Tribune de Cyrille Lachèvre, libéral, journaliste économique, fondateur de l’agence de conseil Cylans.
La santé est-elle de droite ou de gauche ? La médecine libérale est-elle vraiment si libérale qu’on le pense ? Ces questions méritent d’être posées alors que le second quinquennat d’Emmanuel Macron entre dans sa phase cruciale sur les sujets sociaux et – partant – de santé.
Tribune de Cyrille Lachèvre, libéral, journaliste économique, fondateur de l’agence de conseil Cylans.
Depuis six ans, la politique de santé du Président de la République oscille dans un curieux en même temps. Dès le début de leur mouvement, les macronistes ont classé la thématique santé comme étant l’un des meilleurs marqueurs de gauche pour un Président à qui l’on reproche, par ailleurs, de trop pencher à droite. Ce sujet avait d’ailleurs été clairement ciblé par les équipes du Président candidat début 2022, au moment d’entamer sa campagne pour sa réélection, comme étant celui où l’on pourrait faire le plus de propositions sociales, pour mieux faire passer d’autres idées adressées à l’électorat LR. La drôle de campagne 2022, percutée par la guerre en Ukraine, a remisé ces velléités, mais il n’empêche : la tentation étatiste reste forte aujourd’hui encore au sommet de l’État quand il s’agit d’aborder le secteur de la santé.
Il y a probablement de bonnes raisons à cela. La principale est la situation financière très dégradée des hôpitaux publics, qui nécessitent un renforcement des dotations publiques, au moins à court terme, pour colmater les brèches. Il n’en demeure pas moins que l’État ne pourra pas tout faire et, à ce titre, on ne peut que regretter que la courte éclaircie libérale promise en 2017 en matière de santé se soit presque définitivement éclipsée.
Le paradoxe, c’est que les constats dressés par le Président Emmanuel Macron procèdent souvent d’un regard économique libéral et réaliste sur l’évolution du système de santé. Mais les solutions proposées ressemblent malheureusement trop souvent aux vieilles recettes de la politique française : plus de planification, plus de régulation, plus d’État. Un exemple de bon constat dressé par le Président ? L’omniprésence de l’administratif dans le parcours de soin. Lors de ses vœux au secteur, Emmanuel Macron a ainsi dit avoir entendu les médecins généralistes en voulant « continuer à supprimer toutes les tâches inutiles, comme certains certificats ». Il a aussi plaidé pour la libéralisation de la téléexpertise, en critiquant le seuil actuel limitant à 20 % par an le temps de téléexpertise que peut faire chaque médecin. Idem dans les hôpitaux où, promet-on, un tandem administratif et médical va être instauré pour diriger les hôpitaux et remettre du médical à la tête tout en libérant les médecins des tâches de gestion pure. Bref, un constat lucide et honnête sur les faiblesses de notre système de santé (bureaucratisation de l’hôpital, dégâts des 35 heures, mille-feuille territorial), mais qui propose des solutions fort peu libérales : une simple réorganisation de la direction de l’hôpital, davantage d’assistants médicaux… Un remède trop homéopathique pour espérer soigner les maux profonds. Où sont les solutions pour véritablement libérer la médecine libérale ? Où sont les mesures inspirées des cliniques privées, qui ne connaissent visiblement pas les difficultés de l’hôpital public ?
Cette étatisation se retrouve aussi dans le projet, récemment ressorti des cartons, de remplacer les mutuelles privées par la sécurité sociale pour le remboursement du ticket modérateur. Seront ainsi concernées une grande partie des dépenses de santé des Français, des médicaments aux soins de ville, ou encore du reste à charge hospitalier aux lunettes et prothèses auditives, qui seraient intégralement remboursées par la sécurité sociale, alors qu’elles ne le sont que partiellement aujourd’hui. La raison invoquée par les tenants de cette réforme est toujours la même : en retirant les mutuelles du circuit, on réduit, en théorie, les frais de gestion, donc on contient les dépenses de santé des Français. Ce qui part d’un présupposé un peu rapide et loin d’être vérifié dans les faits : la capacité de l’État à être plus économe dans ses frais d’administration qu’un groupe privé…
Outre l’aspect financier, et le risque que cela pose sur le modèle même des mutuelles françaises, c’est aussi la question du choix, donc de la liberté, qui se pose à l’assuré. Le recours à une mutuelle laisse à chacun le choix d’adapter son offre de remboursement à son profil, à ses moyens, voire même – pourquoi pas ? – de récompenser ceux qui, estimant faire des efforts chaque jour pour rester en bonne santé, peuvent en toucher les bénéfices en allégeant leur cotisation, partant du principe qu’ils ont moins de probabilité d’être malades. L’État serait-il capable de laisser un tel choix à chacun ? On peut en douter. Pourtant, c’est aussi cela, la vraie médecine libérale.