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Retour au travail, retour à la normale ?


Par Julien Borderie, partner Square Tribune. Le point culminant de la crise sanitaire étant pour le moment passé et les mesures sanitaires s’assouplissant progressivement, les annonces de « retour au travail » ne cessent de se multiplier. Que ce soit par le biais du gouvernement, des organisations patronales et même syndicales ou...

Entreprendre - Retour au travail, retour à la normale ?

Par Julien Borderie, partner Square

Tribune. Le point culminant de la crise sanitaire étant pour le moment passé et les mesures sanitaires s’assouplissant progressivement, les annonces de « retour au travail » ne cessent de se multiplier.

Que ce soit par le biais du gouvernement, des organisations patronales et même syndicales ou de dirigeants d’entreprise qui expliquent avec conviction les bienfaits de la vie de bureau : cohésion d’équipe, intelligence collective et culture d’entreprise en sont les principaux éléments de langage.

Pourtant, malgré ces appels et arguments répétés, les entreprises ont du mal à faire revenir tous leurs salariés dans leurs bureaux. Si la situation sanitaire et la peur des transports en commun peuvent expliquer quelques cas, elles ne peuvent en expliquer la majorité.

Les collaborateurs réticents, essentiellement des cadres et cadres supérieurs, partagent quelques certitudes et beaucoup d’inquiétudes.

La certitude qu’ils peuvent continuer à travailler à distance sans nuire à la productivité ou à la qualité de leur travail, la certitude que l’engagement et la performance dont ils ont fait preuve pendant la période de confinement n’augmentera pas en retournant à leur bureau, mais aura plutôt tendance à diminuer. La mise en avant d’une capacité de concentration accrue en télétravail est régulièrement citée.

Si ces certitudes ont été nouvellement acquises, les inquiétudes sont quant à elles ancrées dans le passé et souvent associées aux « routines » : le temps de transport, les difficultés de travailler en « open-space » ou en « flex-office », les conventions vestimentaires en vigueur, le présentéisme ou encore des réunions trop fréquentes. Les exemples d’agacements du quotidien de bureau sont nombreux et ont partiellement disparu depuis 3 mois, ce qui a libéré une partie des salariés qui se sentent moins contraints et plus libres dans le geste auprès de leurs employeurs.

Ne voulant pas revivre ces situations et préférant leur « nouveau » travail et les certitudes qui vont avec, ils sont réticents aux demandes de leurs managers pour qu’ils reviennent.

Les dirigeants sont désemparés devant cette situation inédite car ils ne veulent pas imposer un retour qui pourrait avoir des conséquences sanitaires sur leurs équipes et se retrouvent à devoir justifier leur demande qu’ils considèrent comme un simple retour à la normale (même s’ils ne le vivent pas toujours très bien à titre personnel). Dans ce contexte de tension larvée, la menace peut apparaitre et ne générer que plus d’inquiétudes et de rejets pour le salarié.

Alors comment faire, au-delà des mesures sanitaires, pour redonner le « goût » du bureau à ces salariés et leur donner envie de revenir ?

Écouter d’abord. Demander aux collaborateurs comme aux managers ce qu’ils souhaiteraient pour leur reprise, y compris pour celles et ceux qui sont revenus. Comprendre les attentes en termes d’horaires ou de méthodes de travail va permettre à l’entreprise de réaliser un diagnostic des points à travailler qui seront à n’en pas douter essentiellement liés à l’organisation du travail et au modèle managérial.

Expliquer ensuite. Par un plan de communication visant à indiquer aux collaborateurs que revenir au bureau est avant tout positif pour eux. Comprenant les messages donnés lors de la phase d’écoute, l’entreprise va pouvoir mettre en avant les avantages du présentiel comme l’amélioration des interactions ou la meilleure identification des objectifs collectifs. Elle ne manquera pas également de rappeler les risques que procure l’isolement ou la perte de visibilité.

Innover enfin. Il faudra aller au-delà de la volonté de reprendre une activité « pré-confinement » pour se diriger vers des modèles managériaux innovants et différents qui privilégient la confiance, l’autonomie et l’empathie. Ces modèles seront associés à des systèmes d’évaluation remaniés qui mettent en avant le travail effectivement délivré, la qualité et l’engagement des collaborateurs.

S’il paraît probable que le retour au bureau s’effectuera au cours des prochains mois, il importe que les entreprises ne se contentent pas d’un simple retour « au mode d’avant » ; pour certains collaborateurs, le télétravail a été une découverte positive et il convient de redonner de la valeur au lieu de travail dans l’entreprise. Celui-ci a désormais des concurrents.

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