Dopées par des primes et les changements de comportement des consommateurs, les voitures électriques ont le vent en poupe. Les constructeurs n’ont pas tardé à réagir.
Peu importe les critiques, les faits sont là : un véhicule électrique n’émet aucun gaz polluant, ni de particules fines, un progrès immense par rapport aux véhicules d’aujourd’hui et d’hier. Et le coup de pouce européen joue à plein. En effet, l’accord de Paris 2015 avait énoncé des règles claires : depuis le 1er janvier 2021, pas plus de 95 grammes par véhicule et par kilomètre parcouru. Puis, 80 grammes en 2025, pour parvenir à 60 grammes en 2030. Autant dire que dans ces conditions, l’électrique devient indispensable, les autres options devenant de plus en plus complexes, à l’exception de certains marchés particuliers.
Quid du marché français en 2020 ?
En France, le marché est encore modeste. Seuls 43 000 véhicules de ce type ont été vendus aux particuliers en 2019, ce qui ne représente même pas 2% des immatriculations. La Renault Zoé reste leader sur les meilleures ventes de ce segment. L’offre commence à s’étoffer en termes de praticité et de choix. Zoé, 208, DS3, Tesla, Volvo, Mercedes et autres Jaguar sont présentes sur le marché. A noter le succès important de la Model 3 de Tesla qui talonne la Zoé en termes d’immatriculations sur le premier semestre 2019 et devance la Nissan Leaf ainsi que la BMWi3.
25 millions de véhicules en 2025
Il est prévu que la production européenne de véhicules, qui n’est que de 4% aujourd’hui, dépasse les 20% d’ici 2025, soit 25 millions d’automobiles sur quelques 400 modèles différents. Un changement de dimension aux diverses implications. L’Allemagne reste le premier marché en volume de par sa population et son pouvoir d’achat. Elle est suivie par la Norvège, et la France parvient à se hisser à la troisième place sur les neuf premiers mois de 2019, en attendant les chiffres définitifs de l’année. Evidemment si l’on résonne en part de marché, cela est différent. En Norvège, cela représente 44% du marché. Plus loin, on retrouve l’Islande et les Pays-Bas avec environ 11%. La France fait figure de parent pauvre.
Le nerf de la guerre : les batteries
L’Europe a donné sa bénédiction fin d’année dernière pour ce que l’on a surnommé l’Airbus des batteries, permettant d’aller de l’avant pour une série de projets alliant argent public et fonds privés sans que les subventions de l’Etat ne soient requalifiées en aides déguisées non autorisées par l’Europe. Mais il faudra plusieurs « Airbus de batteries » pour parvenir à créer une véritable filière de poids face à la concurrence.
Qu’on le veuille ou non, parler de voiture électrique revient à parler de batteries, le reste étant depuis longtemps maîtrisé par les Français et les Européens. Dans ces conditions, autant dire qu’il était temps de prendre le sujet à bras le corps, car aujourd’hui, les fameuse batteries sont fabriquées par de grands acteurs du continent asiatique, Corée du Sud, Japon, et dans une moindre mesure la Chine.
L’Europe a fort à faire
Des dizaines de projets de méga-usines sont en voie de concrétisation quasiment partout dans le monde dont celle du leader chinois, CATL, en passe de devenir le premier producteur de cellules au monde. Face à cette situation, la profession de foi de Maros Sefcovic, vice-président slovaque de la Commission Européenne résonne comme un dernier avertissement face au retard déjà enregistré : « créer en Europe, presque à partir de zéro, une production compétitive et durable de cellules de batteries », ce qui selon lui nécessite entre dix et vingt usines géantes en Europe, un investissement minimum de 20 milliards d’euros.
La technologie au cœur de l’avenir
Si aujourd’hui, les Japonais et les Coréens sont les grands fournisseurs mondiaux de batteries lithium-ion liquide, l’avenir pourrait également se jouer pour les Européens par le développement de batteries à électrolyte solide, ou à base d’autres matières que le lithium. Cette bataille de spécialistes de la chimie est déterminante pour le futur et se déroule sur une dimension mondiale. Les Français sont dans la course, notamment le groupe Total, ainsi que les grands constructeurs français.
L’opportunité des flottes
Les flottes d’entreprises sont une vraie opportunité pour l’industrie automobile même si passer du diesel, un carburant adapté aux dizaines de milliers de kilomètres, à l’électrique et ses problèmes de charges fréquentes, est une révolution qui ne paraît pas évidente. Pour les commerciaux qui sillonnent la France, le moteur thermique reste irremplaçable pour l’instant, mais de nombreux véhicules professionnels, tels ceux des coursiers ou de la poste restent sur des circuits de proximité. Dans ce cas, l’électrique devient possible et même intéressant, en particulier pour les véhicules utilitaires.
La question environnementale
Greta Thunberg, l’égérie du sauvetage de la planète ne peut qu’être favorable à l’électrique. Quoique certaines questions méritent d’être soulevées, et l’ont été sans réponse claire jusqu’à présent. En effet, on peut déjà constater que les batteries actuelles traversent le plus souvent les océans pour équiper les véhicules occidentaux. Les projets industriels sur les divers continents devraient pallier ce problème. Autre point important : les batteries fonctionnent à partir de lithium et de cobalt.
Le cadre de l’extraction minière est l’une des préoccupations européennes. Le sujet des terres rares est lié à la production des batteries électriques, pour les smartphones, les automobiles ou autres éoliennes. Et le sujet est directement lié à la question chinoise, premier producteur et consommateur. Enfin, dernier point, à aujourd’hui, les processus de recyclage ne sont pas définis clairement, même si des pistes existent.
Les Allemands n’ont pas dit leur dernier mot
60 milliards ! C’est la somme qu’est prête à mettre sur la table Volkswagen pour la voiture de l’avenir. Le tout d’ici à 2025. Qui pense avenir dit également électrique et connectivité. Il y aura bien entendu des hybrides, mais sur le segment électrique, c’est surtout sur le secteur des « compactes » que le constructeur compte prendre de l’avance sur ses concurrents avec l’ID.3.
Le big boss, Herbert Diess, a tracé la ligne stratégique : pas de changement climatique sans mobilité propre, et électrique. La guerre est lancée avec Tesla qui va fabriquer prochainement dans sa nouvelle usine de Berlin. Un combat international aura lieu sur le territoire de nos voisins, mais aussi en Tchéquie, en Chine ou aux Etats-Unis !
Mais jusqu’où ira Tesla ?
Les professionnels ont dû s’étouffer face aux cours de bourse de l’entreprise d’Elon Musk, parfois bien éloignés de la vérité économique. Il est vrai qu’avec plus de 100 milliards de valorisation, un cap a été franchi. En Europe occidentale, la marque a bondi grâce au lancement de son der
nier modèle et s’arroge à présent une part de marché de 31% en 2019 sur les 100% électriques. Tesla reste la référence aux Etats-Unis, devant toutes les autres marques, et à présent en Europe grâce à sa Model 3. En Europe occidentale, la Tesla est passée numéro 1 l’an dernier, devant la Zoé et la BMWi3. Parmi les modèles stars, on peut ajouter la e-golf VW, Nissan Leaf et l’Audi eTron.
De l’importance de la fiscalité
Ce bond en avant est dû à l’acceptation du modèle par le public, mais aussi par la ruée de clients avant la fin de l’année, par exemple aux Pays-Bas, où une incitation fiscale allait disparaître. Tesla a été le grand bénéficiaire de cet élan l’an dernier, en attendant les Européens cette année. Tous ces évènements présagent d’une véritable révolution dans le monde de l’industrie automobile. Mais ce mouvement a beau être enthousiasmant, il ne se fera pas sans certaines adaptations douloureuses sur les activités traditionnelles.
Cette transformation technologique va donner lieu à des resserrements d’effectifs dans un premier temps avant de se polariser sur de nouveaux métiers et recrutements. La guerre de l’électrique ne fait donc que commencer !
E.S.