La baisse du chiffre d’affaires et donc de la facturation, le rétrécissement des marges, le raccourcissement des délais de paiement demandé éventuellement par les fournisseurs « nerveux », le rallongement des délais d’encaissement ou même le défaut de paiement d’un client majeur, la réduction ou le refus de découverts bancaires (à un moment, où le besoin se fait le plus sentir…) ou les décaissements liés à des dépenses exceptionnelles, par exemple les coûts de restructuration et des licenciements – tout ceci concourt à fragiliser la trésorerie et à l’assécher jusqu’au risque d’un défaut et d’une cessation de paiements. Comment l’éviter ?
Votre première priorité portera obligatoirement sur la baisse des besoins en matière de fonds de roulement. A partir d’un plan de trésorerie mensuel et même semaine après semaine, à faire baisser radicalement les stocks (souvent concomitant avec un ralentissement de la production suite au déclenchement d’un chômage partiel) ; à retarder les achats et les enlèvements au maximum, quitte à accepter un surcoût logistique; à proposer un escompte de circonstance et significatif aux clients pour tout règlement rapide ou anticipé; et à négocier, auprès des fournisseurs, des délais de paiement rallongés, là aussi, au pire, avec un léger surcoût. Avec comme objectif une réduction des besoins en fonds de roulement d’au moins 30%.
Ensuite, à condition de les demander avant l’échéance, à solliciter des reports de paiements auprès de l’État (TVA, charges sociales, impôts, prêts d’organismes publics, etc.) assez faciles à obtenir, surtout s’ils sont assortis d’une proposition d’un calendrier d’apurement. Bien évidemment, en cas de dépôt de bilan, ces dettes seront privilégiées et leur remboursement prioritaire. Mais surtout, ne prenez jamais un retard, même faible, dans le règlement des salaires, similaire à un défaut grave de paiement.
Avec les Banques, souvent très peu motivées pour venir à votre secours, l’étalement des prêts ou le report de certaines échéances est également envisageable, mais mérite d’être négocié le plus tôt possible par rapport au calendrier initialement prévu. Comme la cession de créances client contre un paiement immédiat dans le cadre d’une prestation de factoring.
Ou même, procédure beaucoup plus contraignante mais possible dans des difficultés extrêmes (par exemple, pour des produits saisonniers non écoulés et donc à stocker jusqu’à la même période, l’année prochaine), la mise sous gage et en garantie d’une partie des marchandises – à condition de les entreposer dans un lieu, type magasins généraux, qui permet pour le prêteur d’argent un contrôle des sorties en temps réel. Voici pour l’essentiel de la gestion de la trésorerie courante.
Pour des besoins de fonds plus conséquents, la recherche débutera généralement auprès des actionnaires par une demande d’avance en compte courant ou de prêt, éventuellement convertibles en capital à l’échéance ou en cas de non-remboursement au terme convenu. A noter que, sur un plan fiscal, la transformation d’un compte courant en capital peut permettre à un particulier dans certaines conditions de bénéficier d’une réduction d’impôt…sur l’IR, voire, avant la période d’Emmanuel Macron, sur l’ISF.
Reste enfin, à considérer de toutes les manières et idéalement pas « sous la contrainte », la cession de certains actifs « non-stratégiques ». Immeubles, comme le siège social de l’entreprise et même des bâtiments industriels et logistiques, cédables souvent à des investisseurs publics ou privés, (surtout dans des endroits, type zone industrielle ou d’activité, regroupant plusieurs entreprises et pas seulement la vôtre et bénéficiant d’une bonne valeur de marché foncière) souvent avec votre maintien dans les locaux au travers d’un contrat de location.
Depuis toujours et encore aujourd’hui, et pour conserver des entreprises, employeurs importants dans la ville ou la région, le rachat des bâtiments industriels et de stockage par la ville ou d’autres organismes publics et leur relocation à l’occupant pour un loyer très abordable, a été une pratique courante.
Et bien sûr, la cession d’activités et de fonds de commerce non-stratégiques complets, idéalement préalablement filialisés et cédés avec les dispositions de l’article 122.12 du code du travail, entraînant dans le transfert l’ensemble du personnel attaché à l’activité, qui préserve tout son acquis social…mais sans qu’une opposition n’y soit possible ou qu’elle soit considérée comme une volonté de départ.
Tous ces financements à rechercher ne doivent servir qu’un but : garder une trésorerie suffisante dans l’entreprise. Car même si le tribunal, en cas de dépôt de bilan, devrait valider un plan de continuité, même si un administrateur ad-hoc devait être nommé… sans trésorerie permettant au moins le paiement des salaires et de quelques charges courantes, personne ne pourra éviter, à défaut de l’arrivée d’un repreneur, la liquidation.
Axel Rückert
Expert des relations franco-allemandes, Axel Rückert est un chef d’entreprise allemand et ancien consultant au sein du cabinet de conseil McKinsey & Company.
Il est l’auteur de Sauve qui peut sait
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