Les révélations du «Canard Enchaîné» ont mis à mal la république exemplaire prônée par Emmanuel Macron. Alors qu’une loi sur la moralisation de la vie politique est attendue, Richard Ferrand, ancien secrétaire général d' »En Marche! », l’une des principales chevilles ouvrières du mouvement qui a porté Emmanuel Macron au pouvoir, ministre de la Cohésion des territoires, est au cœur d’une polémique…
Ces soupçons n’ont pas manqué de faire réagir ses opposants politiques. Si le Front National a demandé la démission du ministre de la Cohésion du territoire, le parti Les Républicains avait auparavant annoncé son intention de saisir le Parquet National Financier (PNF) pour qu’il ouvre une enquête sur les «agissements» présumés du membre du gouvernement.
Mais le PNFn’a pas souhaité se saisir du dossier, renvoyant cette affaire au Parquet de Brest. La décision est tombée très vite en cette fin de semaine. Le Tribunal de Brest considère qu’il n’y a pas lieu de lancer des investigations concernant les faits dénoncés par «Le Canard Enchaîné»
Dans un communiqué, le procureur Eric Mathais dit avoir «procédé à une analyse juridique pour déterminer s’il devait se saisir et diligenter une éventuelle enquête». «Au terme de celle-ci», conclut-il, «il apparaît, qu’en l’état, aucun des faits relatés n’est susceptible de relever d’une ou plusieurs qualifications pénales permettant d’ouvrir une enquête préliminaire».
La crainte d’une enquête judiciaire et d’une éventuelle mise en examen s’éloigne donc pour Richard Ferrand, l’un des proches de la première heure d’Emmanuel Macron et ministre de la Cohésion des territoires. Les faits dénoncés, mercredi, par le «Canard Enchaîné», sur une affaire immobilière concernant sa compagne, ne constituent pas une infraction et, à ce titre, ne permettent pas d’ouvrir une enquête, a annoncé le procureur de la République de Brest.
Dans son édition de mercredi dernier, le «Canard Enchaîné» avait révélé, que Richard Ferrand, tout juste nommé ministre, avait notamment confié à son fils un emploi d’assistant parlementaire. Une pratique au coeur de «l’affaire Fillion». L’hebdomadaire avait également indiqué que, lors de son mandat à la tête des Mutuelles de Bretagne, l’homme avait loué des locaux à une société civile immobilière, qui s’avérerait être celle de sa femme.
En effet, les Mutuelles de Bretagne, dont Richard Ferrand était le Directeur Général, ont souhaité, en 2011, louer des locaux commerciaux, à Brest, pour ouvrir un centre de soins. Selon le journal satirique, Richard Ferrand a utilisé les Mutuelles de Bretagne pour enrichir le patrimoine de sa compagne. En 2011, cette société était à la recherche d’un local, à Brest, pour y installer un centre de soins.
Cette société a choisi, entre trois propositions, celle d’une société immobilière appartenant à la compagne du ministre, Sandrine Doucen. Leur choix s’est arrêté sur une société civile immobilière (SCI), la Saca. Or cette SCI, qui n’était pas encore complètement constituée au moment de ce choix, était gérée par la compagne de Richard Ferrand qui n’était pas encore propriétaire du local.
Ce choix, par les Mutuelles de Bretagne, a été une aubaine. Il a permis à la Saca d’obtenir un prêt bancaire pour acquérir le local et y effectuer des travaux. Rien d’illégal, selon Richard Ferrand, qui affirme que tout s’est fait en parfaite transparence.
Le déroulé de l’opération peut soulever plusieurs questions. Lorsque la décision est prise, le 25 janvier 2011, par le bureau du conseil d’administration de l’organisme, auquel Richard Ferrand assiste, bien qu’il n’en fasse pas partie, l’offre est préférée à deux autres. Elle est avantageuse puisque le loyer annuel est de 42.000 euros pour une surface de 379 m².
Sandrine Doucen, cogérante de la SCI, désormais propriétaire des murs, n’avait pas finalisé l’acquisition des locaux. La Société civile immobilière n’était pas encore constituée et l’acte de vente n’a été formalisé que le 1er juillet suivant, près de 5 mois après la validation du contrat de location. Une temporalité qui pose problème et qui remonte à la surface alors que le gouvernement a fait de la loi de la moralisation de la vie publique l’un de ses premiers chantiers
Pris dans la tourmente des affaires depuis quelques jours, Richard Ferrand, ministre de la Cohésion des territoires a reçu le soutien du porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner, sur «France Info». «Il y a un débat Ferrand, il n’y a pas une affaire Ferrand», a affirmé le secrétaire d’Etat chargé des Relations avec le Parlement. Alors que le gouvernement, dans son ensemble, est derrière Richard Ferrand, de nombreux opposants ont demandé la démission du ministre, après seulement deux semaines à son poste. Une éventualité mise de côté par Christophe Castaner, qui considère que cette affaire «ne relève absolument pas d’une illégalité quelconque».
Richard Ferrand, contacté par nos confrères de BFM TV, assure qu’il n’y a rien d’illégal: «Les administrateurs et les administratrices du conseil d’administration, dont je ne fais pas partie, ont retenu la meilleure offre pour les conditions de travail des salariés. Et, non seulement les Mutuelles de Bretagne n’ont pas été lésées, mais elles savaient parfaitement que ma compagne gérait la SCI Saca», explique-t-il: «Le prix était conforme au marché, et rien n’a été caché».
A l’annonce de cette parution, Matignon a rapidement réagi et pris la défense du nouveau ministre de la Cohésion des territoires. «L’honnêteté de Richard Ferrand n’est pas en cause. Personne ne conteste que cette opération a été profitable aux Mutuelles de Bretagne», ont-ils déclaré dans un communiqué.
Autre singularité: le tout nouveau ministre recourt volontiers aux services de ses proches. Sa compagne a effectué des consultations juridiques pour les Mutuelles de Bretagne. De surcroît, son fils a été son assistant parlementaire durant quelques mois, en 2014. Il a touché un total de 8.700 euros bruts, un montant qui reste loin des sommes conséquentes de l’affaire Pénélope Fillon. Et surtout, rien n’indique que ce travail octroyé par Richard Ferrand à son fils était fictif. Sans s’avancer sur le fond, le Parquet National
Financier fait savoir qu’il étudiera ces informations avec l’attention qu’elles méritent. Le gouvernement explique, de son côté, que la transparence a été respectée.
Cette affaire est-elle susceptible de mettre le gouvernement dans l’embarras, au moment où la loi sur la moralisation de la vie politique est en préparation. Pas forcément, étant donné qu’aucune suite n’a été donnée, pour l’instant à ces différentes accusations.