par Michel Sapranides, chef d’entreprise
Tribune. La Responsabilité Sociétale de l’Entreprise est bien plus qu’une composante de la loi PACTE. Ce n’est pas qu’un discours politique. C’est bien entendu une vision, certes. Mais c’est un mouvement de fond qui transforme notre société toute entière.
En réalité, les entreprises font de la RSE depuis toujours, particulièrement dans le volet social. La volonté de servir un intérêt commun a toujours existé. Mais aujourd’hui, elle se développe avec une Raison d’être dans une démarche structurée, quasi systématique et à tous les niveaux, en vue d’atteindre un impact bien plus fort.
La RSE est un sujet universel : cela concerne les entreprises, les associations de professionnels, les employés… En 2022, et surtout depuis la crise sanitaire, tout le monde cherche à donner du sens à son projet professionnel.
Évidemment dans les grands groupes, la RSE se déploie tambour battant. Une aubaine pour motiver les équipes, un peu déboussolées dans des chaînes de productions gigantesques. Ainsi que pour l’emploi : les candidats préfèrent de plus en plus travailler dans une entreprise engagée. C’est aussi un moyen de soutenir sa valorisation boursière grâce à une image innovante. Alors en pratique, la RSE se concrétise souvent en adoptant une armada de règles éditées, de publicités et de KPI (Indicateurs Clefs de Performance).
Quid des PME ?
Dans la mise en pratique de la RSE, force est de constater une grande différence, voire une complémentarité, entre les grands groupes et les PME.
D’une part, les grands groupes sont les nourriciers et les inspirateurs pour les PME. Les PME doivent justifier d’une démarche RSE, ne serait-ce que pour figurer au panel des fournisseurs des grands groupes.
D’autre part, dans les PME, le chef d’entreprise est « CoE » (Chief of Everything), autrement dit, il est sur tous les fronts : le commerce, les ressources humaines, les achats… et désormais la RSE. Leur agilité est fortement soutenue par leur structure à taille humaine, ainsi que la figure du patron animé par des valeurs fortes, proche de ses employés. Les PME sont d’ailleurs plébiscitées comme lieux d’épanouissement, de reconnaissance et du possible. Dans ces conditions, on ne peut que se réjouir du fait que 99 % des entreprises de l’Union Européenne, y compris en France, comptent moins de 50 salariés.
En matière de RSE, les PME ont le mérite de développer un cercle vertueux, en générant de la croissance grâce à leur contribution sociétale, et en y investissant en retour.
En définitive, la RSE est un outil idéal pour différencier les PME des grands groupes. En règle générale, il est difficile pour une PME de s’aligner sur les moyens des grandes chaînes. C’est ici que la RSE intervient : si une petite entreprise a une conscience sociétale, elle peut séduire les consommateurs et clients qui seront prêts à soutenir une entreprise qui redonne du sens à la société.
De surcroît, ces temps de hausse des prix du carburant sont l’occasion ou jamais d’appliquer la RSE aux transports. Une mobilité plus responsable sert à la fois l’intérêt collectif, et les intérêts de la PME. Passer à l’électromobilité et même sous-traiter sa flotte à des véhicules verts sont aujourd’hui des moyens efficaces, pour les PME, de contourner habilement une hausse des coûts. Cette optimisation des coûts est aussi l’opportunité de développer encore davantage les économies circulaires, notamment en matière de collecte et recyclage des déchets du BTP, et notamment via des plateformes comme Cycle Up. L’enjeu est d’autant plus grand qu’on dénombre au moins deux mille PME françaises directement touchées par la crise ukrainienne.
En définitive, on notera que les grands groupes choisissent la RSE davantage sous la contrainte réglementaire, quand les PME y voient surtout une stratégie entrepreneuriale. D’où l’intérêt, définitivement supérieur, pour les PME à adopter une démarche responsable.
En atteste la quantité d’initiatives et de labels, mis en place tant par les institutions que de la société civile, en vue d’inciter les PME à développer leur performance extra-financière. Mais la voie royale vers l’engagement, c’est la possibilité pour chaque structure de devenir entreprise à mission et, ainsi, de bénéficier d’un moyen significatif de valoriser son impact. La plateforme Impact.gouv lancée par le Ministère de l’Économie et des Finances constitue aussi une excellente préparation des entrepreneurs à la déclaration des quarante-sept indicateurs extra‑financiers, prochainement rendue obligatoire par la directive européenne CSRD. D’autres plateformes comme meilleures-entreprises.com ont aussi le mérite de valoriser, auprès du grand public, l’impact des acteurs économiques les plus engagés.
La stratégie, c’est une chose. Sa mise en pratique, c’en est une autre. Aussi, une RSE efficace passe par un réel partage de convictions entre un dirigeant, son administrateur indépendant – tel que défini par APIA, des collaborateurs, des partenaires fournisseurs, une communauté et bien sûr des Clients.
Aux récalcitrants, il convient d’exposer les nombreux intérêts de la RSE pour les PME. Tout d’abord, c’est une affaire de conviction, à ne surtout pas confondre avec le greenwashing. Aussi, il faut faire confiance aux clients, qui savent toujours reconnaître les entreprises engagées, et les récompenser à leur juste mérite. D’autant que la RSE est un mouvement de fond dans la société, qui concerne un nombre toujours grandissant d’entreprises ayant compris l’intérêt d’être engagées. Une autre composante trop méconnue de la RSE est l’innovation, qui fait tendre l’économie vers des modèles autant durables que rentables. Aussi, quand la nouvelle génération de travailleurs recherche des métiers qui ont du sens, la RSE est un levier d’attractivité considérable sur le marché de l’emploi et, surtout, pour retenir ses collaborateurs. À cette dynamique participent aussi les investisseurs ayant, naturellement, très bien compris leur intérêt à miser sur les entreprises engagées qui feront l’économie de demain.
Michel Sapranides