en seconde partie de carrière, des 45+, qui veulent donner du sens à leur parcours, ressentir la satisfaction liée à l’atteinte des objectifs. Nous donnons de la valeur aux « cheveux blancs » en trouvant rapidement le niveau juste de talents au bon moment.
Statistiquement, une mission sur deux est effectuée dans l’industrie, viennent ensuite les services, puis la distribution. En termes de fonctions, le tandem de direction PDG-Direction Financière représente 50% des missions, on retrouve ensuite les fonctions ressources humaines, industriel, logistique, etc. Les cas sont toujours différents, il peut s’agir d’aider un dirigeant dont les compétences ne sont pas adaptées à une tâche, implanter une nouvelle filiale à l’étranger ou réunir les forces et structures dans le cadre d’une fusion. La moyenne de durée des missions est de 9 mois.
Le recours au management de transition n’est-il pas un aveu d’échec pour l’organisation en interne ? Correspond-il à un problème de recrutement ?
Le monde du travail se transforme sous l’influence de plusieurs tendances lourdes, comme le « travailler différemment », la volonté de trouver du plaisir et du sens à sa fonction ou mission. Par ailleurs, la volatilité du monde économique fait que l’entreprise ne peut plus anticiper avec exactitude quel sera son chiffre d’affaires dans trois ans. Le monde technologique actuel est synonyme de complexité, de rapidité, ce qui exige des qualités d’agilité et de flexibilité.
Recourir à un manager de transition n’est donc pas d’un aveu d’échec, car le recours à des ressources externes s’avère souvent être la meilleure solution. Je pense qu’il s’agit plutôt d’un aveu d’humilité face à un avenir qui demande une adaptabilité permanente. Nous répondons à des situations d’urgence exceptionnelles, or les ressources internes ne sont pas inépuisables. Si l’on parle recrutement, il est clair que la solution du management de transition est extrêmement réactive. Passer par un chasseur de tête peut apporter la bonne ressource en six, neuf mois.
Alors qu’en une semaine ou deux, un manager de transition est en place. Ceci est d’autant plus vrai dans certains bassins d’emploi considérés comme peu attirants, à tort ou à raison. Y envoyer un manager de transition est facile, car il n’engage pas tout son processus de vie. Le télétravail partiel est aussi possible sur certaines fonctions.
Valtus est également confronté à ces difficultés de recrutement ?
Les managers de transition sont difficiles à recruter, nous disposons de pôles talents dans différents pays. Il nous faut aussi mieux promouvoir notre métier, l’expliquer aux dirigeants dont on sait que les carrières sont plus heurtées que par le passé. Les nombreux statuts juridiques existants facilitent aussi ces transitions, consulting, portage salarial, coaching…
Quel est le profil de vos clients et de vos concurrents ?
Nos clients sont en majorité des ETI de 50 millions à 2 milliards d’euros de chiffres d’affaires. Elles veulent accélérer, répondre à une situation urgente, ont besoin d’un manager d’un très haut niveau de compétences suite à un rachat, etc. Les concurrents sont nombreux, mais d’une taille plutôt modeste. On pense souvent aux Américains, mais le management de transition se distingue par le fait qu’il est né en Europe, en Hollande, puis en Angleterre et en France, contrairement aux métiers de chasseurs de tête, d’outplacement, d’avocats, d’experts-comptables, etc, qui sont tous nés aux Etats-Unis.
Quels sont vos projets ?
Nous continuons de grandir, avec la ferme intention de devenir leader mondial. Le monde actuel, volatil et incertain, est pour nous une opportunité.
Et la Fondation Valtus ?
J’ai été choqué il y a sept ans d’apprendre que le taux de chômage des diplômés en France avoisinait les 25%. Que pouvions-nous faire ? Valtus a une expertise sur la seconde partie de carrière. Nous avons aussi choisi de créer la fondation en employant une coach professionnelle qui y travaille pour donner un coup de pouce à 100 jeunes diplômés par an, avec 85% de succès. Ces jeunes manquent de réseau, s’épuisent à envoyer des CV, souvent sans réponse, leur confiance s’amenuise.
Nous proposons un programme in situ de plusieurs semaines, mais en deux jours, ils ont compris qu’ils n’étaient plus seuls. Il y a des promotions de 7 à 8 diplômés tout au long de l’année, de tous horizons et de tous métiers. Ils viennent chez nous principalement sur recommandation des Conseillers Jeunes de Pôle Emploi. La Fondation Valtus ne va pas résoudre le chômage. En revanche, nous créons un écosystème positif avec un système de parrainage de la part des managers de transition, des collaborateurs de l’entreprise, et même de clients.
Propos recueillis par Anne Florin