Si le revenu universel a été testé dans de nombreux pays à travers le monde et qu’il arrive officiellement en Finlande en 2017, il fait fortement polémique en France et s’est même invité dans le débat de l’élection présidentielle. Le point avec ses partisans et ses détracteurs.
Benoît Hamon, candidat du Parti socialiste à l’élection présidentielle propose la mise en place d’un revenu universel d’existence. Celui-ci serait d’un montant de 750 euros pour tous les citoyens. La première étape du projet passerait par une hausse du RSA qui atteindrait le montant de 600 euros et serait versé automatiquement à tous les ayants-droits sans conditions d’âge.
Selon lui, le financement d’une telle mesure coûterait la même somme que le CICE. Les opposants à l’idée avancent quant à eux un coût annuel compris entre 300 et 400 milliards d’euros.
Une idée qui fait son chemin
L’idée de fournir à tous les Français un «revenu universel» fait son chemin parce qu’elle est évidemment séduisante, notamment pour toutes les populations en situation de précarité sociale, comme les chômeurs et les jeunes en attente d’emploi.
Benoît Hamon a été désigné candidat du Parti socialiste sur la base d’un programme radical et cette promesse d’un revenu universel, financé en partie par une taxe sur les robots. Le sujet est au cœur de l’élection présidentielle d’avril 2017 et fait l’objet de controverses à droite, à gauche et au centre, en raison notamment de ses modalités de financement qui suscitent le débat même entre partisans d’un même camp.
Ce projet d’un revenu de base ou « universel » est celle d’une somme versée à tous les citoyens sans conditions de ressources ou d’âge, qui se substituerait à toutes les aides existantes hormis l’allocation logement et la couverture maladie. Le but est de réduire la bureaucratie et simplifier le système fiscal sans porter atteinte au pouvoir d’achat de la population. En France, dans le rapport du Conseil national du numérique remis il y a un an, en janvier 2016 au gouvernement de Manuel Valls, un tel dispositif avait même déjà été préconisé. Le rapport Sirugue, à travers un dispositif de ce type, préconise quant à lui une fusion et une amélioration des neuf minima sociaux.
Les pays qui le testent
Si les Suisses ont voté largement contre l’instauration d’un «revenu de base inconditionnel» de 2300 euros en juin dernier, cette votation a constitué une étape importante pour ses défenseurs, alors qu’en Inde, au Brésil, au Canada, aux États-Unis, aux Pays-Bas ou en Finlande, des initiatives ont été ou vont être prises.
Pour le moment le pays le plus avancé en matière de revenu universel est la Finlande. Le gouvernement de ce pays scandinave expérimente depuis le 1er janvier 2017 le versement d’un revenu universel de base dont le montant serait de 560 euros par mois. Celui-ci s’applique pour le moment à 2 000 personnes en recherche d’emploi âgées de 25 à 58 ans.
Si l’essai est concluant il sera étendu au reste de la population. Pour le moment, le gouvernement a prévu une enveloppe de 20 millions d’euros pour mettre en place la formule pilote. En cas de généralisation, aucune modalité de financement n’a été officiellement présentée.
Ce qui divise en France
Pour ses défenseurs, un revenu universel aurait le mérite de remplacer le maquis de prestations sociales qu’offrent de nombreuses économies. Celles-ci peuvent avoir comme effet pervers de décourager la reconversion des chômeurs ou de les amener à refuser un emploi mal payé mais bénéfique pour la société.
Pour ses promoteurs, le revenu universel donnerait à chacun un filet de sécurité et encouragerait de nouvelles façons de penser : le travail ne définirait plus les vies des citoyens qui pourraient épanouir dans le bénévolat au service de tous ou dans des pratiques artistiques.
Du côté des « POUR »
Le Mouvement Français pour un Revenu de Base (MFRB) est une association créée en mars 2013, à l’occasion de l’initiative citoyenne européenne pour le revenu de base. Elle se donne pour mission de promouvoir le revenu universel dans le débat public, jusqu’à son instauration. « On nous traite tantôt de libéraux, tantôt de communistes », soupirent Mme Nicole Teke et M. Yué Yin, membres du Mouvement français pour un revenu de base, fort de quelque neuf cents adhérents.
Le mouvement français pour un revenu de base en fait la définition suivante : « « Le revenu de base est un droit inaliénable, inconditionnel, cumulable avec d’autres revenus, distribué par une communauté politique à tous ses membres, de la naissance à la mort, sur base individuelle, sans contrôle des ressources ni exigence de contrepartie, dont le montant et le financement sont ajustés démocratiquement. »
Financé par l’impôt sur le revenu prélevé dès le premier euro gagné, le revenu de base serait une reformulation du système redistributif actuel. L’idée est de remplacer le couple « impôt sur le revenu + RSA » par le couple « impôt sur le revenu + revenu universel ».
La proposition est ici de mettre en place un impôt – proportionnel ou progressif – sur le patrimoine net des ménages, c’est-à-dire une fois déduites les dettes du patrimoine brut. Une telle proposition mettrait fin au creusement mécanique des inégalités de patrimoine. Le patrimoine moyen des ménages est supérieur à 300.000 €, un montant en-dessous duquel se trouvent 90% des ménages.
Ainsi, même avec un impôt proportionnel, tous les ménages dont le patrimoine est inférieur à ce montant seront gagnants à cette redistribution. Alternativement, il est aussi possible d’augmenter fortement les impôts sur les successions, comme le propose Jacques Berthiller.
Parmi les arguments invoqués pour sa mise en œuvre on trouve les principes de liberté et d’égalité, la réduction voire l’élimination de la pauvreté, le combat pour des conditions de travail plus humaines, l’amélioration de l’éducation, la réduction de l’exode rural et des inégalités régionales.
Le revenu de base peut aussi être justifié comme un dividende monétaire ou crédit social reçu par chacun lié à la propriété commune de la Terre et à un partage des progrès techniques reçus en héritage. Cette mesure permettrait aussi de lutter contre le chômage et d’améliorer la flexibilité du marché du travail en luttant contre les trappes à inactivité créées par les mesures de type revenu minimum ou les baisses de charges sur les bas salaires.
Du côté des « CONTRE »
Certains libéraux tels qu’Alain Wolfelsperger posent la mesure du travail par l’emploi comme prérequis indispensable au versement de tout revenu, et jugent donc le revenu de base comme immoral. Ils y voient même une remise en cause de la valeur travail. D’autres pensent que le versement d’un revenu de base pourrait avoir un impact négatif sur le marché du travail et inciter ses bénéficiaires à ne pas ou à moins s’employer.
Le 15 mars 2016, invité sur France Info, le ministre des finances Michel Sapin se prononce contre l’instauration du revenu de base universel, car il y voit une incitation à l’oisiveté plus qu’à l’activité.
L’économiste Jean-Marie Harribey, membre de l’association altermondialiste Attac et détracteur de l’idée d’un revenu de base remarque, que si la collectivité versait un revenu de base, les entreprises paieraient d’autant moins leurs employés. Jean-Marie Harribey estime qu’un tel dispositif ne réduirait pas les inégalités, mais au contraire risquerait fort de conduire à une société encore plus duale : « il ne peut pas y avoir éternellement des droits sans que ceux qui en assument le coût ne puissent exiger en retour des droits équivalents. Si on me verse un revenu sans que je participe au travail collectif, eh bien cela veut dire qu’il y a des gens qui travaillent pour moi. C’est possible ponctuellement ou en cas de force majeure, mais pas sur toute une vie ».
Le sociologue et économiste Bernard Friotconsacre une partie du chapitre IX de son ouvrage Puissances du salariat à expliquer les problèmes que posent à ses yeux l’idée de revenu inconditionnel qu’il considère comme une dérive symétrique de l’idée de capital humain.
Il affirme aussi dans un article paru en 2013 : « Puisque le conflit salarial a produit des institutions d’un émancipateur déjà-là tel qu’il rend possible la sortie du capitalisme par attribution de tout le PIB à la cotisation et, à tous, d’une qualification personnelle, pourquoi régresser par l’instauration d’un revenu de base qui, laissant intacts le marché du travail, la valeur travail et la propriété lucrative, s’inscrit comme correctif dans la domination capitaliste ? »
Patrick Doutreligne, président de l’Uniopss, qui regroupe de nombreuses associations de solidarité, exprime ses réserves sur un revenu universel qui ne serait pas conditionné aux ressources. Il plaide plutôt pour une réforme des minima sociaux autour d’un revenu minimum d’au moins 800 € accessible aux jeunes.