Nous avons connu une fulgurance industrielle, qui s’est abîmée avec le temps, et la mutation des modèles économiques. C’est là le destin de toute économie, ce que Schumpeter matérialise par l’exposé de ces cycles économiques, ces répétitions au cours du temps de phases d’expansion fortes, synonymes de croissance, puis de dépression.
A l’aune des trente glorieuses, notre pays a connu ce que Nicolas Baverez a très justement qualifié de « trente piteuses ». Une morosité qui contrastait drastiquement avec les années passées.
Il ne faut pas oublier que des années 1950 aux années 1970 environ, période tout de même pas si lointaine à l’échelle de notre pays, le taux de croissance de la production en France flirtait avec les 5 % l’an, le double de la croissance américaine.
Mais l’évolution de notre système de production et de consommation, l’obsolescence des méthodes de gestion, l’évolution des échanges commerciaux mondiaux et l’apparition de nouveaux modèles économiques ont radicalement transformé le paysage économique et ont contribué à une fracture sociale qui a eu une incidence lourde.
Depuis 1981, les gouvernements successifs ont fait de la réparation de ce schisme social une priorité, mais la méthode n’a pas toujours été la bonne. Elle a d’abord été particulièrement couteuse, et souvent mal organisée.
Nous avons préféré développer l’assistanat plutôt que l’accompagnement
En cela, nous pallions les difficultés économiques des plus précaires, mais les outils d’accompagnement vers le retour à l’emploi pour les personnes qui s’en sont éloigné ou qui en sont sorti ne sont pas suffisamment efficaces.
Le fameux plan des 500.000 lancé par François Hollande le 18 Janvier 2016, l’instauration d’un quota de formations à faire réaliser par Pôle Emploi aux chômeurs inscrits, organisme d’Etat qui est au cœur de la problématique, est l’exemple type de cette inefficacité.
Résultat : 200 M€ encore dépensés en 2017, après les coûts pharaoniques de 2016. Et les écueils se sont multipliés ; organismes peu scrupuleux, formations qualifiées de « bidon » par les chômeurs eux-mêmes, débouchant même sur un dépôt de plainte par deux d’entre eux, contre Pôle-Emploi, et surtout des chiffres profondément éloquents ;
Si l’accès à la formation a bondi entre 2015 et 2016, passant de 8,4 % à 15,1 %, le taux d’accès à un emploi durable en fin de formation a reculé.
La problématique principale est la crainte des employeurs d’embaucher
Si cette formule est éculée, à force de le ressasser, elle n’en est pas moins toujours d’actualité, même s’il faut reconnaître depuis 2015 un optimisme renaissant, surtout concernant les PME.
La multiplication des contraintes fiscales et sociales et le poids des obligations administratives qui ont gangréné chroniquement la vie des dirigeants d’entreprise depuis trente ans ont été autant d’obstacles incontestables.
Il est difficilement concevable pour un dirigeant qui souhaite embaucher un salarié à 1.250€ mensuel net, de s’apercevoir que le poste salaire chargé lui coûte en réalité 1.924,00€, soit 154% de la rémunération qu’il souhaite allouer.
Couplé aux obligations sociales, et l’absence de flexibilité prévue par notre Code du Travail, la conclusion logique est d’éprouver une attitude réfractaire.
Allègement de la charge de l’entrepreneur
En plafonnant et encadrant les indemnités prud’homales accordées en cas de litige, il fait sauter un verrou supplémentaire de réticence à l’embauche en contrat à durée indéterminée. Même si cette réforme n’est pas parfaite, la visibilité est relativement satisfaisante pour le salarié comme pour l’employeur.
En annonçant la fin du forfait social pour les entreprises de moins de 250 salariés, ouvrant la voie à une défiscalisation de la rémunération en part variable, concernant 11 millions de français, soit 60 % des salariés du secteur privé, il va également dans le sens de l’allègement de la charge de l’entrepreneur.
Les 35 heures, une disposition catastrophique
Les 35 heures ont peut-être, pour certains, le goût d’un acquis social, en revanche pour les dirigeants d’entreprises, privées ou publiques d’ailleurs, cette disposition a été catastrophique.
Comment est-il envisageable, à l’ère de l’instantané, où la réactivité est une variable essentielle si ce n’est indispensable du succès, d’obliger à travailler moins ?
Car, censée être vecteur d’emploi, cette mesure couplée à la fiscalisation outrancière des heures supplémentaires, et à la frilosité légitime éprouvée par de nombreux chefs d’entreprise de prendre le parti d’embaucher, elle fut en définitive synonyme de désorganisation massive et de destruction commerciale.
La flexibilité en matière de droit social est la clé
Cela ne permettra sans doute pas de retrouver le plein emploi, mais une plus grande diminution des contraintes horaires mensuelles permettrait sans nul doute de conforter l’entrepreneur dans sa velléité d’embauche.
Considérant qu’il puisse adapter sa charge salariale, entendu comme tel le nombre d’heures rémunérées, en fonction de ses besoins de production ou de la demande à laquelle il doit répondre, il serait davantage enclin à passer le pas de l’embauche.
Aux fins de mettre l’accent sur la sécurisation de l’emploi, il pourrait être opportun d’envisager un contrat pérenne, c’est-à-dire qui ne soit pas limité dans la durée, amendé d’une modulation du temps de travail en fonction des besoins de l’entreprise, tout en conservant un plancher et un plafond des heures mensuelles.
Considérant que cette mesure serait moteur de retour à l’emploi pour nombre de chômeurs, le coût de leur indemnisation sur les finances publiques (aujourd’hui un peu plus de 33 Md€ pour l’Unédic), serait de facto allégé.
Il pourrait alors être opportun, par un effet de seuil, d’envisager un complément de revenu mensuel, sous la forme d’une prime d’activité, plafonnée selon un barème prédéfini, qui permettrait une variation faible de leur rémunération les mois où la demande est moins forte.
Il n’est pas question de précariser l’emploi
Mais trop de sécurité salariale emportant rigidité en matière sociale, peut amener à tuer la productivité des entreprises, et à décourager les employeurs, forces vives et poumons de l’activité économique de notre pays.
Il est temps de considérer que la mutualisation des efforts et l’adaptabilité au changement sont les seules variables d’une économie performante et responsable.
Romain GERARDIN-FRESSE s’est vu décerner le 19 Mai dernier le titre de Grand-Officier de l’Encouragement Public, Œuvre Française d’Entraide Sociale fondée en 1932, pour l’ensemble de son parcours professionnel et personnel et son implication socio-économique. Il est lauréat 2019 pour la médaille de la Ville de Paris.