Petite révolution dans le monde de la mobilité à hydrogène avec les bateaux « volants » à propulsion électrique et hydrogène. Première livraison 2023, sur le lac d’Annecy. Si tout se passe bien, la jeune pousse savoyarde prévoit de sortir une centaine de bateaux dès 2027, pour un chiffre d’affaires de 300 M€ par an. Entretien avec la directrice générale Virginie Seurat.
Qui finance ce magnifique projet, avec à la clé un prêt de Bpi France de 8 M€ ? Parlez-nous de l’actionnaire principal, le fonds lyonnais Mediapps Innovation, de Béchara Wakim…
Virginie Seurat : Bechara Wakim est un pro de la tech, cofondateur d’Everteam, éditeur de logiciels reconnu à l’international, il est titulaire d’un PhD en mathématiques appliquées et en informatique, il investit ou lie des partenariats stratégiques dans des dizaines d’entreprises de la tech. Nous sommes parfaitement alignés avec notre actionnaire, un homme brillantissime, très à l’écoute, passionné d’innovation, qui nous donne les moyens d’innover dans le durable.
Le fonds a racheté Seabubbles en décembre 2020, où en êtes-vous aujourd’hui ?
C’est un peu comme si nous étions repartis de zéro. Sur le plan énergétique, nous sommes très agnostiques dans notre approche, c’est le cas d’usage qui détermine nos choix. Nous utilisons la technologie des foils automatisés, il nous faut donc être légers pour pou-voir décoller, et disposer du maximum d’énergie. Nous avons un modèle électrique de 4/5 places et nous développons le grand modèle à partir d’une pile à combustible hydrogène équipée d’une batterie électrique tampon.
Zéro Vague, Zéro Bruit, Zéro émission : votre promesse est-elle tenable ?
C’est une réalité. Pour un bateau de la même taille, sur un temps de trajet de 1 heure, il faudrait 40 litres de diesel, contre nos 4 kilos d’hydrogène, soit une économie de quasiment 100 kilos de dioxyde de carbone sur une heure. Nous sommes en Zéro émission pendant l’utilisation, ensuite cela dépend de la façon dont l’hydrogène est produit en amont, car il faut prendre la chaine dans son ensemble. La structure du bateau est aussi un élément clé, elle est très aérodynamique, les foils sont là pour réduire les besoins en énergie, pas pour des records de vitesse. Notre approche se veut globale, nous avons un projet pilote avec un partenaire pour l’hydrogène vert et l’on peut aller plus loin, avec une réflexion autour de la coque pour des matériaux biosourcés.
Quelles sont vos cibles commerciales ?
Seabubbles est un bateau de trans-port de passagers, avec deux types de clientèle, soit le transport public, avec du taxi boat, soit le tourisme haut de gamme, pour des transferts d’un Resort à un autre ou pour naviguer dans des zones protégées, type île de Porquerolles ou même le lac d’Annecy où nous sommes, car le bateau ne crée pas de vagues. Il ne faut pas oublier que nous sommes sur un projet très innovant, qui se construit au-tour d’infrastructures qui n’existent pas encore totalement.
Les superchargeurs se développent de plus en plus dans les zones maritimes, l’hydrogène commence juste à se développer, l’écosystème est en cours de développement et il faut ra-jouter à cela les aspects réglementation et maintenance. Nos premiers contrats doivent réunir toutes ces conditions. En France, nous disposons de beaucoup de soutien avec BpiFrance et l’Europe où il y a un gros focus sur la transition énergétique. En revanche, il existe un grand nombre de décideurs, le processus est moins rapide qu’au Moyen-Orient. Nous sommes en train de créer une filiale aux Pays-Bas, qui est en avance. La Suisse est aussi parmi les pays les plus à la pointe en termes de mobilité hydrogène terrestre. Ensuite, le gros marché reste les Etats-Unis.
Quelle est votre actualité
Aujourd’hui, nous avons des bateaux en cours de construction, et nous avons présenté le nouveau modèle hydrogène au Cannes Yachting Club. Mais notre volonté est de commencer par des projets pilotes sans nous éparpiller. Nous sommes toujours en phase de développement, d’adaptation suite aux retours clients, pour apporter des réponses à des questions très pragmatiques.
Avez-vous des concurrents ?
Le marché n’est pas en gestation, car il croule sous les demandes de bateaux électriques. Le maritime est un peu de décalage par rapport au terrestre, les Américains sont très intéressés. Sur l’hydrogène, cela a bien progressé sur le poids lourds, mais pas encore sur les autres secteurs. Le Time to market est hyper important. Il existe des hydrofoils, des électriques, mais il n’y a pas de proposition aussi innovante que Seabubbles. Cependant, nous avons intérêt à être nombreux pour faire grossir le marché et le faire progresser rapidement.
Où en êtes-vous aujourd’hui ?
Des ventes ont été faites, une deuxième levée de fonds en prévision. Nous proposons deux modèles, il y a le 8 à 12 places, mais aussi la petite Seabubble, un water taxi de 4 places, qui n’avait pas été commercialisé avant la reprise de la société, et que nous fiabilisons pour le lancer. Nous l’utilisons déjà sur le lac d’Annecy pour nos clients et prospects. Les nouveaux modèles à hydrogène seront en essai dès l’an prochain.
À ce jour, nous communiquons peu, à l’exception du dernier Cannes Yachting Festival, car nous voulons auparavant être parfaite-ment prêts. Ce que j’aime dans ce projet, c’est que l’on parle beaucoup de transition écologique, de climat pour les générations futures, mais lorsque l’on est en expérience de vol sur un Seabubble, on ressent immédiatement les progrès effectués, le fait que l’écosystème est épargné, il n’y a pas de bruit, pas même de mal de mer. Le bénéfice est immédiat, on peut vraiment profiter de la nature. Dans notre l’équipe, nous n’avons d’ailleurs que des amateurs et des sportifs amoureux de la nature, c’est cela le vrai luxe, lorsque la technologie s’efface.
Anne Florin
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