Arrêtons de nous voiler la face. Les ETI (Entreprises de Taille Intermédiaire) sont les fers de lance d’une économie compétitive.
D’abord, parce que ces entreprises de taille intermédiaire (de 250 à 4 999 salariés) s’appuient sur des produits et des savoir-faire particuliers, voire exclusifs ; ensuite, parce qu’elles sont enracinées en régions ; enfin, parce qu’au plan capitalistique, elles sont souvent indépendantes et détenues par des groupes familiaux (avec ou sans fonds de private equity à leurs côtés). Elles ont tout pour plaire, d’autant plus que ce sont précisément elles qui créent le plus d’emplois, qui exportent et qui délocalisent le moins. Attachées à leurs territoires, ces ETI ne délocalisent qu’après avoir exploré toutes les autres solutions pour produire en France. On le voit tous les jours.
Rappelons qu’en 1981, il y avait autant d’ETI en France qu’en Allemagne. Quarante ans après, il y en a trois fois moins en France, et deux fois moins qu’en Italie, pays du capitalisme familial par excellence. Que s’est-il passé ? Tout d’abord, le matraquage fiscal ininterrompu depuis quarante ans sur notre tissu industriel a fini par créer des dégâts sans pareil. Une étude du METI fait ressortir un différentiel de 100 milliards d’euros supplémentaires payés au total (après déduction des aides) par les entreprises tricolores par rapport à leurs consœurs d’outre-Rhin. L’écart est considérable. Ne sous-estimons pas non plus l’impact direct de la fiscalité sur la transmission des entreprises. Malgré les dispositions du pacte Dutreil, nous restons en effet un pays où la transmission d’une affaire à ses enfants reste fiscalement deux fois plus coûteuse en moyenne que dans les autres pays d’Europe. Cela est d’autant plus accentué lorsque certains enfants ne restent pas opérationnels dans l’entreprise. Rappelons qu’en Allemagne ou en Italie, il n’y a quasiment plus de droits sur les successions des entreprises familiales. Cela joue à bas bruit, mais sur une longue période, cela produit des effets importants quand beaucoup de dirigeants cèdent leur ETI non pas à leur famille, mais à des grands groupes internationaux. Accédant aux savoir-faire et aux clients, ceux-ci ont beau jeu ensuite de délocaliser à leur guise ou d’absorber dans leurs structures les affaires ainsi reprises.
Il est donc absolument vital de ne pas toucher au pacte Dutreil, et même de viser à le renforcer. Un dispositif qui ne coûte pas cher et qui rapporte beaucoup.
Notre pays, qui compte actuellement 6 250 ETI, doit tout faire pour amplifier le mouvement et atteindre le cap des 10 000 entreprises moyennes d’ici trois ans. C’est la meilleure manière de contribuer à la réindustrialisation de nos régions. Il est heureux de voir que c’est l’objectif que s’est assigné Bpifrance avec son dispositif d’accompagnement ETincelles, lancé en 2023 et qui touche déjà 160 entreprises.
Comme le dit l’économiste Nicolas Baverez, le Sursaut (titre de son dernier livre) est encore possible, mais c’est maintenant qu’il faut l’engager. Et de rappeler, pour ceux qui n’en sont pas encore convaincus, que : « notre pays enchaîne 50 années de déficits et voit sa dette s’envoler de 20 à 110 % du PIB depuis 1980 ! »
Ne touchez pas à nos ETI : mieux, libérez-les !