Je m'abonne

Riou Glass : le verrier normand ne connaît pas la crise


Riou Glass est le symbole de ces ETI françaises qui se développent en silence.

Christine Riou Feron, vice-présidente du groupe Riou Glass.

Fondé par Pierre Riou en 1979, l’entreprise normande, spécialisée dans la fabrication et la transformation du verre, vient de fêter ses 40 ans. Elle est le symbole de ces ETI françaises qui se développent en silence.

C’est l’histoire d’une réussite entrepreneuriale dont on parle peu. Située dans le Calvados, l’entreprise Riou Glass n’a jamais fait la « Une » des journaux. Pourtant, la société familiale existe depuis 40 ans et emploie aujourd’hui plus de 1000 salariés. Sa spécialité ? La fabrication et la transformation de vitrages pour les secteurs du bâtiment, du transport (ferroviaire, maritime, aérien…) et de la sécurité des personnes et des biens. Riou Glass fournit également d’autres industries comme la défense, l’énergie ou le mobilier alimentaire et urbain. L’entreprise normande équipe des commissariats, gendarmeries, des ministères ou encore des ambassades en verre par balle.

« On a un savoir-faire de 40 ans »

Tout a commencé en 1979 dans un garage. Fils de deux employés de ferme, Pierre Riou n’avait pas encore 30 ans lorsqu’il a décidé de se lancer avec sa femme, Christiane, à Pont-Audemer (Eure). « Je ne savais pas quoi faire », confiait-il à Paris-Normandie en novembre 2017. Celui qui n’a suivi qu’une formation en mécanique fonde une entreprise spécialisée dans la transformation de verre isolant. « Il s’est mis tout seul à rénover des maisons de Parisiens en Normandie, raconte Christine Riou Feron, la fille de l’autodidacte normand, aujourd’hui vice-présidente du groupe. Il s’est rendu compte qu’il fallait six à huit semaines pour remplacer un vitrage. Il a alors voulu trouver un moyen de raccourcir ce délai. Les banquiers n’ont pas suivi. C’est pour ça qu’il a a décidé de créer sa propre machine. » Pierre Riou réduit les délais de 3 mois à 8 jours et dépose plusieurs brevets relatifs à ses innovations, fixant dans le marbre le savoir-faire technologique de ce qui allait devenir Riou Glass. « On a un savoir-faire de 40 ans, glisse Christine Riou Feron. Des années de travail et un couple engagé qui réinvestit tous les ans ce qu’il gagne, voilà comment on crée un groupe industriel. »

Un partenariat avec son principal concurrent : Saint-Gobain

Parti de rien, le couple Riou a bâti un groupe qui a rapidement atteint la rentabilité. En 1983, ils ont lancé leur propre unité de fabrication de double-vitrage : l’usine historique VIP (Vitrages isolants de Pont-Audemer), située à Boulleville (Eure). Plus de 35 ans plus tard, l’entreprise normande se présente comme l’un des « premiers acteurs verriers européens et le numéro deux français », notamment grâce à une très forte croissance ces quinze dernières années. « Nous sommes le premier acteur français indépendant et familial », précise Christine Riou Feron, qui a fait son entrée dans l’entreprise en 2011 en tant qu’assistante de direction et est diplômée de Neoma Business School.

Le groupe est même redevenu intégralement familial en décembre dernier suite au rachat des parts détenues par la Bpi. Associé à son concurrent Saint-Gobain — numéro un français de la transformation du verre — à parts égales dans l’usine Eurofloat (200 salariés), située dans l’Isère, qui produit du verre plat, Riou Glass est en outre le premier groupe indépendant à avoir remonté la filière du verre. « Une première en France depuis la création de Saint Gobain en 1665 », glisse, enthousiaste, Christine Riou Feron. L’usine iséroise produit 200 000 tonnes de verre brut par an. « Cette usine ne peut pas s’arrêter : elle est fait pour tourner jour et nuit pendant 15 ans. »

Des ambassades, des tribunaux ou encore des prisons

Désormais fabricant de verre, Riou Glass s’est surtout fait connaître pour son savoirfaire en matière de transformation du verre. Répartie dans quinze usines en France, la production de l’entreprise familiale s’adresse à un portefeuille de clients très large avoisinant les 6000 clients. « On travaille avec des industriels, des façadiers, des menuisiers… On fait également beaucoup de chantiers. La grande majorité de notre chiffre d’affaires est réalisée sur le marché du bâtiment (fabricant de fenêtres, installateurs, agencement intérieur, façadier…), une petite partie dépend du para-automobile (bus, engins de chantier, de levage, ferroviaire…), le reste ce sont des industries spécifiques. » Riou Glass s’est notamment spécialisé dans le vitrage pare-balles. Numéro un français sur ce segment, l’ETI fournit des ambassades, des tribunaux ou encore des prisons.

Si l’international est un « levier de croissance » pour l’avenir, Riou Glass est pour l’heure essentiellement présent en France et dans les pays limitrophes (Belgique, Espagne…). « L’export concerne les produits à valeur ajoutée (pare-balles, vitrage décoratif spécifique…), détaille Christine Riou Feron. Le verre est compliqué à transporter. Chaque site de production livre des clients dans un rayon de 200 kilomètres autour de lui. »

« Ce n’est pas la finance qui nous motive au quotidien, c’est l’aventure humaine, la fierté et la promotion de nos valeurs. »

4 M€ investis

En raison de la dimension capitalistique du secteur, Riou Glass est contraint d’investir chaque année plusieurs millions d’euros. Entre 2019 et 2020, l’entreprise normande a injecté 4 M€ dans son appareil de production. Pour rester à la pointe et ne pas se faire rattraper par la concurrence, elle intègre de nouvelles technologies, comme l’impression numérique récemment. Pour financer son développement, ETI familiale n’a pour habitude d’être accompagnée ou de solliciter des aides. Tout au plus a-t-elle accepté les fonds de la Bpi pour relancer l’usine Eurofloat. « Auparavant, on faisait peu appel aux aides qui sont du ressort du territoire ou aux subventions publiques, détaille Christine Riou Feron. Notre R&D, en dehors du pare-balles, est totalement autofinancée. C’est propre à la structuration de l’entreprise. Mais il faut qu’on soit mieux organisé sur ces sujets. Pendant 40 ans, mes parents ont mis leur énergie dans le développement sans se poser la question d’optimiser ou de demander de l’aide. Aujourd’hui, on structure le groupe pour se faire accompagner et financer certains projets. » Si l’approche de Riou Glass en matière de financement pourrait donc évoluer, les « valeurs familiales restent », selon Christine Riou Feron.

« Ce n’est pas la finance qui nous motive au quotidien, c’est l’aventure humaine que l’entreprise représente, c’est la fierté et la promotion de nos valeurs, c’est l’engagement sociétal. Chez nous, les équipes ne sont pas des numéros. Nous sommes une famille. C’est une aventure industrielle qui passe par l’homme. » Une aventure industrielle qui dure depuis plus de 40 ans…

Thibaut Veysset

À voir aussi