La marque jeanswear fondée en 1928 affiche une croissance rayonnante. Innovation, distribution stratégique, marketing bien ficelé… le plus beau retour en force de ces vingt dernières années.
« J’ai misé sur la grande distribution alors que les marques textiles historiques comme Levi Strauss ne voulaient pas y aller, de peur d’écorner leur image, mais je savais qu’il y avait du volume à faire ». En faisant ce choix audacieux lorsqu’il prend la tête de Rica Lewis en 1988, lors de son rachat par l’Italien Riorda, Dominique Lanson réveille la belle endormie pionnière du jeans français alors en faillite.
Le sponsoring de grands sportifs dans les années 90, c’est lui ! La création du modèle emblématique RL70, encore lui ! Le premier jeans commerce équitable, toujours lui ! À 61 ans, le DG peut s’enorgueillir d’avoir fait passer le CA de l’entreprise de 1 à 20 M€ grâce à des changements radicaux.
Le pari de la grande distribution
Créée en 1928 à Marseille par Rica Lévy, Rica Lewis est la première marque de jeans en France. C’est la fille de la fondatrice qui découvre les modèles Levi Strauss dans l’Amérique d’après-guerre et décide d’en envoyer à sa famille restée sur la Canebière. Madame Rica délaisse alors la fabrication des guêtres de militaires pour se lancer dans la confection de ce nouveau produit.
En 1988, à l’heure de recruter leur directeur, le choix de Dominique Lanson s’impose pour les nouveaux actionnaires de l’entreprise. Avec une formation de 6 ans dans le retail chez le géant Levi Strauss et 3 ans dans la grande distribution chez Danone et Evian, le nouvel homme fort applique « les méthodes de travail d’une multinationale au service d’une PME ».
Le DG moustachu prend le redressement des ventes « comme un challenge. Le commerce de détail, sur lequel nous étions, souffrait de l’arrivée de chaînes comme Zara ou H&M, il fallait trouver autre chose. Les grandes surfaces alimentaires (GSA) voulaient des marques, j’ai foncé ! Nous avons pris notre place en livrant des boxes de jeans prêt-à-vendre, car dans la grande distribution, ils ont peu de bras pour mettre les articles en rayon. Grâce à nos présentoirs avec la signalétique Rica Lewis, nous étions identifiables », explique Dominique Lanson.
Par la même occasion, le dirigeant restructure ses forces commerciales, employant des salariés au lieu d’agents commissionnés, et transfère le siège social de Marseille à Nice, pour se rapprocher des marchandises qui viennent d’Italie. Aujourd’hui, ses jeans s’écoulent dans plus de 2.000 points de vente et Rica Lewis est leader en grande distribution.
Délocaliser pour mieux régner
Le dirigeant l’admet : « Nous ne pouvions pas continuer à faire du made in France vu notre modèle économique. Rica Lewis se positionne sur un marché de volumes à prix accessibles. Pour continuer de vendre sur ce mass market, il faut produire à des prix ultra compétitifs ».
En 1989, Dominique Lanson déplace donc les cinq sites de fabrication de l’Hexagone jusqu’en Italie, puis se tourne vers des usines « roulettes ». La marque produit aujourd’hui à 75% au Pakistan, 4ème producteur mondial de coton, et à 25% en Égypte. Des mouvements nécessaires et même salvateurs pour l’entreprise en péril à la fin des années 80.
Pour autant, le directeur général reste intransigeant sur la qualité de ses produits premium, ses jeans étant vendu 30 € alors que la moyenne se situe à 14,95 €. « Nous avons cinq de nos techniciens dans chacune des usines. Ils contrôlent en temps réel la qualité des jeans et veillent à ce que notre cahier des charges, strict et qui prend en compte toutes les normes européennes, soit respecté », souligne Dominique Lanson, qui s’assure également de ne pas négliger le rayonnement de Rica Lewis à l’international.
La marque, qui réalise 15% de ses ventes à l’export, est ainsi bien implantée dans les pays de l’Est (Russie, Roumanie, Pologne…), grâce à la présence des géants de l’alimentaire français sur ces territoires, mais aussi en Italie, pays d’origine de ses actionnaires.
L’ADN de la nouveauté
Pour maintenir sa place dans le top 5 des marques françaises, Rica Lewis innove sans cesse, on lui doit notamment le premier jean certifié Max Havelaar, commerce équitable. Et depuis peu, la femme est le cœur de cible de la marque, historiquement à ⅔ masculine.
« Nos ventes femmes connaissent une croissance de 24%, notamment grâce à la création de notre jegging. Il faut continuer à les séduire car elles sont très présentes en GSA. Elles achètent pour elles et, par la même occasion pour leur mari, à hauteur de 40% de leur garde-robe », commente Dominique Lanson.
Le Français du jeans dépose Fibreflex en 2009, un produit en stretch, « cette matière confortable qui représente 85% du dressing féminin ». Ce jeans développé avec Lycra (groupe américain Invista) est un succès et représente aujourd’hui 70% des ventes Rica Lewis.
En 2016, la marque poursuit cette collaboration avec le lancement du premier jeans capable de conserver la chaleur du corps grâce à la technologie Thermolite. Enfin, en avril prochain, les modèles d’été Coolmax, permettant au corps de respirer et d’évacuer la chaleur, feront leur apparition dans les rayons.
L’entreprise aux 1.100.000 pièces vendues par an poursuit également son développement par croissance externe, rachetant Ober, «en sommeil au sein du groupe Lafuma depuis 3 ans», leader parisien du jeans pour femmes. « Notre axe est clair : habiller la femme avec des courbes grâce à une gamme Ober du 40 au 52, qui complète l’offre Rica Lewis du 38 au 46 », détaille, confiant, Dominique Lanson qui lance ces modèles au printemps.
« Globalement, nous avons de la chance, le marché du jeans se porte bien et les Français ont l’un des meilleurs taux de consommation d’Europe avec 3 modèles par personne. En GSA, pour 2016, c’est +4% en volume, et +2% en valeur », conclut-il. Un avenir prometteur…
Un succès responsable
« Rendre sa société pérenne, ce n’est pas seulement faire des ventes. Il faut aussi prendre soin de ses équipes et de la planète ». Dominique Lanson s’inscrit dans une communauté d’entreprises françaises qui tirent vers le haut le reste des PME, grâce à son engagement en matière de responsabilité sociétale et environnementale (RSE).
Rica Lewis adhère à la Fédération des entreprises et entrepreneurs de France, et est la première marque textile à souscrire au label entrepreneur plus engagé (E+), créée en 2014. « Nous garantissons à nos distributeurs une traçabilité qui rassure », souligne le dirigeant qui retraite 60% de l’eau de ses usines certifiées Iso 9001. Dans cette démarche, Rica Lewis travaille à installer un système de recyclage de ses jeans auprès des GSA.
Rica Lewis en chiffres :
CA : 20 M€
Pièces vendues en 2016 : 1.100.000, dont 15% à l’export
Points de vente : 2.000
Actionnariat : 100% Riorda
Production : Pakistan (75%), Égypte (25%)
Salariés : 40
Concurrence : Complices, groupe VF Corp (Hero by Wrangler, Maverick et Old Axe), Levi Strauss…