Par Bernard COHEN-HADAD, président du Think Tank Etienne Marcel
Alors que le 19 janvier 2023 une première journée de manifestation contre la réforme des retraites est annoncée et que d’autres mobilisations sociales vont suivre, Bernard COHEN-HADAD, le président du Think Tank Etienne Marcel, appelle la maire de Paris, le préfet de police et tous les élus parisiens au soutien des entreprises, TPE et PME dans la Capitale.
Une bien mauvaise habitude a été prise à Paris ces dernières années. Chaque manifestation ou grève charrie son lot de nuisances pour tous ceux qui travaillent et qui habitent dans la capitale, qu’il s’agisse des violences sur l’espace public ou des interruptions de certains services publics. L’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen rappelle pourtant l’ambition selon laquelle « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits« .
Agir localement pour plus de sécurité économique
Les violences récurrentes commises en marge des événements et des manifestations revendicatives sur l’espace public parisien portent gravement préjudice aux TPE-PME à Paris, qu’il s’agisse des artisans, des commerçants ou des services. L’état d’urgence économique dans lequel se trouvent nombre d’acteurs à Paris, affaiblis par les conséquences économiques de la crise sanitaire, des gilets jaunes et des grèves dans les transports, appelle une protection et une aide d’urgence, faute de quoi plusieurs secteurs de la capitale verront leur dévitalisation commerciale et économique accélérée. La survenance de nouvelles violences commises en plein coeur de la capitale et des fêtes de fin d’année – décisives pour l’activité économique – en marge des hommages aux victimes kurdes de la fusillade du 23 décembre dans le 10e arrondissement de la capitale, est la goutte d’eau qui risque de faire déborder le vase.
Les pouvoirs publics locaux doivent donc réagir pour mieux anticiper, préparer et gérer ces manifestations… D’autres libertés fondamentales sont en jeu, notamment celles de travailler et d’aller et venir ! Aussi incombe-t-il au Préfet de police et à la Maire de Paris de prendre dans les meilleurs délais l’initiative conjointe et vitale d’organiser des « états généraux de la démocratie et de la sécurité économique à Paris » avec l’ensemble des parties prenantes concernées, de sorte que l’activité économique et l’image de Paris cessent d’être les victimes collatérales des violences urbaines trop souvent perpétrées en marge des manifestations revendicatives dans la capitale.
L’objectif de ces états généraux serait de partager un état des lieux des questions de sécurité publique liées aux manifestations revendicatives et festives à Paris, et d’identifier les voies et les moyens d’améliorer rapidement, significativement et durablement, dans le respect du droit constitutionnel de manifester pacifiquement, la situation sécuritaire économique parisienne. Pourraient notamment être traités la protection des zones commerciales, l’élaboration des parcours des manifestations et le calibrage des aides financières en faveur des acteurs économiques dont le local commercial est dégradé ou doit être fermé de façon préventive.
Agir nationalement pour plus de continuité du service public
L’actuelle pratique de la liberté de manifestation et du droit de grève génère d’autres nuisances, notamment des ruptures de la continuité du service public dans les transports en commun. La loi du 21 août 2007 sur « le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs » ne s’est pas donné les moyens de son ambition. Elle n’a créé ni obligation d’un service minimum, ni pouvoir de réquisition, ni pouvoir de sanction. Les organisateurs d’une grève doivent simplement l’annoncer à l’avance par égard pour les usagers… Encore cette courtoisie est-elle modeste puisque les personnels grévistes négligeant de déclarer un débrayage ne sont pas pour autant sanctionnés !
La continuité du service public est pourtant un principe à valeur tout aussi constitutionnelle que le droit de grève. Depuis sa décision de 1971, le Conseil constitutionnel confère en effet une valeur normative égale à celle de la Constitution aux principes mentionnés par le Préambule de la Constitution de 1946, parmi lesquels le droit de grève mais aussi le droit de mener une vie familiale normale, le droit à la protection de la santé, ou encore la continuité de l’État et des services publics.
Une évolution législative est donc nécessaire pour que la lettre de la loi de 2007 soit enfin en accord avec son esprit. Cette mise en cohérence pourrait être initiée dans les meilleurs délais par les parlementaires parisiens et franciliens, dont les mandants sont concernés au premier chef. Tout particulièrement les élus de la région capitale membres de la majorité présidentielle puisqu’il en va évidemment aussi de la préservation de la capacité de réforme de l’Exécutif, lequel a aujourd’hui en permanence au-dessus de sa tête l’épée de Damoclès d’une paralysie du pays par une minorité active dont la capacité de nuisance est sans proportion avec la représentativité, donc la légitimité.
Tous les élus de Paris, locaux comme nationaux, devraient ainsi prendre l’initiative d’une mobilisation générale pour enfin réconcilier la liberté de manifestation et le droit de grève avec les autres principes à valeur constitutionnelle, à commencer par la liberté du commerce et de l’industrie ainsi que celle d’aller et venir.
Bernard COHEN-HADAD
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