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Sébastien Chabal : « Ce qui me plaît vraiment, c’est de créer des sociétés et des équipes »

Inutile de présenter Sébastien Chabal, le rugbyman. Il n’en est pas de même pour Chabal, l’investisseur et entrepreneur. L’ancien troisième ligne avait déjà démontré ses qualités de businessman avec les différents contrats publicitaires qu’il avait signés, mais depuis 2014, année de sa retraite sportive, il a multiplié les initiatives.

Sébastien Chabal

Quand avez-vous commencé à réfléchir à l’après-rugby ?
Sébastien Chabal : Cela s’est fait assez naturellement, car avant de devenir sportif de haut niveau, je travaillais en tant que tourneur-fraiseur le matin à l’usine, je m’entraînais l’après-midi. J’ai donc toujours eu conscience qu’après ma carrière de sportif de haut niveau, il allait falloir retravailler, sans pour autant être fixé sur ce que je voulais précisément faire. J’avais cependant une certitude : je ne voulais plus être salarié, car j’aimais la liberté expérimentée au fil de ma carrière sportive. Se familiariser avec l’entreprise, créer des projets, rassembler des équipes me séduisait. Après 2014, j’ai investi dans quelques secteurs, exploré, regardé, avec la chance de pouvoir prendre trois ou quatre ans pour me décider, un vrai luxe. Depuis, j’ai concrétisé certains projets, mais tout n’est pas encore défini.

Aviez-vous un objectif précis en suivant la maîtrise en administration de l’EM Lyon Business School ?
Il s’agissait d’un vrai choix. Je venais de reprendre Ruckfield avec Tony Mathis et Éric-Marie Groetz, mes associés. Il me fallait approfondir mes connaissances. Ce fut l’occasion de bien réviser ce que j’avais appris et d’approfondir les aspects financiers et administratifs de la gestion d’entreprise.

Vous avez racheté la marque Ruckfield, il y a eu ConceptSport, Au Poil, des produits cosmétiques pour cheveux et barbe… Quels critères guident vos choix ?
J’ai participé à la création de la marque Ruckfield dès 2007 et en suis devenu l’égérie. Comme je jouais en Angleterre à ce moment-là, j’ai signé un contrat de licence de marque de dix ans. En 2019, j’ai repris l’entreprise, en partie sur les conseils de mon épouse. ConceptSport était un projet en famille, en lien avec le sport. Pour Au Poil, plutôt que de signer un énième contrat d’image, j’ai préféré créer. La société a été revendue il y a deux ans. Ces expériences n’ont pas suivi un plan précis, elles sont la conséquence de ma curiosité et de rencontres. Des secteurs très différents suscitent mon intérêt, mais ce qui me plaît vraiment, c’est de créer des sociétés et des équipes. J’ai grandi ainsi, car dans le rugby, on apprend que si chaque individu est indispensable, il faut aussi se mettre au service de l’équipe. Et, si l’équipe gagne, l’individu en sort grandi. Quant à l’aspect financier, même s’il est important, mourir le plus riche du cimetière n’a jamais fait partie de mes ambitions. L’argent est un moyen, pas une finalité.

Vous venez de cofonder « Les Burgers de Jo » avec Tony Mathis, votre associé de Ruckfield, et Joannes Richard, champion du monde du burger. En quoi consiste ce concept particulier ?
Il s’agit d’un modèle hybride qui n’existe pas à ce jour. Tony et Joannes se connaissaient, ils avaient joué au rugby ensemble. Avec Tony, nous tournions déjà depuis un moment autour de l’univers de la food, nous souhaitions nous lancer, mais sans vraiment savoir ni quand ni comment. La rencontre avec Joannes a été l’occasion de monter un vrai concept. Pas question de proposer une énième offre de restauration, nous voulions créer un modèle gagnant-gagnant, basé sur des partenariats avec des restaurants déjà en activité, sélectionnés en fonction de la qualité de leur cuisine, le critère indispensable étant l’utilisation de produits frais. Notre idée s’apparente à celle du pop-up restaurant : nous installons notre concept le premier mercredi du mois chez les restaurateurs, afin de leur apporter de la différenciation et des opportunités de communication.
Nous venons de lancer la commercialisation. Notre modèle a reçu un excellent accueil : une cinquantaine d’établissements ont déjà signé, le lancement officiel est prévu en janvier 2025, avec un objectif de 1 000 restaurants adhérant au concept.
La clé de la réussite est évidemment le recrutement des restaurants, mais nous ne sommes pas inquiets. Le restaurateur qui adhère devient « Compagnon » : il pourra proposer la carte des burgers Joannes, le client final réserve en ligne sur une plateforme dédiée et commande son menu à l’avance, pour éviter le gaspillage. La marchandise est livrée le jour dit. Nous avons recruté un directeur commercial responsable de six agents commerciaux et travaillons sur la gestion de la supply chain, mais nous avons la chance d’avoir un contrat avec Transgourmet. En matière de communication, une campagne de personal branding est prévue sur Joannes Richard à partir de cet été. Le champion du monde de burger est français, nous devons le clamer.

Des précisions sur votre modèle économique ?
Le « Compagnon de Jo », le restaurateur, paie un droit d’entrée de 1 000 euros, et un pack d’accueil dès 900 euros, puis 80 euros par mois pour les mercredis burger et 10 % de royalties sur la food uniquement. Les boissons sont gérées indépendamment par le Compagnon. Le client final paie 40 % lors de la réservation. Nous sommes très engagés sur la qualité des produits : Joannes a mis au point la recette des composants du burger. Le bun a été élaboré par le champion du monde 2024 de boulangerie, Frank Fortier, les desserts sont confectionnés par le MOF Gérard Cabiron.

En tant qu’investisseur, vous êtes un touche-à-tout ? La biotech Weo, la proptech Promy, Biotyfood, Private Discuss, Onoff Telecom…
Tout s’est fait suite à des rencontres, à cela s’ajoute la recherche de sens, car il s’agit de prendre soin de la planète et de l’humain. Onoff est de la tech pure et dure, Biotyfood travaille à la conservation de produits en limitant la consommation de plastique. Weo est dirigée par un Français parti aux États-Unis pour lancer une eau augmentée qui agit sur l’inflammation, après des années de recherche sur un processus spécifique d’électrolyse. Une approche au cas par cas.

Quel manager êtes-vous ?
Ce qui m’anime, c’est de donner les moyens à mes collaborateurs de grandir et d’atteindre leurs objectifs personnels tout en construisant des équipes qui ont de la cohésion et servent les projets. Je pense être bienveillant et considère que chacun a droit à l’erreur. Je suis convaincu que, même sans formation, sauf sur des métiers très techniques, il est possible de faire de grandes choses avec du simple bon sens. Le monde du sport collectif vous apprend aussi cela.

Quel qualificatif vous définit le mieux ?
Il est difficile de se définir. Je dirais que je suis quelqu’un de chanceux, car j’ai rencontré mes deux associés piliers, Tony Mathis et Éric-Marie Groetz, qui régissent le quotidien et me permettent de découvrir d’autres univers, de passer du temps sur des projets, de rencontrer des gens pour de nouveaux business. Je ne suis pas du genre à me laisser contaminer par l’atmosphère ambiante, je ne passe pas mon temps sur les réseaux, ni à écouter des médias qui font le buzz en cultivant le catastrophisme.

Vous avez 46 ans, quelle est votre ambition à 5 ans ?
Aujourd’hui, l’activité principale est constituée par Ruckfield, qui fonctionne plutôt bien en dépit d’un univers textile très chahuté. Cependant, je n’ai pas été l’initiateur de tous les projets évoqués précédemment. Sauf pour Les Burgers de Jo, où, cette fois-ci, je peux me qualifier d’entrepreneur. Dans les cinq prochaines années, l’idée est d’implanter la marque en France, dans les pays limitrophes culturellement proches de nous et, si tout se passe comme prévu, de passer à des master franchises Burgers de Jo dans une trentaine de pays. Dans un avenir très proche, nous allons aussi ouvrir un food court du côté d’Avignon, proche du restaurant gardois de Joannes Richard, une activité périphérique aux Burgers de Jo.

Propos recueillis par Anne Florin


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