Le frère et la sœur, Frédéric et Maryline Merlin ont fait le buzz avec leur projet de rachat hors normes, celui du prestigieux BHV Marais. Un défi pour cette Société des Grands Magasins restée discrète jusqu’à l’an dernier.
L’annonce est tombée le 16 février dernier, le groupe SGM est en négociation exclusive avec les Galeries Lafayette pour la reprise de l’immense « paquebot » du BHV Marais. Un magasin parisien atypique de par ses importants rayons maison, bricolage, décoration qui attirent la clientèle parisienne plus que touristique.
DEAL N°2
À vrai dire, l’histoire a commencé l’an dernier, lorsque SGM a repris 7 magasins Galeries Lafayette affiliés. Les relations sont donc déjà existantes, la confiance semble être au rendez-vous. Mais le BHV Marais est plus qu’un magasin, il s’agit d’un symbole qui a besoin d’être repositionné dans l’offre parisienne.
Le groupe acquéreur exploite déjà 17 centres commerciaux et magasins, et si l’affaire doit encore passer quelques étapes avant d’être confirmée, elle est très alléchante pour un groupe professionnel de l’immobilier. Car la négociation porte également sur plusieurs immeubles voisins du BHV, abritant appartements, bureaux et boutiques y compris le flagship italien Eataly, faisant de l’affaire une opportunité exceptionnelle dans un quartier attrayant.
Cerise sur le gâteau, les négociations incluent également le magasin BHV de Parly II. Le Groupe Galeries Lafayette garde la franchise Eataly, qu’il a négociée en exclusivité sur la France, ainsi que l’immeuble où siège la fondation Lafayette Anticipations, qui soutient la création contemporaine. L’accord semble être en bonne voie entre ces deux entreprises familiales.
Les Galeries Lafayette sont dirigées par la famille Moulin, Philippe Houzé, fils de Ginette Moulin est président de la structure, et son petit-fils, Nicolas Houzé, directeur général. Du côté SGM, le groupe, évidemment d’une taille bien plus modeste, est également familial, dirigé par Frédéric Merlin, et sa sœur Maryline.
QUI EST SGM ?
Au départ était Avenue Développement Immobilier, une société spécialiste de l’achat, la réhabilitation et la revalorisation de biens immobiliers. En 2018, cette entreprise crée une foncière, la SGM, qui a pour objet de faire fructifier le patrimoine en créant un portefeuille totalement dédié aux commerces. Le siège est situé à Lyon, c’est la famille Merlin qui est aux manettes, Frédéric Merlin en est le président, sa sœur Maryline, la directrice générale déléguée. Ils sont entourés par un groupe d’experts.
L’évolution s’est faite rapidement avec de premières acquisitions de centres commerciaux en centre-ville situés à Lille, Roubaix, Tourcoing, Mulhouse pour commencer. La stratégie est claire, il s’agit de repérer des centres en difficulté, avec de forts taux de vacances, que la SGM fait revivre de façon différente, en axant les activités sur la restauration, des food courts, et les loisirs (escape game, réalité virtuelle…). Pour les boutiques, la priorité est donnée aux concepts stores. Les reprises se sont succédées avec Nîmes, Kremlin-Bicêtre, Saint-Nazaire, Châlons-sur-Saône et Paris Vaugirard.
Autant dire que Frédéric et Maryline Merlin ont surpris avec la proposition de rachat du BHV Marais, même si le ton avait déjà été donné l’an dernier avec la reprise des murs et de l’exploitation des 7 magasins Galeries Lafayette (Grenoble, Dijon, Angers, Limoges, Orléans, Reims et Le Mans) signés avec un accord d’affiliation de dix ans.
Un défi hors normes pour le groupe SGM La foncière SGM est en train d’avaler beaucoup plus gros qu’elle. Même si l’opportunité est incroyable, la digestion risque de s’avérer longue et difficile. En effet, le groupe SGM représente à ce jour un volume d’affaires de 750 millions d’euros à travers ses 10 centres commerciaux et les 7 Galeries Lafayette. Aux 650 salariés actuels vont s’ajouter les quelques 1300 du BHV.
Le dynamique PDG du groupe Frédéric Merlin est enthousiaste, il a déclaré vouloir « montrer notre savoir-faire dans la plus belle ville du monde ». Il faudra effectivement beaucoup d’énergie pour remettre cet immense magasin sur la voie de la rentabilité, mise à mal bien avant que les gilets jaunes et la pandémie n’enveniment la situation du commerce en général.
Le point central en termes d’attractivité est que le BHV a toujours été synonyme de bricolage en priorité pour la clientèle, même si la décoration et l’ameublement ont la part belle. En bref, un positionnement à part qui n’a strictement rien à voir avec celui des Galeries Lafayette, dont le cœur est la mode et en grande partie la clientèle étrangère. Les premières déclarations de Frédéric Merlin sont assez claires sur le sujet « Nous allons-nous focaliser sur la zone de chalandise primaire », signifiant que c’est toujours la cible des Parisiens qui est dans le viseur.
Un facteur important à ne pas négliger est la Mairie de Paris, qui voit le projet d’un bon œil sur une rue de Rivoli qui ne permet pas l’accès en voiture particulière, si ce n’est en taxi. Il faut dire que l’enjeu pour la mairie est de revitaliser la rue de Rivoli où nombre de commerces ont fermé.
CHANGEMENT D’ÉCHELLE
Les négociations vont donc se poursuivre entre les deux parties, les syndicats, la ville de Paris et les partenaires financiers indispensables pour ce deal, dont les experts avancent qu’il se situera aux alentours des 500 millions. La SGM réalisait il y a cinq ans un chiffre d’affaires d’environ 40 millions, le changement de taille est donc vertigineux, de quoi s’occuper pour les prochaines années, car même en s’appelant Merlin, l’immobilier n’a rien d’un monde enchanté.
Anne Florin
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