Avec leur société d’investissement parisienne Experienced Capital, les anciens patrons de Sandro et Maje inventent un modèle hybride pour entrer au capital des acteurs du luxe accessible.
Pas question pour les ex-dirigeants de SMCP (Sandro, Maje, Claudie Pierlot), passé sous pavillon chinois, de rester les bras croisés ! Avec leur fonds Experienced Capital dédié au retail physique et digital sur le segment du luxe créé en janvier, le trio entend bien développer les marques de créateurs français.
Une expérience au profit des acteurs de la mode de demain avec un credo : «Rien ne vaut l’expérience». En se positionnant sur le segment du luxe accessible, Frédéric Biousse, 47 ans, Élie Kouby, 60 ans, et Emmanuel Pradère, 44 ans, mettent à profit leurs profils opérationnel et financier. En mai dernier, il ont donc racheté 40% de la griffe Sœur à EPI (Bonpoint, J.M. Weston, Alain Figaret, champagnes Piper-Heidsieck et Charles Heidsieck).
Lancée en 2008 par les sœurs Brion, la griffe mêle style décontracté et chic parisien. «Experienced Capital a été fondé par des entrepreneurs dont l’expérience a montré qu’ils savaient transformer des projets ambitieux en réalité. Experienced Capital et Sœur, c’est une rencontre, des envies communes, une aventure humaine au service de notre marque, soutenue dès le départ avec enthousiasme par EPI», déclarent d’une seule voix Angélique, 49 ans, et Domitille, 47 ans, Brion.
«Sœur est une belle marque à fort potentiel. Nous sommes ravis d’accompagner cette marque en France et à l’international», commente Emmanuel Pradère, qui compte bien faire évoluer la griffe pour séduire de plus en plus de femmes. Alors qu’en France, la marque ne compte que 6 boutiques ; à l’étranger, elle est présente dans une trentaine de pays au sein de magasins multimarques.
Objectif affiché ? «Propulser Sœur avec l’ouverture de 80 points de vente dans les grandes capitales asiatiques et du Moyen-Orient, et développer en parallèle la partie digitale». Une stratégie qui devrait permettre de doubler le CA de 5 M€.
La reprise d’Alain Figaret
Même si, selon Emmanuel Pradère, le rachat de la marque française de chemise pour homme fondée en 1968 à Biarritz reste à l’heure actuelle en négociation, la Experienced Capital croit en son potentiel. «Nous aimons beaucoup la marque Alain Figaret, qui existe depuis près de 50 ans, et dispose d’un véritable savoir-faire en matière de coupe, notamment pour les cols, et travaille avec des tissus de qualité. En outre, la chemise est un produit facile à digitaliser».
On l’aura compris, Emmanuel Pradère mise sur l’explosion des ventes en ligne mais aussi le développement d’Alain Figaret (20 M€ de CA) dans les grandes villes de province, la marque comptabilisant 23 boutiques et concessions dans les grands magasins.
Alors que l’opération ne sera finalisée qu’au 1er trimestre 2017, le trio, qui espère acquérir 70% du capital, EPI restant actionnaire à hauteur de 30%, planche déjà sur une stratégie payante. «Début 2017, nous entamerons un travail de repositionnement et une remise à plat des formats et concepts de magasins. Ce partenariat renforcerait encore les liens existants entre Experienced Capital et EPI», indique Frédéric Biousse.
Un positionnement porteur
«Le luxe, c’est avant tout de l’accessoire, un sac, une montre, des chaussures… Cette panoplie acquise, reste encore la tenue à trouver… et c’est là où nous intervenons ! Il existe un créneau pour les marques de luxe accessible, notamment en créant une proximité avec les clients qui passe par un réseau de boutiques. Nous sommes persuadés que ces marques premium représentent un marché ultra-porteur pendant les dix prochaines années, tant en France que dans des pays émergents, comme en Chine où il y a un effet rattrapage», analyse Emmanuel Pradère.
En janvier 2016, ce pionnier du luxe accessible et ses comparses ont d’abord jeté leur dévolu sur Balibaris, une marque haut de gamme pour homme connue notamment pour ses cravates (3 M€ de CA, 5 points de vente), et visent un CA supérieur à 10 M€ en 2016 avec plus de 20 points de vente.
En juin dernier, le trio s’est emparé de Maison Standards à hauteur de 45%, une marque fondée en 2013 par Uriel Karsenti qui décline des standards de qualité au vestiaire féminin et masculin en ligne.
Un fonds pas comme les autres
Fort des 78 M€ levés lors de sa création auprès d’actionnaires principalement privés et familiaux (famille Descour – EPI, Milchior – Etam, fondateurs de vente privée…), Experienced Capital se positionne comme un accélérateur de croissance, investissant dans des marques à fort potentiel dans le secteur de la mode, de l’accessoire et de la bijouterie.
Les cibles ? Des PME aux produits de qualité, disposant de points de vente physiques ou online, et réalisant un CA entre 3 et 20 M€, mais aussi de jeunes pousses en démarrage avec un projet et des produits prometteurs (de 0,5 à 3M€ de CA).
«Nous faisons la synthèse de ce que nous avons vécu à la tête de nos entreprises et de ce que nous avons observé dans les investisseurs qui nous ont accompagnés. Nous offrons aux entrepreneurs une aide pour se structurer et se développer. Notre but est d’accompagner les fondateurs jusqu’à une levée de fonds, une prise de participation… Nous n’avons pas pour vocation d’être actionnaires sur le long terme».
À mi-chemin entre un fonds et une holding de groupe, Experienced Capital propose un service sur mesure, affichant notamment une pléthore d’expertises, celles du trio mais aussi celle d’une dizaine d’experts reconnus dans le retail (comme l’ancien n°2 de chez Sarenza), en charge de conseiller les marques. Nul doute que le fonds, qui ambitionne de se constituer un portefeuille d’une dizaine de marques soit déjà en discussion avec de «belles pépites made in France».