Pourtant, malgré des cotisations très supérieures, selon l’OCDE[1] le taux de remplacement des pensions est en France proche de la moyenne OCDE. Les pays qui ont anticipé les difficultés du système de répartition et qui ont adopté en partie plus ou moins significative un système de capitalisation demandent aux salariés des cotisations moindres et leur offrent des pensions supérieures, par exemple aux Pays-Bas où le taux de remplacement est de 96,9% ou au Danemark où il est de 123%. Les pays qui pratiquent la capitalisation sont d’autant plus dynamiques que l’argent collecté à ce titre par les fonds de pension sert en partie à financer leur économie.
Le passage de la répartition à la capitalisation n’est pas facile, mais il est possible progressivement. En effet, les retraites par capitalisation permettraient un rendement très supérieur. Selon une étude de l’Institut de l’Epargne Immobilière et Foncière, IEIF, édition 2024 « 40 ans de performances comparées », le taux de rendement annualisé sur les quarante dernières années a été de 12,4% pour les actions, de 9% pour les sociétés foncières et de 8% pour les OPCI avec une inflation moyenne de 2%.
En retenant, par prudence, un taux de rendement annuel limité à 8% sur 80 % seulement des fonds capitalisés et 2% sur les 20% restants, le taux de rendement moyen serait, dans la durée, de 6,8%. Après inflation de 2% et des frais de gestion de 1,6% par an, un rendement net, après inflation, de 3,2 % devrait pourvoir être obtenu. Ce taux paraît prudent eu égard au rendement technique obtenu par la caisse de retraites par capitalisation des fonctionnaires, la RAFP, qui était de 3,74% et qui a augmenté à 3,81% en 2023.
Imaginons donc un salarié commençant à travailler à 21 ans avec un salaire de 2 500€/mois qui va augmenter linéairement jusqu’à 4 000€/mois lorsqu’il aura 65 ans et qu’il prendra sa retraite. S’il place 20% chaque année de son salaire sur un compte retraite capitalisé à 3,2% par an en moyenne, il disposera à 65 ans d’un capital (en euros constants) de 686 400€. Ce capital placé à 3,2% pendant la durée moyenne de sa retraite, soit 22 ans, produirait une annuité constante de 45 840 € soit une mensualité de 3 820€, donc une pension mensuelle possible pour le retraité susvisé de 3 820€ correspondant à 95,5% de son dernier salaire après avoir cotisé 20% sur ses salaires au lieu des 28% qui sont prélevés en France sur les salaires bruts au titre d’une retraite par répartition qui ne délivre qu’une retraite égale au plus à 75% du dernier salaire.
Il serait donc possible de prévoir que les cotisations seraient réduites immédiatement de 28 à 24% (avec une marge de 4% par rapport aux 20% indiqués dans le calcul ci-dessus) et que chaque année les cotisants placeraient un quarantième supplémentaire de leurs cotisations dans des fonds de capitalisation de façon que le système de répartition s’arrête progressivement et que la capitalisation le remplace tout aussi progressivement et complétement après 40 ans.
Ainsi et d’ores et déjà chaque salarié gagnerait un pouvoir d’achat de 4% de son salaire correspondant à la baisse de cotisation. Les régimes de solidarité, financés par la CSG dont c’est l’objet, pourraient continuer à fonctionner au profit des retraités n’ayant pas pu cotiser normalement pour des raisons indépendantes de leur volonté.
Cette solution permettrait de réduire progressivement les contributions publiques aux régimes de répartition qui ont représenté 121 Md€ en 2022, les recettes des cotisations ayant été de 240 Md€ pour des dépenses des régimes de retraite de 361 Md€ (chiffres du COR). Ces 121 Md€ ont été financés par 51 Md€ de taxes ou prélèvements affectés et le solde, 70 Md€, par prélèvement sur les comptes publics, contribuant autant au déficit public. Cette réforme serait donc un moyen exceptionnel d’assainir les finances publiques.
Mais pourquoi, direz-vous, n’a-t-on pas déjà engagé cette réforme depuis longtemps. Parce que la France croit à la répartition comme à un dogme papal alors que c’est un système qui nous conduit droit dans le mur eu égard à la descente aux enfers de la démographie. Il faut donc faire évoluer les mentalités pour y parvenir. C’est l’objet de la petite démonstration ci-dessus.
Jean-Philippe Delsol
Avocat fiscaliste, président de l’Institut de Recherches Economiques et Fiscale, IREF
[1] Panorama des pensions 2021 de l’OCDE. Comment la France se situe-t-elle ?
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