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Pourquoi les Français ne s’estiment pas heureux ?


 « La France est un paradis peuplé de gens qui se croient en enfer ».[1] Depuis 2005, le « World Happyness Report », publié par le Réseau des Solutions pour le Développement Durable (RSDD) des Nations Unis, classe plus de 150 pays selon le bonheur perçu par leurs citoyens. L’enquête est basée, comme critères,...

Entreprendre - Pourquoi les Français ne s’estiment pas heureux ?

 « La France est un paradis peuplé de gens qui se croient en enfer ».[1] Depuis 2005, le « World Happyness Report », publié par le Réseau des Solutions pour le Développement Durable (RSDD) des Nations Unis, classe plus de 150 pays selon le bonheur perçu par leurs citoyens.

L’enquête est basée, comme critères, sur le PIB par habitant, le soutien social, l’espérance de vie en bonne santé, la liberté de faire des choix de vie, la générosité et le niveau de corruption… et la demande aux citoyens interrogés de positionner leur pays sur une échelle de 0 à 10. Dans le classement de 2019, la Finlande suivie du Danemark et de la Norvège constituent pour la troisième année consécutive le trio de tête – les Pays Bas sont 5ème, la Suisse 6ème, le Royaume Uni (en gagnant 4 places) 15ème, l’Allemagne (en perdant 2 places) 17ème et les Etats-Unis 19ème. La France, après avoir oscillé entre la 23ème (2018) et la 32ème place (2016), occupe la 24ème place et elle obtient sa meilleure note en espérance de vie.

 Pour un étranger qui vit dans le pays depuis plus de 40 ans, ce classement, inférieur à la majorité des pays comparables, ne surprend pas. En France, non seulement on commence toujours par évoquer quelque chose qui ne va pas, mais celui qui quitte le pays pour plusieurs années, est surpris de retrouver à son retour toujours les mêmes problèmes et la même ambiance.

 Sans vouloir entraîner les Français vers un positivisme total béat à l’américaine où, par principe, « everything is great » (« tout est magnifique »), ou de les priver de leur esprit critique inné et toujours présent…. Trouvons des moyens pour reconnaître davantage le côté positif des choses… Commençons par mettre de côté, de temps en temps, le « principe de précaution » ! Car « être prudent, analyser les risques pour tenter de les éviter, correspondent à de sages conseils, mais avoir fait de la précaution un principe est un drame : il ne s’agit plus de tenter, compte tenu des informations disponibles, des expériences basées sur des évolutions vraisemblables, mais d’ingérer l’irréel, l’impensable, sous prétexte que les dommages causés pourraient être importants. »[2]

 Rapprochons nous de la conception de l’homme, explorateur de l’inconnu, qui voit dans l’audace et le goût du risque le trait le plus précieux de la condition humaine, par rapport à l’homme précautionneux, qui cherche à tout maîtriser et qui ne voit dans notre avenir que le prolongement du présent.[3] L’énergie nucléaire est certes dangereuse, et il est souhaitable de la remplacer par les énergies nouvelles et renouvelables (à moins de trouver une nouvelle technologie, moins dangereuse ?) Mais tant qu’elle existe, elle permet aux industriels et consommateurs français un coût de l’énergie beaucoup plus bas que celui de nos voisins et évite, comme en Allemagne, un retour temporaire aux centrales à charbon, extrêmement polluantes.

 L’alcool, si consommé de façon excessive, est certainement dangereux pour la santé…mais, consommé avec modération, il est un élément de convivialité et, pour le vin rouge, même bon pour la santé…

 Cessons donc de nous faire réglementer tous les jours et de nous faire rabâcher tout ce qui est dangereux pour la santé ou pour la vie en général, en admettant que certains plaisirs, si consommés avec modération, ont un rapport avantages/inconvénients positif. Dans certaines situations, réapprenons à voir le bon côté des choses : en France, les impôts et autres charges sociales sont, certes, élevées, mais elles nous permettent de profiter, en matière d’écoles, d’universités, de soins médicaux, etc. de services publics gratuits (et extrêmement chers dans d’autres pays)…et rapprochons-nous du Danemark, pays parmi les plus heureux, où les impôts sont extrêmement élevés, mais où les citoyens les paient avec plaisir en contrepartie des prestations qu’ils jugent de qualité.

 Je rajouterais volontiers une observation personnelle concernant les « évadés fiscaux », ces Français qui, pour des raisons fiscales – généralement plus les impôts sur les gains financiers, les pensions et les héritages que pour les impôts sur le revenu – ont décidé de quitter la France pour un pays à fiscalité plus douce : avec une préférence pour Genève ou Lausanne, Bruxelles, le Portugal, le Maroc ou même l’Italie ou le Canada. Au bout de quelques années, avec la contrainte de devoir limiter le nombre de jours de présence en France, dont le respect est étroitement surveillé par le fisc, ils finissent par être malheureux et commencent à prendre le chemin inverse (surtout, si un arrangement avec les services fiscaux de Bercy a pu être obtenu.). Bref, changeons d’attitude, du verre à moitié vide au verre à moitié plein !

 Et si vous voulez vraiment échapper à un moment morose avec le moral dans les chaussettes : procurez-vous et lisez le livre de Hervé Gaymard
« Bonheur et grandeur, les jours où les Français ont été heureux »[4], qui retrace 13 journées, de l’avènement de Henri IV, en passant par la triple médaille d’or de Jean-Claude Killy aux Jeux Olympiques de Grenoble jusqu’à la victoire de l ‘équipe de France à la Coupe du Monde en 1998, durant lesquels les Français se sont retrouvés heureux et tous réunis dans une liesse populaire. Souvent grâce à des exploits exceptionnels de Français « prodiges » …, phénomène longtemps attribue par les scientifiques à un talent « hérité », puis, par d’autres, à des entraînements permanents et sans relâche, et enfin, par encore d’autres, à la chance d’avoir rencontré quelqu’un qui, avec une approche volontariste plutôt que de précaution, a cru en eux et a révélé et développé leur talent… 

 Ces journées témoignent de la capacité extraordinaire des Français à être, à certains moments, tous solidaires, sans distinction entre origines et situations. Généralement cet élan de solidarité est plus « défensif » et surgit lors d’événements correspondants à des catastrophes naturelles ou des attentats, comme contre Charlie Hebdo, ou des incidents hautement symboliques comme l’incendie de l’Eglise Notre Dame. Mais il existe aussi des exemples réussis de solidarité offensive, tels que les Restaurants du Cœur, la lutte contre le sida ou la collecte de dons dans le cadre du téléthon pour la recherche médicale.

 Et ces faits divers, où de simples citoyens, parfois même sans une autorisation permanente de séjour ou un accord pour leur demande de nationalité française, sauvent des personnes coincées dans un appartement en feu ou sur le point de se noyer dans la Seine ou sur les côtes bretonnes….


[1]Sylvain Tesson sur France Inter le 12/05/2017

[2]Henri de Castres dans Le Figaro du 18/05/2020

[3]Jean de Kervasdoé dans « Les prêcheurs de l’Apocalypse », dans La Recherche No. 414 de 12/2007

[4]« Les Jours où les Français ont été heureux », Perrier 2015

Axel Rückert

Extraits du livre Faire réussir la France que j’aime, propositions du plus Français des Allemands, disponible sur www.fairereussirlafrancequejaime.com ou sur Amazon

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