Tribune. La nouvelle économie ressemble beaucoup à l’ancienne : elle consiste à disposer de matières premières, à les transformer via la maîtrise de l’énergie et à les vendre, ce processus de création de valeurs explique en grande partie l’actualité mondiale conflictuelle voire guerrière.
Afin de contrer le déclin manifeste du paradigme occidental depuis la crise pétrolière des années 1970, les banques centrales impriment des billets pour préserver à court terme les populations, mais la pénurie des matières premières y compris agricoles va provoquer des catastrophes humaines dans les deux tiers du monde d’autant plus que la démographie se situe hors de toute maîtrise politique.
Les sanctions anti-oligarques russes ressemblent avant tout à de simples opérations de communication, les milliardaires ne sont que très relativement impactés. La vérité c’est une Europe qui ne peut pas se passer du gaz russe, à moins d’accepter d’acheter du gaz de schiste américain au prix fort, ou alors de se mettre à genoux devant des Etats Islamiques dont nous serions de plus en plus dépendants. Ce n’est pas hasard, si le système SWIFT n’est pas bloqué pour toutes les transactions avec la Russie. Comme ce n’est pas un hasard, s’il n’y a pas de sanction anti-dignitaires saoudiens en raison de la guerre au Yemen. L’Europe, et plus encore l’Afrique, peuvent difficilement ne pas acheter certains produits agricoles ou énergétiques, nous sommes contraints, au-delà du cas Poutine, de négocier avec Moscou, voire de construire un avenir commun entre l’Europe et la Russie.
Si nos entreprises quittent la Russie, des sociétés chinoises vont venir les remplacer. Selon le Ministère de l’Economie, 700 filiales d’entreprises françaises sont implantées en Russie, soit 200 000 salariés et un volume d’exportations représentant 7 milliards d’euros. On ne demande pas aux sociétés américaines de cesser leurs activités en Russie, parce qu’il y a d’un côté la bien-pensance, et de l’autre côté, des limites liées à des réalités économiques et sociales.
Le monde évolue sous nos yeux, la guerre peut être nucléaire mais elle sera, plus assurément, et, avant tout, économique. Les exigences de la réalpolitique, qu’on le veuille ou non, vont très rapidement l’emporter sur les sentiments et les idéologies.
Laurent Guibert
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