Créé en 1990, le Groupe Gorgé (264,8M€ de CA en 2015 et une croissance de +18,6%) est un groupe industriel majeur spécialisé dans les produits et services de haute-technologie dédiés à la sécurité des biens et des personnes et l’Impression 3D.
Pdg du groupe familial, Raphaël Gorgé, nous explique la véritable révolution industrielle qui est en train de s’opérer avec l’impression 3D.
Comment avez-vous fait du groupe « un petit conglomérat industriel » spécialisé dans les technologies de pointe ?
Lorsque j’ai rejoint Gorgé il y a à présent 12 ans, le groupe était très présent dans le secteur automobile. Nos ingénieurs étaient très talentueux mais leur talent n’était pas récompensé par un secteur automobile trop exigeant.
Fort de ce constat, j’ai donc eu l’idée de décliner nos savoir-faire et nos compétences dans des métiers plus porteurs, débouchant sur plus de croissance, d’exportation et d’innovation.
Nous avons étendu cette méthode à l’ensemble de nos activités qui continuent de fonctionner selon la même logique. Nous fabriquons des produits unitaires ou multi-unitaires à fort contenu technologique que nous commercialisons au niveau mondial. Nous en assurons la conception, l’assemblage, la vente, l’installation et la maintenance à travers une organisation tout à fait semblable sur l’ensemble de nos activités.
Exceptée la partie fabrication que nous sous-traitons largement et où nous nous concentrons uniquement sur l’assemblage, nous disposons d’un panel de compétences en interne qui nous permet de couvrir les activités de R&D jusqu’à la vente et d’assurer l’installation jusqu’à la maintenance. Le Groupe Gorgé compte aujourd’hui 1700 collaborateurs dont les deux tiers sont des techniciens et des ingénieurs. Nous affectons entre 10 et 15% de notre CA à la R&D.
Quels ont été les axes majeurs de développement ces dernières années ? Quelle est votre stratégie de développement pour l’avenir ?
Nous sommes très présents sur les technologies au service de la sécurité et de la sûreté dans des environnements exigeants tels que la défense, les grandes profondeurs, le nucléaire, l’aéronautique ou l’offshore. Nous sommes spécialisés dans les produits et services de haute technologie : les Systèmes Intelligents de Sûreté, la Protection en Milieux Nucléaires, les Projets et Services Industriels.
L’impression 3D constitue un second pôle d’activité, plus petit et plus jeune certes, mais porteur d’avenir. Le Groupe Gorgé est désormais positionné sur ce secteur avec de vraies ambitions. Il s’agit d’un marché révolutionnaire qui ouvre la voie à des modèles de fabrication totalement nouveaux.
Si nous devions mettre l’accent sur trois thématiques fortes de sens, je citerais : la robotique mobile, les drones et l’impression 3D.
En robotique sous-marine, nous venons de livrer plusieurs systèmes de robots autonomes pour des applications de déminage sous-marin. Concernant les petits avions télécommandés, nous avons fourni des drones aériens à Eurotunnel pour sécuriser le site. Dans l’impression 3D, nous fournissons des grands groupes adressant des secteurs d’activités très variés (luxe, bijouterie, aéronautique, médical).
Le groupe a engagé des investissements importants dans l’impression 3D. Quels sont les enjeux et comment le groupe se positionne-t-il sur ce marché ?
Nous assistons aujourd’hui à l’évolution d’une technologie qui était utilisée depuis une vingtaine d’année pour le prototypage rapide (rapid prototyping) vers une technologie qui sera désormais utilisée pour la production (rapid manufacturing).
La logique et les machines sont différentes. Arrivés assez tardivement sur ce marché – il y a 3 ans seulement -, nous nous positionnons avec ce nouvel angle qui consiste à proposer à l’industrie et à toutes ses activités associées des machines industrielles de production. Notre positionnement est en cela singulier et différenciant par rapport à nos concurrents.
Comment aborder et relever les défis de la nouvelle économie lorsque l’on vient du monde industriel ?
Nous avons décidé de nous positionner sur des marchés à fort potentiel de croissance en privilégiant ceux où les technologies et l’innovation étaient récompensées par des taux de croissance plus élevés. Notre engagement dans cette nouvelle économie et notre inscription dans la révolution digitale se matérialisent à travers la réalisation de produits complexes (drones, robots, imprimantes 3D) nous permettant d’intervenir sur des marchés à forte croissance.
Pour le Groupe Gorgé, la priorité est désormais de sortir de l’industrie traditionnelle pour s’orienter vers des industries de pointe.
Est-ce difficile lorsque l’on vient de l’industrie ?
Non, il suffit de le décider, et accessoirement de le faire. Ce n’est pas si anodin car pour prendre les virages de ce type, il est important de réfléchir longtemps à l’avance de la stratégie et de se poser des questions sur la pérennité des marchés sur lesquels une entreprise se situe. Nous avons pu acter des choix stratégiques radicaux dans le groupe car nous nous y sommes pris suffisamment en amont, sans attendre la survenue de difficultés. Il est en effet essentiel de savoir prévoir ces virages stratégiques.
Quels sont les atouts de l’industrie française ?
Nous avons la chance, d’une part, de disposer d’ingénieurs et de techniciens de qualité avec une formation académique de très bon niveau et, d’autre part, de bénéficier de grands groupes industriels constituant des moteurs très porteurs. Sur un certain nombre de secteurs sur lesquels nous intervenons – la défense, l’aéronautique, le nucléaire -, notre présence est également possible grâce à des acteurs attestant d’un rayonnement international dans ces secteurs-là.
Estimez-vous que l’industrie est sous-valorisée en France ? Que faire pour la relancer ?
De manière générale, nous avons trop souvent une vision pessimiste de la France, regard qui s’applique également à l’industrie. Au contraire, je trouve qu’il existe des choses extrêmement positives en France et il me semble important, lorsque cela fonctionne bien, de le dire, ce qui est le cas du Groupe Gorgé.
Quelles sont les mesures à prendre pour redynamiser l’économie ?
L’économie française n’est pas plus atone qu’ailleurs. Depuis quelques semestres, nous observons de nouveau un esprit entrepreneurial très largement porté par les start-up et la French Tech.
C’est grâce à de telles initiatives positives que l’on peut relancer une vraie dynamique, redonner l’envie d’entreprendre et faire renaître un intérêt pour l’industrie et l’entreprise. Il est préférable de donner envie, et pour susciter cette envie et insuffler une véritable énergie, il faut montrer quelque chose qui fonctionne bien sans se plaindre à longueur de temps et s’appesantir sur les aspects négatifs.
Que pensez-vous du phénomène start-up en France, comment l’expliquez-vous ?
Même si l’euphorie qui entoure ce phénomène est parfois un peu excessive, cela reste extrêmement positif. Ce nouvel écosystème redonne envie d’entreprendre, véhicule une image positive de la création d’entreprise et conforte l’idée selon laquelle il est possible de se lancer.
Ce phénomène rend par ailleurs visible et confirme le fait qu’il existe les structures, l’encadrement et l’environnement nécessaire et suffisant pour développer des entreprises en France. La France offre un cadre propice avec des possibilités de financement, un écosystème favorable et de compétences de très bon niveau.
Quels entrepreneurs inspirent votre admiration ?
Deux exemples assez différents me viennent à l’esprit. Je trouve la réussite d’Iliad spectaculaire, tant sur le plan entrepreneurial qu’au niveau de l’implication de Xavier Niel dans son écosystème avec son incubateur de start-up ou l’école 42. Dans un tout autre registre, le travail réalisé par Jean-Dominique Senard chez Michelin est également fascinant. Ce groupe industriel plus que centenaire continue à exercer un leadership et propose des axes d’innovation originaux tant sur le plan industriel que social.