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« Sans le Second Marché, la bourse des PME, les financiers de Paris n’auraient plus de travail aujourd’hui »


Créé le 1er février 1983 par Louis Thannberger, le Second Marché est devenu incontournable. Rencontre avec un visionnaire. Vous qui avez été le moteur du Second Marché, que vous inspire cette date d’anniversaire ? Louis Thannberger : Il a été voulu par un lyonnais : Gilles Brac de La Perrière,...

Louis Thannberger

Créé le 1er février 1983 par Louis Thannberger, le Second Marché est devenu incontournable. Rencontre avec un visionnaire.

Vous qui avez été le moteur du Second Marché, que vous inspire cette date d’anniversaire ?

Louis Thannberger : Il a été voulu par un lyonnais : Gilles Brac de La Perrière, énarque, inspecteur des finances, et un Parisien, Yves Flornoy, le patron des agents de change à l’époque absorbés par les banques depuis, tout un symbole.

Le premier, un visionnaire, était convaincu il y a 40 ans déjà qu’un jour viendrait où les entreprises moyennes se financeraient par la Bourse, le Marché, parallèlement au crédit et où toutes ces entreprises appartenant pour la plupart à des propriétaires avaient besoin, pour diverses raisons, de rendre liquide leur capital entrepreneurial en l’ouvrant au public, au Marché et précisément au Second Marché. Comme quoi, un bien qui n’est pas liquide n’est pas réellement un bien !

C’est tout le problème du private equity. Le second, Yves Flornoy avait compris que cette future Bourse des PME ne pouvait pas être l’affaire de la Place de Paris pour la simple raison qu’elle n’en avait pas la culture. Paris est la capitale des grands groupes et des managers. Lyon lui apparaissait de facto comme la Place de prédilection pour la cotation d’entreprises appartenant à des propriétaires. C’était très courageux de la part de ces deux personnalités soulevant partant l’ire de leurs alter égo parisiens. Mais, la presse lyonnaise, à commencer par Le Progrès, soutenait à fond, cette révolution financière sans précédent pour les PME qui du coup a irrigué toute la France.

Je n’oublie pas Jean Carrière, le Président de la Lyonnaise de Banque, au moment de la création du Second Marché. Il m’a dit cette phrase que je n’oublierai jamais : « Mais LT si, toutes les PME entrent en Bourse et se financent par le Marché, mais qu’allons-nous devenir avec notre bon vieux crédit ? ». Ceci étant, il n’en demeure pas moins, qu’il m’a mis le pied à l’étrier mais en me précisant qu’à chaque nouvelle IPO, je mettais mon poste en jeu ! Je l’ai fait des centaines de fois depuis.

Pourquoi ce fameux Second Marché a-t-il disparu ou plus exactement a-t-il été absorbé par la Bourse de Paris ?

Nous sommes au cœur du mal français. Quand quelque chose marche bien en Province, il faut le rapatrier à Paris. C’est l’exemple même d’une recentralisation alors que la décentralisation avait si merveilleusement fonctionné. En Allemagne, les bourses régionales comme Münich ou Stuttgart existent toujours en se spécialisant comme nous l’étions à Lyon grâce au Second Marché. En vérité, la Bourse de Paris devenue Euronext avait besoin de renfort pour jouer dans la cour des grands au plan mondial comme : New-York, Londres, Shanghaï, Singapour etc… Le CAC 40 ne suffisant pas ou plus, le Second Marché a tout de même amené 650 PME à la Place de Paris et 600 de plus depuis 1983. Sans cette Bourse des PME, les financiers de Paris, n’auraient plus de travail aujourd’hui.

Comment expliquez-vous ce phénomène ?

L’introduction en Bourse d’une PME n’est pas un métier mais un art. Elle n’est pas faite pour des jeunes sans expérience, sans avoir enduré comme dans mon cas quatre krachs : 1987 2000 2008 et 2022. Cela fait plusieurs années que je dis que les entreprises sont d’entrée de jeu surévaluées, les levées de fonds surdimensionnées et qu’il y a trop de financiers cupides. Le montage d’un dossier trop en amont n’a pas d’intérêt non plus, il faut désacraliser tout cela !

Comme le dit si bien Patrick Bruel : « Le plus important ce ne sont pas les cartes mais ce que vous en faites. » Pour une IPO, le plus important c’est ce que vous en faites après : en changeant de culture, de monde, de logiciel en vue d’une nouvelle et innovante stratégie financière qui provoque ce fameux effet turbo dont tous les chefs d’entreprise cotées se félicitent. Le crédit n’implique pas de stratégie, la Bourse oui Elle est, qui plus est, aux PME cotées ce que le GPS est aux automobiles. En matière de crédit, c’est la banque qui a la main, en matière de Bourse ce sont les patrons de PME !

Autre idée fausse, quand les chefs d’entreprise me disent que c’est prématuré, je leur réponds que je suis l’homme des prématurés ! Il suffit pour s’en convaincre de consulter mon palmarès pour voir ce que mes centaines de soi-disant prématurés sont devenus. Sans la Bourse, tous ceux dont la presse parle ne seraient pas arrivés là où ils sont, à commencer par Jean-Michel Aulas, Olivier Ginon, Jacques Mottard, Eric Peyre.

Quel jugement portez-vous sur l’effondrement de la Tech ?

On a gavé les startupers avec beaucoup trop d’argent, ceux que je viens de citer ne parlent jamais argent, Alain Mérieux, Bernard Arnault et Vincent Bolloré encore moins. L’argent rend bête et fou me disait le fondateur des jouets Smoby à Saint-Claude, dans le Jura. Le temps de : « J’ai une idée, je vais créer ma boîte » est sans doute révolu, révolu il l’est aussi pour les financiers qui leur ont déchargé des dizaines de millions devant la porte sans qu’ils aient prouvé quoique ce soit jusque-là, révolu il est aussi pour une certaine presse, qui voyait des licornes à tous les coins de rue… Las Vegas a mis les têtes à l’envers.

Maintenant il va falloir gérer la pénurie. Attendre un peu pour se faire photographier dans les journaux… Comme quoi, le récent krach a du bon, il y en a d’ailleurs toujours eu et il y en aura d’autres. Les conséquences de cette folie sont terribles, la Tech licencie, le private equity fait pression sur les dirigeants pour que leurs entreprises deviennent plus rapidement rentables, voire pour qu’ils cèdent leur place majoritaires ou pas. Chef d’entreprise, c’est un métier, il ne suffit pas d’avoir un beau diplôme. À tous ces jeunes gens, il faut leur enseigner la création d’une entreprise et l’humilité et non pas le lancement d’une boîte : une boîte qui par définition s’ouvre… se ferme !! La Bourse est précisément l’école de l’humilité. Alain Mérieux, une référence mondiale et qui à ce titre a reçu le Président Xi Jinping chez BioMérieux à Marcy l’Etoile, dans la banlieue ouest de Lyon, a dit ceci : « Une entreprise se dirige avec le pifomètre et avec le trouillomètre ».

Que pensez-vous du private equity ?

J’ai quitté la Lyonnaise de Banque parce que je ne voulais pas m’y plier. La Bourse est et restera la voie royale pour tout entrepreneur, leur faire gravir une à une les marches du Palais est devenu ma passion que depuis j’ai partagé des centaines de fois avec eux. Ma fortune est de connaitre les meilleurs de France parmi ceux qui inventent, créent, exportent dans le monde entier et créent plus d’emplois. A ce titre et avec mes centaines de PME qui m’ont suivi, j’ai suscité quelque 40 milliards d’euros de richesses nouvelles. Quand j’observe toutes ces levées de fonds gigantesques qui s’investissent dans les TPE naissantes, je me dis 3 choses : Puisse leur moteur ne pas exploser en cours de route.

D’où vient cet argent ? De France ou d’ailleurs, dans ce dernier cas, avons-nous des garanties pour qu’elles restent en France, à commencer par leur siège social ? Ne seront-elles pas rachetées par des groupes étrangers qui, dans un premier temps font donc leurs emplettes dans l’Hexagone.

Avez-vous des projets pour 2023 ?

Oui, sinon on arrête. 2023 sera l’année du retour en Bourse des PME en croissance et rentables. C’est la fin de la dithyrambe et des effets d’annonces. C’est 1 ou 2 ans après que l’on juge de la réussite d’une IPO ou pas. Comme du temps du Second Marché, on valorisera à nouveau des bénéfices, condition sinequanone, pour entrer en Bourse à l’époque et non pas des montagnes de pertes comme en 2022. Je me souviens du Nouveau Marché il y a 20 ans… les 3/4 des entreprises ont disparu depuis. En 2023, nous conseillons, chez IPO N°1, Sérélys Pharma, à Monaco, et son fondateur Sossio Morra un lyonnais, le Comptoir de Mathilde, à Avignon, et son fondateur Richard Fournier un stéphanois, STIF, à Angers. 3 perles, Resto Reality, à Lyon, une première mondiale : une révolution dans l’apprentissage des métiers de la restauration grâce entre autres à l’e-learning. Ma Question Médicale à Lyon et son fondateur le Docteur Jean Taffazzoli. Vélo Solex, la bicyclette électrique qui roule toute seule.

De quoi êtes-vous le plus fier ?

De mon palmarès, de mon vécu, de ne pas être passéiste, la preuve et d’avoir exercé le métier de banquier à la prestigieuse Lyonnaise de Banque à Lyon. Lyon seule alternative crédible à Paris. J’ai la chance d’être de tous les acteurs, le plus expérimenté et surtout le plus enthousiaste. Au cours d’une intervention dans le salon du Conseil des Ministres à l’Elysée, j’ai dit ceci : « Ce sont les hommes qui font les bilans et pas l’inverse, contrairement à Euronext. » La banque de crédit est ma culture, la Bourse et les hommes qui y accèdent, ma passion !

Propos recueillis par Henry Marin

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