Tous n’en mourront pas mais tous seront touchés. À l’image des taxis, tous les secteurs économiques peuvent être confrontés à l’émergence de concurrents venus du Net et qui imposent de nouvelles règles du jeu.
Travis Kalanick, P-DG d’Uber, dont la valorisation atteint 50 Mds$ (44,2 Mds€), est convaincu que le transport de personnes et de marchandises par les voitures de particuliers va devenir aussi fiable et évident que l’eau qui sort du robinet. «Pour nous, toutes les voitures sont des voitures Uber. Imaginez combien il serait plus facile de vivre dans des villes où ce serait le cas», ne craint pas d’affirmer le nouveau ténor des start-upers.
Et cette nouvelle approche du business touche tous les secteurs de l’économie, à tel point que Maurice Lévy, patron de Publicis, a récemment déclaré : «Tout le monde commence à craindre de se faire uberiser. C’est l’idée qu’on se réveille soudainement en découvrant que son activité historique a disparu…». Encore faut-il savoir de quoi on parle ?
L’uberisation, c’est quoi ?
Pour le consultant spécialiste de l’innovation numérique Olivier Ezratty : «En à peine deux décennies, le numérique a transformé tout un tas d’industries, parfois violemment. La plupart de ces migrations de valeur sont liées à des mécanismes d’intermédiation et à Internet, à l’image de ce qu’a réalisé Uber face aux taxis. On utilise maintenant le barbarisme de l’“Uberisation” pour décrire la mise en œuvre de ce mécanisme par un acteur transnational qui devient rapidement dominant sur son marché et a été généralement copieusement financé par le capital-risque».
Ce changement de modèle va-t-il entraîner la disparition des acteurs installés ? C’est en tout cas l’opinion du CEO de Cisco, le géant mondial des infrastructures réseau (10,5 Mds€ de CA), John Chambers, persuadé que deux tiers des grandes entreprises vont disparaître d’ici 20 ans.
Pour Olivier Ezratty : «Il est maintenant de bon ton d’extrapoler ces transformations et de faire trembler tous les secteurs d’activité. Aucun ne serait à l’abri. Faute d’adopter les canons flous de la “transformation numérique” et de “l’innovation ouverte”, tous seraient menacés dans leur existence même. De nombreux secteurs sont concernés : les banques, les assurances, les enseignants, les professions médicales, les métiers juridiques, les agences de communication…». Est-ce que, pour autant, tout est déjà joué ?
Comment faire face ?
Face au phénomène Uber, les professionnels traditionnels ont joué la carte de la confrontation sur le plan juridique. Pourtant, comme le rappelle Olivier Ezratty : «Les innovations de rupture interviennent souvent en cassant les règles, voire les lois et autres jurisprudences».
En d’autres termes, il s’agit d’un combat d’arrière-garde, car les acteurs de cette nouvelle «nouvelle économie» s’adapteront au cadre légal, à moins que celui-ci n’évolue. Pour résister à la vague de fond, mieux vaut adapter son fonctionnement.
«La résolution de l’insatisfaction des clients est l’un des principaux moteurs des innovations, aussi bien incrémentales que de rupture. Les entreprises et les industries capables de bien identifier ces insatisfactions et de les réduire grâce aux technologies ou à une culture du service client ont plus de chances de s’en sortir», insiste Olivier Ezratty.
Une règle de base, mais qui peut aujourd’hui prendre une nouvelle dimension grâce à Internet et aux réseaux sociaux. Autre élément à prendre en compte, la baisse des prix et la démocratisation des services.
«Ces éléments entraînent des repositionnements, soit vers des marchés de volume permettant des économies d’échelle, soit un recentrage sur des niches de marché plus profitables». Les bouleversements en cours sont inévitables. Pour les entreprises, ces changements doivent être accompagnés plutôt que subis. Mais c’est sans doute plus facile à dire qu’à faire.