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IA : Niel et Saadé peuvent-ils rivaliser avec les géants mondiaux ?


Avec Kyutai, Xavier Niel s’associe au patron de CMA CGM Rodolphe Saadé et l’ancien patron de Google, Éric Schmidt, pour lancer le premier laboratoire d’intelligence artificielle français en accès libre.

Le président du Groupe Iliad Xavier Niel et le PDG de CMA CGM Rodolphe Saade (Photo Firas Abdullah/ABACAPRESS.COM)

Xavier Niel est incontournable. Son family office, Kima Ventures, intervient financièrement dans de très nombreuses startups, aidant ces dernières à choisir la meilleure voie pour parvenir au succès. Son associé Jean de la Rochebrochart s’est récemment exprimé dans la presse, mettant en avant l’idée qu’il conviendrait de supprimer les taxes qui viennent entraver le développement des entreprises qui se lancent dans l’I.A. et le cloud afin de pouvoir véritablement rivaliser avec les Américains.

Tous deux joignent l’action à la parole en investissant dans quelques belles pépites, des initiatives privées absolument indispensables pour que la France soit partie prenante à la grande bagarre qui est déjà en cours.

Millions sur la table

Xavier Niel n’a plus à prouver son engagement en faveur du dynamisme de l’écosystème français. En créant Station F et l’École 42, il a pris l’initiative de favoriser l’entrée dans un nouveau monde, inspirant des initiatives plus modestes, mais foisonnantes. L’homme reconnaît que la France n’a pas à rougir de son expertise en matière d’I.A, encore faut-il avoir les ressources nécessaires pour passer à l’étape suivante qui est absolument cruciale, celle de la commercialisation. Business is business.

Comme son ancien protégé Octave Klaba et ses ambitions de leadership européen dans le cloud face aux omniprésents nord-américains, Xavier Niel a décidé de mettre ses forces au service d’un nouveau combat : participer à la création d’une structure leader en Europe dans l’I.A. Hors de question de se trouver de nouveau dépendant de la technologie américaine, déjà omniprésente. Il est bon de voir des entrepreneurs clamer haut et fort que les savoir-faire européens et français doivent prendre les premières places. Le clamer, mais également investir dans cette aventure ambitieuse.

L’Europe enregistre déjà du retard, il est temps de réagir. OpenAI ne doit pas étouffer le marché dans l’œuf. Créer cet écosystème semble du domaine du rêve, comme tous les grands projets entrepreneuriaux d’envergure dans un monde qui vit une disruption majeure en matière technologique. Il y va de l’avenir, car celui qui contrôle les données dispose d’un immense pouvoir s’il est capable de les exploiter. Et, pour Xavier Niel, se mettre dans les mains des États-Unis ou de la Chine serait un terrible échec pour tous.

Un enjeu primordial

Ce qui est en train de se jouer à présent n’est pas pour Xavier Niel une simple histoire d’entreprises. La culture, l’histoire future sont en jeu. Être diplômé est souvent un atout, mais un autodidacte aussi doué que lui peut aussi « renverser la vapeur ». Décision, réaction. L’entrepreneur a déjà fait l’acquisition d’un supercalculateur, « la plus grande puissance de calcul Cloud dédiée aux applications IA en Europe à ce jour » afin que sa filiale du cloud, Scaleway, puisse lutter à armes égales avec ses concurrents.

Créée en 1999 et présidée par Arnaud de Bermingham, l’entreprise est située à Paris, Amsterdam et Varsovie. Avec 25 000 clients dans 160 pays, elle a déjà largement fait ses preuves. Le premier pas est la création d’un laboratoire d’excellence, doté de chercheurs dédiés à l’IA. Il a déjà un nom : Sphère, et dispose de 100 millions d’euros pour aller de l’avant. Présidé par Xavier Niel, le laboratoire dispose déjà de son équipe de chercheurs dont les résultats de travaux seront accessibles afin de promouvoir l’accès à l’IA au plus grand nombre. Il s’agit aussi d’agir pour former de nouveaux chercheurs dans ce domaine dans le but de renforcer cet écosystème encore balbutiant. Après internet pour tous, bientôt l’IA pour tous.

Scaleway et Nabuchodonosor

L’ex Online SAS, aujourd’hui Scaleway, a été créée en 1999. Cette filiale d’Iliad est un spécialiste de l’hébergement internet. En vingt ans, l’entreprise a réussi à réunir quelques 120 000 serveurs sur ses centres de données, ce qui le met juste derrière OVHCloud, dans le trio de tête européen. Son supercalculateur équipé de systèmes Nvidia porte le nom imposant de Nabuchodonosor, une variante plus petite est également proposée, Jéroboam.

L’offre s’adresse notamment à des acteurs européens ayant besoin de puissances élevées de calcul, une solution de stockage y est également disponible. La stratégie et le concept sont clairs, il s’agit de créer une souveraineté européenne afin de garantir la sécurisation des données sensibles de nos territoires. À ce dispositif s’ajoute une conférence européenne annuelle sur l’IA, dont la première a eu lieu le 17 novembre dernier à la Station F avec les partenaires de Scaleway, Nvidia et Ampere Consulting. Sa mission est de mettre en lumière les dernières avancées en matière d’IA pour les entreprises et d’anticiper les tendances à venir. Des centaines de millions. Une somme qui semble astronomique et pourtant modeste, même s’il s’agit d’une mise initiale 100% française. Microsoft a mis la barre haut avec OpenAI et son ChatGPT.

Les centaines de millions d’euros vont devoir rivaliser avec la dizaine de milliards de dollars. Mais, l’entrepreneur a spécifié qu’il ne s’agissait que d’une première étape. Où sont donc les Xavier Niel européens au moment où l’on vient d’apprendre qu’un consortium d’industriels allemands réunis sous l’égide du distributeur Lidl lançait son propre fonds dédié à l’IA ?

Claudio Flouvat

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