Le programme « France Relance », lancé en septembre 2020 par le gouvernement, a fait des émules. L’État a mis en avant cinq secteurs pour lesquels son soutien est envisageable : la santé suite à la crise sanitaire, l’agroalimentaire, secteur traditionnellement de premier plan, l’électronique, les intrants essentiels et la 5G.
Fin 2021, quelques 624 dossiers ont déjà été approuvés et une soixantaine de nouveaux ont été déposés. Les résultats constatés en 2020 et 2021 sont assez surprenants, de nombreux projets sont en effet en cours, plus d’une centaine, dont environ la moitié ont été soutenus par l’État. Si ces relocalisations créent peu d’emplois au niveau national, elles ont une importance symbolique immense, peu importe les critiques de certains économistes. Et depuis mi-2020, les créations d’usines ont dépassé les fermetures, une première depuis des années.
Seqens, le paracétamol est de retour
En Isère, un projet a soulevé l’enthousiasme, celui de la construction d’une usine de paracétamol qui doit sortir ses premiers produits en 2023. Si cela a été le cas, c’est que la dernière usine française du groupe Rhodia qui fabriquait cet antalgique très consommé en France et en Europe, a fermé ses portes depuis 2008 à Roussillon en Isère, phénomène mis en lumière pendant la crise sanitaire. C’est dans le cadre du plan France Relance que Seqens, entreprise bien établie en tant que sous-traitante de grandes marques, a été sélectionnée pour construire un nouveau site ultra-moderne.
Ces nouvelles technologies vont permettre d’atteindre une bonne compétitivité tout en répondant aux nouvelles normes environnementales. Des accords ont déjà été pris avec Sanofi et sa marque Doliprane et UPSA qui permettent d’envisager l’avenir sereinement. Le groupe vient de passer sous pavillon américain SK Capital Parners, aux côtés de BpiFrance et Nov Santé, un mouvement prévu depuis plusieurs mois, mais qui ne change en rien la stratégie de relocalisation.
Le textile et les jeans Mulliez
L’usine de Neuville-en Ferrain du groupe Mulliez commence à produire des jeans en ce début 2022 dans le Nord de la France. L’objectif est ambitieux, en particulier dans un domaine chahuté par la concurrence internationale, le textile. Le groupe a prévu une production de quelques 130 000 jeans et la constitution d’une équipe de 50 salariés pour commencer, avant d’atteindre une vitesse de croisière de plus de 400 000 pièces en 2024. Cette décision stratégique a été facilitée par la force du groupe qui dispose de débouchés commerciaux en son sein. Le démarrage de la distribution commencera au départ par l’enseigne Jules avant d’aller dans d’autres points de vente.
Ce pari reste quand même risqué, car le prix de vente sera abordable, mais quand même 20% plus élevé (59,99 euros) que celui des jeans premier prix importés de Turquie. Petite note d’humour, les jeans porteront une étiquette « made in nooord », une allusion au film de Dany Boon, même si en réalité, les 3 voyelles sont pour « écO, lOcal, sOcial ». En effet, la fabrication se fait à partir d’une matière 100% recyclée. L’Association familiale Mulliez a investi 3,5 millions d’euros dans l’aventure qui doit se déployer au cours de l’année 2022.
Des scooters électriques au Mans
Red Electric est une jeune entreprise spécialiste née en 2015 qui s’est engouffrée sur le secteur du scooter électrique. Basée à Nancy, elle proposait une gamme spécifique de scooters dont la production est sous-traitée en Chine. Ou plutôt était. Car ce printemps, c’est un industriel de la Sarthe, Chastagner, qui en sera chargée. Un acteur solide, qui travaille déjà pour les secteurs de l’aéronautique et de l’automobile. L’ambition est de fabriquer à terme quelques 10 000 scooters dans l’usine. Red Electric va ainsi pouvoir proposer à ses clients, jusqu’à présent spécialistes du dernier kilomètre, trois modèles de scooters différents dont l’autonomie est de 300 kms.
Un nouveau choix stratégique qui permettra de toucher directement le client final, et sera aussi proposé dans le cadre de la location en libre-service. Le marché est en pleine croissance, du fait de la prime d’État dont bénéficient les candidats à l’achat d’un scooter électrique et de l’évolution de la législation des centres-villes de grandes métropoles. Nul doute que les 10 millions d’euros levés début 2021 vont permettre à Red Electric d’avancer rapidement. Une belle opportunité pour les deux cofondateurs Valentin Dillenschneider et Etienne Mao.
Filière d’oie grasse française en Alsace
Feyel & Artzner est une entreprise alsacienne qui sait ce qu’elle veut. Et tant pis pour ceux qui critiquent la filière du foie gras, la dirigeante de cette vieille maison veut relancer la vente d’oies pour fournir ses sites, à la fois en Alsace et dans le Gers depuis janvier 2020. Pourquoi ? Seules 300 000 oies sont élevées chaque année en France, principalement dans le Gers, le Périgord et les Landes, soit deux fois moins qu’il y a 7 ans. Une bonne partie de l’approvisionnement de Feyel & Artzner provient, comme pour d’autres producteurs français, d’Europe de l’Est, et plus particulièrement de Hongrie.
L’autre raison est liée à l’animal en tant que tel. En effet, la consommation s’est fortement orientée sur le canard, à tel point que la race de l’oie est en danger. Raviver la filière est la seule voie pour réduire la dépendance vis-à-vis de l’extérieur, et le projet est de parvenir à élever quelques 200 000 oies supplémentaires sur le sol français, à condition que les éleveurs soient prêts à adhérer à ce renouveau.
Un mouvement qui s’amplifie
Les relocalisations se multiplient, en France comme dans tous les pays européens. Même si le commerce international reste indispensable à l’économie mondiale, la crise sanitaire a fait réfléchir. La preuve en est que les relocalisations, voire la renaissance de filières abandonnées, touchent des domaines économiques très différents. Ainsi, les stylos Waterman vont relocaliser une partie de leur production de Chine en région nantaise moyennant un investissement de 1,3 million d’euros. La gamme de produits relocalisée est principalement destinée aux clients européens et moyen-orientaux, ce qui en fait un choix cohérent en termes de transport, mais aussi intéressant en termes de French Touch. Un changement de politique bienvenu pour une usine qui était en perte de vitesse.
D’autres exemples parlants
Dans un tout autre domaine, la marque Benedicta a décidé de s’approvisionner localement pour ses 500 tonnes d’œufs et ses 7000 tonnes d’huile de colza, pour répondre à une attente des consommateurs. Et ce, en dépit du fait que cela coûtera plus cher et qu’il convient d’adapter le site industriel de Seclin, soit un investissement de 1 million d’euros. Autre exemple, la nouvelle gamme de machines à café Malongo sera conçue en Vendée, chez un sous-traitant français, et non pas en Chine. Toute la conception du produit a dû être revue, afin de pouvoir parvenur à un prix acceptable pour les consommateurs ; un travail de plus de trois ans en matière de développement technique et industriel.
Enfin, Aledia, startup de la Tech grenobloise créée en 2011 va implanter ses usines de diodes électro-luminescentes à nanofils ou microLEDS, dans la métropole grenobloise. Il s’agit d’une technologie de rupture permettant de produire des écrans plus performants en termes de qualité et de consommation énergétique. 450 à 550 emplois sont prévus à l’horizon 2025 pour cette première étape qui pourrait constituer les prémices d’une autre relocalisation, celle de la fabrication des écrans souples ou rigides. On le voit, le mouvement est lancé. Espérons que ce ne soit que le début.
E.S.
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