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Quel avenir pour le « made in France » ?


Le « made in France » est un concept marketing mis en avant au niveau international qui bénéficie d’une image positive. Il recouvre cependant des réalités économiques bien différentes.

Entreprendre - Quel avenir pour le « made in France » ?

Le « made in France » est un concept marketing mis en avant au niveau international qui bénéficie d’une image positive. Mais cet état de grâce va-t-il durer ?

Le fameux « Made in France » signifie Fabriqué ou Produit en France. On sait à présent que cette traduction est sur certains articles quelque peu exagérée, voire trompeuse si l’on n’est pas familiarisé avec la législation.

Fabriqué en France, vraiment ?

Ricardo et sa spécialisation du travail ont rendu la notion de l’origine parfois complexe à déterminer. Selon la loi, pour de nombreux produits, le « Made in France » peut ne recouvrir qu’un assemblage, voire une simple mise sous emballage. Pour l’Union Européenne et son code des Douanes, « une marchandise dans la production de laquelle sont intervenus deux ou plusieurs pays est originaire du pays où a eu lieu la dernière transformation ou ouvraison substantielle, économiquement justifiée, effectuée dans une entreprise équipée à cet e et et ayant abouti à la fabrication d’un produit nouveau ou représentant un stade de fabrication important ».

La notion de « substantiel » Le qualificatif de « substantiel » est fini lui aussi dans le code des Douanes Communautaire selon des critères précis qui varient en fonction des articles. Ces critères peuvent recouvrir différentes notions :

Un pourcentage chiffré : une fabrication réalisée en France représentant au minimum x% du prix départ usine de l’article. Le pourcentage varie en fonction des filières.

Un changement de code douanier : l’opération réalisée en France est suffisamment importante pour modifier le classement du produit.

Pour le consommateur non averti, l’attente est différente en fonction des produits, mais il donne sa préférence à des produits synonymes de création d’emplois sur le territoire et détenteurs d’un savoir-faire reconnu.

Economie ou politique ?

Le Made in France recouvre une réalité économique bien réelle avec des ateliers, des usines, des brevets, des marques, de l’import-export… Mais c’est également une notion éminemment politique, qui a fait l’objet de nombreuses récupérations, notamment lors de périodes électorales. Les produits mis en avant sont nombreux et certains particulièrement emblématiques, comme la fameuse « marinière ».

Un véritable atout

La carte du Made in France est un véritable outil marketing, qu’il s’agisse de consommation locale ou d’exportation. Il s’agit en premier lieu d’une image véhiculée par l’histoire et par la politique marketing de grands groupes. Basée sur les secteurs du luxe, de la beauté, de la mode et de la gastronomie, elle rejaillit également sur d’autres domaines, plus technologiques comme l’aéronautique, la construction nautique, le design, et présente bien des avantages au niveau international. Pourtant, le Made in France ne va pas de soi. Environ 600 entreprises se sont ainsi engagées dans le label OFG, ce qui est relativement peu. Si l’on ajoute à cela qu’1 produit sur 3 vient de l’étranger, que les délocalisations sont toujours d’actualité, il peut sembler surprenant que la Made in France soit tellement mis en avant.

Les jeunes y croient

De nombreux entrepreneurs créent leurs toutes jeunes entreprises en se basant sur la fabrication française, et en mettant en avant une véritable passion pour le savoir-faire national. On peut ainsi nommer « La Chaise Française », « Le Slip Français », les montres « Routine ». Tous cherchent à recréer des filières qui ont presque disparu afin de mettre en avant des savoir-faire toujours présents et de qualité, et éviter ainsi leur disparition complète. Ces efforts commencent à porter leurs fruits, par exemple dans la filière textile, où pour la première fois depuis quarante ans, les créations d’emplois en France ont dépassé le nombre de destructions. Un premier pas remarquable. Cette nouvelle foi que l’on peut qualifier de patriotique, s’accompagne d’une certaine prise de conscience écologique, qui exige une rationalité, en particulier en matière de transports et de coûts pour l’environnement.

Accepter d’en payer le prix

Un sondage de 2017 révèle que 74% des Français interrogés se disent prêts à payer plus cher un produit fabriqué sur le territoire français. Les principales motivations avancées sont les enjeux économiques, environnementaux et sociaux. C’est une belle nouvelle, et heureuse si elle se confirme, car c’est un fait : le Made in France est globalement plus cher pour les produits usinés. L’intention d’achat doit donc se confirmer par des actes, dans un contexte où le pouvoir d’achat est une donnée extrêmement sensible. Les commerçants le savent, le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas, mais le porte-monnaie également. Le delta de prix ne doit pas être trop important, dès qu’il dépasse les 10%, l’effort budgétaire devient plus difficile pour les ménages. On retrouve le même ressenti lorsque l’on parle de bio.

Une expérience en dimension réelle

C’est celle de Benjamin Carle. Peut-être avez-vous entendu le nom de ce tout jeune journaliste qui a décidé en 2014 de consommer français pendant un an, pour tous ses achats avec un budget de 1800 euros par mois ? Cette plongée dans le Made in France s’est très rapidement heurtée à deux problèmes : le coût élevé des produits… quand on les trouve ! En effet, s’il est logique de ne pas trouver de café français, il en va souvent de même pour un ordinateur (même si Thomson Computing fait actuellement une percée extraordinaire) ou un smartphone. Des marques étrangères commercialisent parfois des produits plus français que les marques françaises, ce qui complique les recherches. Le jeune homme a relaté son expérience dans un livre.

La robotisation à l’aide du MIF

Accélération de la robotisation en Europe du Nord, augmentation des salaires dans les pays du Sud, ces deux éléments expliquent que produire en France peut redevenir non seulement envisageable, mais aussi intéressant : en 2018, 125 sites industriels ont ouvert, 100 ont fermé, là encore une première depuis 2008. Internet et le e-commerce jouent également un rôle positif : en e et, les clients demandent des produits de plus en plus propres en termes d’environnement et livrés rapidement. Yves Jego donne un exemple de raté avec le maillot deux étoiles de l’équipe de France, fabriqué en Asie. Conclusion : des ventes manquées pour cause de retard de livraison et des ruptures en période de fêtes.

Des savoir-faire à sauver

Selon une étude de la FIMIF (Fédération Indépendante du Made in France), le problème n°1 des entreprises qui fabriquent en France sont les pertes des vocations et des savoir-faire. Le recrutement est difficile dans de très nombreux secteurs économiques, et encore plus pour les spécialistes du Made in France. La prise de conscience est aussi politique. Fin octobre Bruno Le Maire a déclaré ouverte « la bataille de la fabrication en France ». Un rapport remis au gouvernement a en e et mis en avant que les entreprises françaises investissent majoritairement en recherche-développement ou dans la data, mais peu pour moderniser leur appareil de production.

Quid du patrimoine industriel ?

Chacun s’accorde à penser aujourd’hui que le patriotisme industriel est un élément positif pour la nation et ses citoyens. Inutile pour autant de tomber dans l’angélisme, les produits d’origine étrangère, à bas prix, ou vraiment spécifiques, auront toujours leur place sur leur marché français, ainsi que leur clientèle. Tout comme certains produits Made in France touchent un public international. Enfin, n’oublions pas que cet engouement pour le « Made in » n’est pas propre à la France, il se développe dans tous les pays, et sur tous les continents. Bref, voici un concept qui a bel et bien de l’avenir.

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