Nous sommes encore loin de l’émergence d’un projet de Loi, mais les prémisses semblent se dessiner. Il s’agissait d’un des axes majeurs de la campagne du Président de la République Emmanuel Macron : redonner à l’Entreprise la place qu’elle mérite.
C’était donc l’essence même des quelques 200 consultations menées par Jean-Dominique Senard et Nicole Notat, donnant lieu à près d’une quinzaine de recommandations aux fins d’intégrer les enjeux socio-environnementaux dans les paradigmes des sociétés commerciales.
A l’heure où la défiance à l’égard des entreprises est palpable, a fortiori celles qui incarnent le « Grand Capital », il émanait d’une volonté politique et d’une conscience profonde de la nécessité de rapprocher les français et l’Entreprise, la certitude qu’il fallait révolutionner son statut.
Une nuance hautement symbolique
En enjoignant les parlementaires à faire évoluer les Articles 1833 et 1835 du Code Civil, les deux rapporteurs initient le pas d’une transformation. Ainsi, la célèbre stipulation : « Toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l’intérêt commun des associés », tendrait vers un amendement notable : « La société doit être gérée dans son intérêt propre, en considérant les enjeux sociaux et environnementaux de son activité. »
La nuance est palpable et hautement symbolique ; l’intérêt de la constitution d’une structure commerciale n’aurait plus pour seul but l’enrichissement pécuniaire ou moral de ses associés, mais intégrerait pleinement une dimension socio-environnementale propre à son domaine.
En somme, une prolongation de la Responsabilité Sociétale de l’Entreprise, fortement encouragée depuis ses dernières années, mais dont l’avantage concurrentiel principal demeure la réputation qui en découle.
En effet, même si le décret n° 2017-1265 du 9 août 2017 complète la transposition de la directive RSE (directive 2014/95/UE relative à la publication d’informations extra-financières par les entreprises) initiée par l’ordonnance n° 2017-1180 du 19 juillet 2017 relative à la publication d’informations non financières par certaines grandes entreprises et certains groupes d’entreprises, elle ne concerne que les structures dépassant un certain seuil.
Dépasser les connotations de lucrativité ou de mécénat
Initier une révolution du Code Civil traduirait une volonté de faire de la norme socio-environnementale une variable commune à toute société constituée.
L’enjeu sociétal s’inscrirait également durablement par la modification des édictions du Code de Commerce, aux fins de confier aux conseils d’administration et de surveillance l’élaboration d’une « raison d’être », en intégrant pleinement ces préoccupations, permettant ainsi la création « d’entreprises à missions ».
Il s’agirait de dépasser les connotations de lucrativité ou de mécénat, en mettant la performance économique d’une entreprise au service d’une quelconque mission, d’ordre sociale, solidaire, ou environnementale.
Or, paradoxe, les français considèrent déjà, à plus de 60%, que les entreprises ont un rôle à jouer plus important que les gouvernements eux-mêmes dans l’élaboration d’un avenir meilleur, et près des trois-quarts qu’elles ont « plus de pouvoir que jamais pour transformer la société ». Sans doute devant les échecs successifs des responsables politiques de tous bords, à pouvoir pallier les problématiques rencontrées au quotidien par les citoyens.
Dans l’attente d’une inscription durable de ce partenariat de chaque instant entre entreprises et causes louables par une modification des textes législatifs, les pouvoirs publics encouragent, notamment par des avantages fiscaux non négligeables, à développer cet entre-lien.
Associer davantage les salariés aux prises de décision
Ainsi, le mécénat d’entreprise connaît depuis quelques années une embellie exponentielle, les dirigeants ne se privant plus d’allier défense du patrimoine ou soutien de causes d’intérêt général, avec économie d’impôt, par la possibilité de déduire de 60% du montant de leurs dons.
Mais le Rapport Sénard/Notat propose également d’associer davantage les salariés aux prises de décision de la structure qui les emploie. Ainsi, préconise-t-il de renforcer, à partir de 2019, le nombre des administrateurs salariés dans les conseils d’administration ou de surveillance des entreprises de plus de 1.000 salariés, à deux salariés à partir de 8 administrateurs non-salariés et trois salariés à partir de 13 administrateurs non-salariés.
Mais soyons honnête, il est peu probable que l’on débouche sur des mesures coercitives. Il semblerait plutôt que l’on tende vers ce que les anglo-saxons appelle le principe de « soft-law » ; Inciter plutôt que contraindre.
Le Ministre de l’Économie Bruno Le maire lui-même, avait d’ailleurs affiché sa préférence pour éduquer, plutôt que de sanctionner.
L’intérêt de la question réside dans le fait de savoir, compte tenu des avancées majeures en matière de responsabilité socio-environnementale initiées par les entreprises de la PME à la multinationale depuis quelques années, si une Loi est réellement nécessaire.
Romain GERARDIN-FRESSE
Romain GERARDIN-FRESSE est expert Juridique, Docteur en Droit et Associé du Cabinet GFK Conseils-Juridis.
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