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Sadri Fegaier (SFAM) : « Si vous voulez créer un concept, il faut aller au bout des choses »


En 2010, Sadri Fegaier a inventé un concept : l’assurance tous risques pour les téléphones portables. Moins de 10 ans plus tard, l’ancien vendeur dirige une ETI numéro un en Europe et valorisée plus d'un milliard d'euros. Entretien avec un entrepreneur qui avance au pas de course.

Entreprendre - Sadri Fegaier (SFAM) : « Si vous voulez créer un concept, il faut aller au bout des choses »

En 2010, Sadri Fegaier a inventé un concept : l’assurance tous risques pour les téléphones portables. Moins de 10 ans plus tard, l’ancien vendeur dirige une ETI numéro un en Europe et valorisée plus d’un milliard d’euros. Entretien avec un entrepreneur qui avance au pas de course.

Vous n’avez pas eu le parcours classique de l’entrepreneur avant de lancer SFAM…

J’ai grandi dans la région Rhône-Alpes. Une fois mon BTS en poche, j’ai ouvert un premier magasin de téléphonie mobile au tout début des années 2000 en tant qu’indépendant. Je n’avais aucun sou en poche. J’ai investi 50 000 francs que j’avais pu emprunter à la banque. En 2002, j’ai basculé en Espace SFR. J’ai poursuivi mon développement régional en ouvrant cinq boutiques. J’ai ensuite consolidé mes fonds propres pour préparer la suite.

En 2010, le secteur de la téléphonie mobile est bousculé par l’arrivée de Free. Est-ce le déclic ?

Absolument. Je me rends compte qu’un marché s’ouvre, celui de l’assurance affinitaire sur la téléphonie et le multimédia, et qu’il est mal exploité. J’ai alors fait l’inverse des concurrents : il existait des assurances au tiers – les clients confrontés à un sinistre n’étaient donc jamais pris en charge –, j’ai donc proposé une assurance tous risques. Nous avons été les premiers à couvrir jusqu’à la perte du produit.

En parallèle de votre activité sous la bannière SFR, vous concevez un autre projet qui deviendra SFAM.

En 2010, nous avons commencé à commercialiser des produits d’assurance dans nos propres magasins. J’ai pris quelques risques car je n’avais aucun accompagnement financier au départ. Ce sont mes fonds propres qui m’ont permis de réinvestir dans le marché de l’assurance.

« J’ai fait l’inverse des concurrents »

Quel est le concept sous-jacent à cette offre d’assurance ?

Le concept repose sur plusieurs points clés : des produits de qualité ; 900 télé-conseillers basés en France faisant de la rétention et de l’offre commerciale ; des formateurs dans les magasins car les vendeurs ne savent pas vendre du service ou de l’assurance. Entre 2010 et 2017, nous sommes devenus numéro un en Europe sur ce marché.

Vous avez multiplié votre chiffre d’affaires par dix en 4 ans et visez 500 M€ cette année. Comment gérez-vous une telle croissance ?

On a recruté plus de 1000 personnes en 2017, et nous serons 2000 en fin d’année. Le point clé est l’organisation. Dans le service, ce qui fait la différence, ce sont les équipes : il faut choisir les bonnes personnes. C’est donc moi qui ai recruté les 400 premiers collaborateurs. Ils sont tous passés dans mon bureau. J’ai joué au RH pour constituer de bonnes équipes. Le recrutement était la clé de tout. Si vous recrutez 100 personnes et que 90 s’en vont, c’est un drame. Nous sommes désormais passés à une autre phase : dupliquer le savoir-faire.

Vous êtes autodidacte. Comment avez-vous appris à gérer une ETI de 1300 salariés ?

La gestion d’une telle structure s’apprend tous les jours. Il faut accorder un soin particulier à la construction des différents services : direction, RH, juridique… Il faut aussi placer les bons responsables au bon endroit et les former. Une fois que vous avez les fondations, tout est plus simple. A titre personnel, cela représente beaucoup de travail et d’investissement. Enfin, il faut éviter de changer de cap constamment.

C’est-à-dire ?

Il faut aller au bout de sa stratégie et savoir faire le tri dans les conseils qu’on peut recevoir. Quand on est un chef d’entreprise, on reçoit beaucoup de conseils. Il faut entendre mais pas forcément écouter. Vous devez garder et imposer votre ligne de conduite. Si vous voulez créer un concept, il faut aller au bout des choses. Si on avait écouté les distributeurs, on ne l’aurait pas fait.

Vous êtes également allé à l’encontre de vos professeurs en BTS qui prévoyaient que le mobile ne marcherait jamais.

Oui. J’ai en effet entendu des gens me dire qu’on n’entendrait plus parler du portable dans deux ans ! J’en ai tiré une leçon : il faut rester confiant et avoir des convictions. Dès que vous êtes convaincu, il faut foncer.

« C’est moi qui ai recruté les 400 premiers collaborateurs »

Vous êtes issu d’un milieu populaire, votre mère était femme de ménage, votre père routier. Quelle place a occupé l’entrepreneuriat durant votre enfance ?

J’ai toujours voulu me lancer dans le commerce. J’avais l’âme du commerçant. Une entreprise reste un commerce. Au lycée, j’étais déjà VDI (vendeur à domicile indépendant, NDLR) et je vendais des téléphones portables dans la cour.

Un chiffre relatif à votre politique salariale circule dans la presse : 2500-3000 euros de salaire mensuel net. C’est une moyenne ?

Non, c’est le salaire de base chez nous. Ma stratégie consiste à m’appuyer sur les bonnes personnes. Dans le service, les équipes doivent être motivées et avoir envie de développer de la qualité. Il faut que les salariés soient dans de bonnes conditions de travail et que la rémunération soit à la hauteur.

Chez nous, le centre d’appels n’a rien à voir avec les call center offshore qu’on peut voir dans les reportages. Certains voient cette fonction comme un coût ; je la vois comme une valeur ajoutée. Je ne me trompe pas : notre taux de décrochés (proportion d’appels décrochés, NDLR) est bien meilleur que la moyenne, les équipes sont beaucoup plus investies. Notre qualité de service va bien au-delà de tout ce qui se fait. C’est ce qui fait la différence par rapport à la concurrence. Sur le marché français, tous nos salariés (1300, NDLR) sont basés en France.

Vous a-t-on déjà proposé de délocaliser votre centre d’appels dans un pays à bas coût ?

Bien sûr ! Plusieurs fois même… Mais une fois que nous expliquons notre stratégie, qui repose sur la qualité, les gens comprennent que cela n’aurait aucun sens.

Quid de l’export ?

En plus de la France, nous sommes déjà présents dans trois pays (Belgique, Espagne, Suisse), et nous serons bientôt implantés aux Pays-Bas, en Italie et en Allemagne.

« Au lycée, je vendais
des téléphones portables dans la cour »

La société a-t-elle traversé des moments difficiles ?

Il a parfois fallu être solide mentalement… On a été attaqué par la concurrence. Durant ces périodes, j’ai dit à mes équipes de ne pas perdre de temps avec ça et de prouver dans la durée. C’était une question de temps. La reconnaissance s’est établie dans la durée. Aujourd’hui, on a 2500 magasins. Mais en 2010, il a fallu aller prospecter distributeur par distributeur. Ça a été difficile.

Quand vous avez une croissance comme la nôtre, il faut arriver à rassurer le distributeur, tout en ayant la confiance de votre compagnie d’assurances (SFAM travaille avec MMA depuis 2010, NDLR). Il est essentiel de s’appuyer sur les bons partenaires et de soigner son réseau. Il faut également choisir les bons fonds.

Justement, vous avez ouvert votre capital en 2016. Deux ans plus tard, êtes-vous satisfait ?

Le fait d’avoir ouvert mon capital avec l’arrivée d’Edrip (Edmond de Rothschild Investment Partners, NDLR) a été une décision stratégique clé dans notre déploiement. Il ne faut pas hésiter de temps en temps à ouvrir son capital.

Quel est le sens de votre montée au capital de Fnac Darty (2ème actionnaire avec 11 % du capital) ?

On travaille avec ce groupe depuis plusieurs années. On a su développer une qualité de service et des volumes très importants avec eux. L’objectif numéro un est de continuer le développement commercial de nos produits et services chez eux, mais aussi d’en apporter de nouveaux.

Allez-vous lancer de nouveaux services ?

Nous nous apprêtons à lancer un service Web baptisé Hubside. Il permettra de faire des sites Internet premium à la carte. Une centaine de développeurs travaillent sur ce projet. C’est pour cela que nous avons récemment racheté l’agence de communication parisienne Actualys. Plus globalement, nous souhaitons proposer d’autres palettes de produits à travers le retail.

Avez-vous rencontré des problèmes en raison de vos origines tunisiennes ?

Vous êtes perçu différemment, ce qui provoque des difficultés supplémentaires au quotidien… Vous êtes plus dans le viseur, surtout quand vous réussissez. Mais je n’ai jamais eu de gros problèmes. Ce qui est important, c’est d’avoir le costume cravate (rires) ! 

[FIN][FIN][FIN] SFAM en bref :

CA 2018 : 

500 M€

Salariés : 

1300

 (2000 fin 2018)

Chiffres clés : plus de 

4

millions de clients, 200 000 ventes par mois

Sites : Romans-sur-Isère, Paris, Roanne

Concurrence : Assurant (Etats-Unis)

[FIN][FIN][FIN] Un chiffre d’affaires en constante augmentation

2015 : 50 M€

2016 : 135 M€

2017 : 250 M€

2018 : 500 M€

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